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Sexualité et handicap mental, quand les pratiques institutionnelles évoluent

Comment en tant que professionnel envisager et se positionner sur la sexualité des personnes en situation de handicap mental en institution ? Laurence Bérel-Ossola se passionne pour ce sujet et entend bien faire évoluer les pratiques.
Avant tout il s’agit de favoriser la formation des professionnels sur les droits et devoirs des résidents, d’accepter de mettre de côté ses propres représentations de la sexualité, de mener une réflexion de fond en équipe ainsi qu’avec les résidents, de parler, de respecter l’autre dans ses envies et ses désirs, tout en se respectant soi-même. Une réflexion et des pratiques en mouvement, sans a priori ni réponses toutes faites qui impulsent du changement !

Sexualité et handicap mental, quand les pratiques institutionnelles évoluent

Handimarseille : Pouvez-vous vous présenter ainsi que l’institution au sein de laquelle vous travaillez ?

Laurence Bérel-Ossola : Je suis cadre supérieure de santé dans un foyer de vie et maison d’accueil spécialisée (MAS) pour des adultes cérébro-lésés et traumatisés crâniens sévères, on a aussi des gens qui ont été victimes d’AVC et de maladies neurodégénératives de types scléroses en plaques ou sclérose latérale amyotrophique.

H : La sexualité des personnes en situation de handicap en institution est un sujet encore tabou et assez peu traité, pour quelles raisons à votre avis ?

L.B-O : Je pense qu’il y a une grosse difficulté par rapport à la loi. En général le personnel est peu formé sur les droits et les devoirs des résidents. Et puis il y a quand même un positionnement un peu bancal entre la liberté que l’on doit offrir aux résidents et le cadre institutionnel, le règlement intérieur et les limites juridiques ou législatives.

La sexualité est un sujet qui peut parfois choquer. Malgré l’ouverture favorisée par le discours social ambiant, il y a encore beaucoup de personnes qui ne sont pas capables d’en parler. Les soignants, comme toutes personnes humaines ont leurs propres représentations de la sexualité et ne sont pas toujours à l’aise pour en parler ou pour réagir de façon distanciée par rapport à un évènement. Au niveau de la formation initiale d’infirmière ou d’aide médico-psychologique, rien n’est fait dans ce sens-là. Et au niveau de la formation continue, même si ça se développe, il y a encore peu de choses.

H : Comment est traitée cette question au sein des institutions, y a-t-il des directives ministérielles ?

L.B-O : Dans notre institution on a fait un audit interne à ce sujet il n’y a pas très longtemps, et l’on s’est rendu compte que les salariés n’étaient pas du tout au clair avec les droits et les devoirs des résidents.
Une de mes missions est de m’occuper du Plan de Formation continue. J’ai donc décidé cette année, de faire intervenir une juriste spécialisée dans le handicap, pour initier tous les intervenants pluridisciplinaires à l’approche des droits et devoirs des résidents. Que sont-ils en droit d’attendre ? Que peut-on leur refuser ou pas ?
Tout ce qui est de l’ordre de l’assistance sexuelle, ou de la prostitution, c’est du législatif pur.
Il y a quelques semaines, j’ai rédigé un mémoire sur la sexualité et le handicap mental. Ayant fait beaucoup de recherches, cela me permet d’être au clair sur ces questions et j’ai pu les partager avec les intervenants qui travaillent dans notre institution.
Si l’on ne se penche pas réellement sur le sujet, si l’on ne va pas chercher les informations, elles ne viennent pas à nous spontanément, ni du ministère, ni de l’Agence régionale de santé, ni de la Haute Autorité de santé.

H : Concrètement par rapport aux droits et devoirs des résidents qu’est-ce qui est mis en place ?

L.B-O : Je suis partie d’un principe : je veux que les professionnels qui interviennent dans ce domaine-là, soient des personnes volontaires, car je comprends très bien que l’on ne puisse pas mettre en pratique certaines choses ou qu’on ne veuille pas aborder ce sujet-là.
Et cette aide-là, on ne la considère pas comme un soin thérapeutique. La sexualité n’est pas un soin. On ne la considère pas non plus uniquement comme un besoin ; c’est aussi une envie, d’autant plus quand elle est exprimée.
C’est vrai que sur notre centaine de résidents, il y a une moitié qui est capable de verbaliser, de prendre conscience, et l’autre moitié ce sont des personnes qui sont dyscommunicantes, et c’est alors un peu plus compliqué.

Pour ceux qui sont en demande, on a créé un comité d’éthique interne. La sexualité est un des thèmes que l’on aborde de façon récurrente, lorsqu’il est soulevé par des résidents ou par des soignants.
En ce moment on est en train de réfléchir à la mise en place d’une chambre dite « nuptiale », de façon à ce que des membres d’un couple qui souhaitent se retrouver ensemble puissent avoir un lieu qui leur est dédié, qui soit un peu plus intime qu’une chambre double, car malheureusement en institution nous avons peu de chambres simples.

