Etat des lieux auprès d’entrepises engagées
La période des forums pour l’emploi donne une bonne occasion de faire un point sur le regard que portent les entreprises sur les travailleurs handicapés. De plus en plus d’entreprises répondent à l’obligation d’emploi de la loi du 11 février 2005, cependant, le handicap reste encore le deuxième facteur discriminant après l’origine, et tous les handicaps ne sont pas logés à la même enseigne.
De plus, si cette loi de 2005 a considérablement modifié les rapports entre les entreprises et les personnes en situation de handicap, elle a aussi apporté une nouvelle catégorie de public pour laquelle l’adaptation de postes et la compensation du handicap s’envisagent autrement.
En effet, les maladies chroniques évolutives sont reconnues depuis comme handicaps, elles recouvrent un ensemble de situations très diverses (le diabète, la sclérose en plaques, la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Parkinson, l’épilepsie, l’asthme, la myopathie, le VIH-Sida, certaines hépatites, etc.) Des handicaps qui ne se voient pas forcément et dont l’invisibilité peut entraîner des incompréhensions.
Il demeure encore des idées reçues concernant le travailleur handicapé, particulièrement sur certains handicaps encore méconnus qui font peur aux employeurs. Des travailleurs handicapés pour lesquels le marché du travail hésite encore.
Quels sont les handicaps les plus discriminés, ceux qui font le plus peur aux employeurs ? Quelles sont les contraintes rencontrées par les employeurs au moment de l’embauche et puis de l’intégration ou du maintien en emploi de la personne handicapée ?
Afin d’établir un état des lieux de ces craintes qui persistent au sein des bureaux en ressources humaines, nous nous sommes rendus sur le Forum emploi handicap organisé par Jobekia le 16 octobre dernier et interrogés des entreprises qui sont déjà bien engagées dans cette politique d’emploi.
Nous avons rencontré des grandes sociétés, de grands groupes dans des secteurs d’activité très variés et dotés de missions handicap bien rodées.
Elles possèdent une bonne compréhension du handicap en général et savent désormais comment recruter les travailleurs en situation de handicap, comment aller vers eux, comment sensibiliser les collaborateurs à leur intégration, comment aussi les inciter à se faire connaître et échanger sur leur handicap. Elles n’hésitent pas pour adapter les postes et savent comment accéder aux différents financements, autant de défis auxquels elles ont su faire face et qui ne les inquiètent plus.
Dans leurs témoignages anonymes, nous avons pu nous rendre compte qu’un bon nombre de responsables en ressources humaines, au sein même de ces entreprises, nourrissent encore des inquiétudes et des peurs quant à embaucher des collaborateurs handicapés et particulièrement travailler avec des collaborateurs atteints par certains types de handicaps.
Quand nous leur posons la question afin de connaitre ce qui pourrait encore leur faire peur dans le fait de recruter une personne handicapée, ils ont répondu de façon unanime que leurs craintes concernent en tout premier lieu le risque d’absentéisme, les arrêts maladie, leur répétition sur de longues périodes. Ce qui induit clairement une notion du manque de fiabilité ou de productivité du salarié handicapé.
Cependant, certains reconnaissent que cette peur n’est pas fondée. D’expérience, un grand nombre de travailleurs handicapés seraient particulièrement zélés, un peu comme s’ils avaient quelque chose de plus à prouver, voire à compenser.
L’appréhension des recruteurs porte aussi sur le fait de recruter des personnes souffrant de handicaps psychiques ou de déficiences mentales. Ils avouent leur méconnaissance en la matière et disent ne pas savoir comment appréhender un employé en crise. Ils auraient été confrontés à des situations d’échec dues à un mauvais accompagnement et une information quasi nulle. Ils redoutent devoir faire face par exemple à un employé qui arrêterait son traitement brutalement, qui ne se comporterait pas conformément aux règles de l’entreprise ou encore qui pourrait disparaître du jour au lendemain. Cette peur confronte à nouveau le travailleur handicapé à une suspicion de manque de fiabilité ou de régularité. Ils reconnaissent éviter ou ne pas recruter des personnes souffrant de handicaps psychiques, même si ça n’est pas dit ouvertement.
80% d’entre elles nourrissent aussi des inquiétudes quant à recruter des personnes souffrant de handicaps invisibles, de maladies chroniques. Leur peur réside dans le caractère évolutif du handicap, qui nécessite une prise en charge médicale, sur de longues durées. Et justement, la maladie chronique peut être à l’origine de l’aggravation du handicap. Ne pas connaître ces pathologies et leurs contraintes médicales sont autant de freins à l’embauche mais, aussi au maintien de poste.
Ce qui nous amène à un autre point de cette enquête pour laquelle les employeurs sont extrêmement hostiles. Il concerne la loi qui leur impose, lors d’un entretien d’embauche, de ne pas interroger la personne sur la nature du handicap lorsqu’elle ne souhaite pas le préciser. Ils expliquent qu’il leur est très difficile de structurer le poste sans être informé du handicap.
Mais, théoriquement, en support, une fiche de poste devrait suffire pour ce type d’entretien, ainsi le candidat répond de ses aptitudes et sur les aménagements nécessaires à la compensation de son handicap.
Parfois, les travailleurs handicapés hésitent à mentionner leur handicap par peur d’être stigmatisés. Certaines personnes assument mal le fait d’être en situation de handicap et d’autres sont porteurs de handicaps invisibles qui peuvent souffrir d’une mauvaise image et sont souvent très mal perçus comme une maladie mentale, un trouble psychique comme la schizophrénie ou des maladies comme le VHI, le VHC. Bien souvent, le travailleur handicapé préfère taire sa pathologie et ainsi évite de s’exposer à une réaction négative ou une éventuelle discrimination.
Et, selon les entreprises présentes, passer sous silence son handicap lors d’un entretien d’embauche, jette un doute sur la crédibilité de la personne, si elle se tait, elle ne sera certainement pas recrutée.
Il y aurait, au sein des bureaux de recrutement, dans les missions handicaps, des techniques officieuses, qui expliqueraient comment créer une relation de confiance pour amener la personne à se confier. La réponse reste la même, au cas où elle reconnaîtrait avoir un trouble psychique, une déficience mentale ou une pathologie évolutive, elle ne serait pas retenue non plus, évoquant d’autres raisons que celle de la méfiance qu’engendre ces handicaps.
Un autre point aussi délicat est à soulever et qui concerne la perception même du handicap physique. En fonction du secteur d’activité, les entreprises dont les postes à pourvoir imposent un contact avec la clientèle, reconnaissent ne pas recruter des personnes présentant un handicap physique visible qui pourrait être mal perçu du public. Comment faire évoluer cet état de fait tant que les entreprises ne bousculeront pas leur perception de l’image de la personne en situation de handicap ?
G. Deshais
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