Concrètement ce que l’on fait aussi, s’il y a des couples de longue durée dans notre structure, avec l’un des partenaires qui n’est pas en capacité physique de mettre un préservatif et que l’autre serait en capacité de le faire, mais aurait des gros troubles de la mémoire, ou des difficultés mentales pour en comprendre l’intérêt, on les aide à ce niveau-là. Ils peuvent le demander aux soignants volontaires, et ils savent que ces soignants-là sont prêts à le faire. On peut aller jusqu’à poser le préservatif sur la verge de l’homme.
Quand un couple vient de s’installer dans leur chambre, les soignants sont avertis et doivent respecter une certaine intimité. Par contre, nous les obligeons à ce qu’ils ne soient pas enfermés à clefs, de façon à pouvoir intervenir rapidement s’il y avait un problème quelconque.

On peut, sur demande, acheter des cassettes vidéo ou des revues pornographiques, des sex-toys, des poupées gonflables... Avec le comité d’éthique on réfléchit à comment pouvoir encadrer des « tchats internet » sur des sites de rencontres dédiés aux personnes handicapées. On s’est dit que l’on pourrait d’abord encadrer ces échanges virtuels et pourquoi pas, après, organiser des rencontres factuelles, mais là on est dans la supputation.
Là-dessus on a une grosse réflexion : on est sur un encadrement, mais jusqu’où, pour ne pas s’immiscer dans l’intimité ? On veut encadrer, pour qu’il n’y ait pas de dérapages, mais si l’on encadre trop, on peut aussi faire acte d’immixtion et ce n’est pas ce que l’on veut.
C’est toujours très compliqué de jongler entre le respect du résident et de son intimité et le fait que ce sont quand même des adultes vulnérables qui ont besoin d’une certaine protection.

H : Est-il possible d’aller jusqu’à faire venir une prostituée au sein de l’institution, ou d’amener une personne rencontrer une prostituée ?

L.B-O : Légalement c’est interdit. Chez nous notre directeur est clair, c’est non car c’est illégal !
Je suis du même avis, mais pas pour les mêmes raisons : je pense clairement que l’on ne peut pas régler un problème social par un autre problème social. Lors de ma dernière année universitaire (2012/2013), j’avais une collègue de promotion qui s’occupait de prévention de la prostitution sur le secteur de Marseille, on en a beaucoup parlé, et elle me disait que 99% des prostitué(e)s n’ont pas fait ce choix, et si elles l’ont fait, quand on recherche dans leur enfance, on retrouve des évènements pas très sains ; on peut considérer d’autant que ce n’est pas un choix très conscient.
En France la prostitution est tolérée, mais le proxénétisme est illégal et si une institution reçoit ou fait appel à des prostituées, elle est de fait, considérée comme un proxénète.
En général, les Directions ne veulent pas prendre cette responsabilité-là. Cependant, lors de mes recherches pour mon mémoire, j’ai rencontré un directeur de maison d’accueil spécialisée et d’autres dirigeants d’institutions qui, sous couvert de sorties éducatives, emmènent certains résidents dans des quartiers réputés où ils peuvent trouver des prostituées. Mais on est complètement hors-la-loi.

H : La famille a-t-elle un « droit de regard » sur les pratiques sexuelles de la personne en institution ?

L.B-O : Même si ce sont des adultes vulnérables ce sont quand même des adultes ! La famille peut être questionnée. Je me souviens d’un résident de 42 ans, qui demandait à rencontrer une prostituée ; on lui a expliqué que nous, on ne pouvait pas, mais par contre, ses proches pourraient l’emmener lorsqu’il serait en séjour chez eux. La psychologue et l’assistante sociale ont amené doucement le sujet avec le père du résident, qui a complètement nié la chose, disant que ce n’était pas possible que son fils ait ces envies-là. Le résident n’a pas du tout été entendu. C’est toujours très compliqué. Bien que ce soient des traumatisés crâniens ou des accidentés vasculaires cérébraux, donc des personnes qui n’avaient pas de déficiences avant, les parents sont souvent dans l’infantilisation. Et quand le polyhandicap est congénital, le problème est peut-être pire, parce que les parents ne les voient pas évoluer « normalement » et les considèrent toujours comme des enfants.

H : Y a t-il des problèmes de contraception ou de violence sexuelle ?

L.B-O : Dans notre institution : non. Les femmes qui sont en âge de procréer et qui sont en mesure d’avoir des relations sexuelles, ont été éduquées à leur admission dans l’institution et ont demandé un contraceptif. Des problèmes de grossesse, on n’en a jamais rencontré jusqu’à maintenant. Des problèmes de violence, pas vraiment non plus. Par contre c’est vrai qu’il y a parfois du deal, des femmes qui proposent des fellations contre des cigarettes ou autres ; il y a de l’homosexualité qui n’est pas toujours foncièrement un choix mais plutôt une orientation sexuelle par défaut. Quand on le sait, on explique que ça n’est pas très sain, que ce n’est pas une démarche raisonnée, mais après on n’est pas derrière eux tout le temps.

C’est aussi faire passer le message que l’on ne veut pas de sexualité cachée, parce que ça voudrait dire que c’est une sexualité sale. On ne veut pas non plus d’exhibitionnisme. Il y a beaucoup d’exhibition, beaucoup de désinhibition, liées aux troubles cognitifs des personnes, alors on explique, comme on expliquerait à un adolescent ou à un enfant, que l’intimité ça n’a pas à être exposée mais qu’en même temps ça n’a pas de connotation de saleté ou de mal.
C’est pour ça que l’on réfléchit aussi sur une chambre nuptiale, pour que les couples aient une intimité.

H : Que pensez-vous de la controverse sur l’assistance sexuelle ?

L.B-O : Ça me paraît être une solution, mais je ne pense pas que ce soit foncièrement LA solution. On part là encore sur une notion de soin. Je ne pense pas que la sexualité, même si elle a des conséquences thérapeutiques certaines, doit s’inscrire dans cette démarche de soins.
S’il s’agit de payer pour avoir des caresses, pour en donner ou pour partager quelque chose et bien ça ressemble quand même fort à de la prostitution.

D’un autre côté, en Suisse par exemple, pour être formé à l’assistance sexuelle, il y a des critères très pointus qui permettent d’éviter les dérives au maximum, de tomber sur des pervers ou des personnes qui font ça pour des besoins financiers. Ils veulent des personnes qui soient déjà dans le paramédical, qui aient une vie conjugale équilibrée, sans problèmes psychiatriques, des CDI fixes et à temps plein.

D’aucuns disent aussi que le risque serait que le résident tombe amoureux de l’assistant(e), ou inversement. Mais c’est une chose qui peut très bien arriver avec n’importe quel soignant, c’est un risque. On est plus attaché à certains résidents, de même que des résidents sont plus attachés à certains soignants ; on a des affects et heureusement ! Il y a un cadre, il faut faire attention à ce qu’il n’y ait pas de dérapages, mais je ne pense pas que l’assistance sexuelle en créerait davantage.

En France les mentalités évoluent au ralenti, notamment quand on voit Jérôme Guedj, le président du Conseil Général de l’Essonne, qui s’est beaucoup battu en mars dernier pour rendre bénévoles les actions des assistant(e)s sexuel(le)s. Ça aurait pu être un des biais pour légiférer ce service : en étant dans le bénévolat, on n’est plus dans la prostitution du tout. Malgré ça, il n’a pas été entendu. Il y a le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), qui donne ses recommandations en disant que le territoire n’est pas prêt à recevoir ce type de profession. Ce n’étaient que des recommandations mais ça a rassuré tout le monde et tout le monde les a pris au pied de la lettre.
Après je pense que c’est surtout les principaux concernés qu’il faudrait interroger sur ce sujet.

H : Pour une évolution au sein des institutions, quelle serait selon vous la principale action à mener ?

Des actions de formation qui ne soient pas uniquement portées sur le préventif et sur l’éducatif. J’aimerais que l’on aille un peu plus dans le concret, que l’on nous parle clairement ; il m’a fallu une année universitaire de recherches pour avoir connaissance de l’existence des sites de rencontres spécialisés, alors que ça devrait être évident pour tous ceux qui travaillent dans le handicap de savoir que ça existe.
Les formations se multiplient. Je n’en ai jamais vu autant que cette année qui ont été proposées auprès de notre institution. Je pense que ça se développe et que les gens commencent vraiment à se poser des questions, et ça c’est bien, ça fait avancer la problématique.

On peut souligner également qu’un colloque comme celui qui vient de se dérouler, proposé par le Conseil Général, gratuit, dans une grande ville comme Marseille, c’est une très bonne démarche. Il faut que ce soit accessible à tous ceux qui se sentent concernés.

Ce n’est pas une question qui doit être traitée entre professionnels uniquement, mais débattue avec les principaux intéressés.

J’ai trouvé particulièrement pertinente la projection du documentaire israélien, avec des personnes en situation de handicap et leur cheminement par rapport à la sexualité et aux regards des autres.

Dans le travail de recherche que je poursuis, j’ai envie d’aller voir à l’étranger ce qui se passe. Au Canada, puisque ce sont nos cousins, il y a une mentalité peut-être pas très éloignée. On sait que dans les pays Scandinaves ils sont en général plus ouverts : essayer de voir d’où vient cette ouverture, cette tolérance, comme dans les pays germaniques.
Et puis on sait aussi que l’assistance sexuelle existe en Italie, qui est assez proche de nous. Ça existe aux États-Unis. Ça existe en Israël. La France n’est quand même pas à la fin du wagon, je me dis qu’il y a certainement des choses à faire. Et c’est vraiment la question vive du moment : « sexualité et handicap », ça n’a jamais autant été parlé que cette dernière année, depuis que le CCNE a indiqué ses recommandations en 2012, ça a tendance à faire bouger les choses.
Il faut continuer encore. Il faut populariser, médiatiser.


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