Rencontre avec Myriam Chomaz
Myriam Chomaz, boxeuse professionnelle, est actuellement championne du monde WBC en catégorie super plume.
Cette Grenobloise s’implique également dans le monde du sport handicap.
HandiMarseille - Vous avez des activités, outre la boxe professionnelle ?
Myriam Chomaz - Je travaille aussi pour la fédération union sportive Léo Lagrange, "œSport pour tous" . J’ai aussi travaillé pour la fédération de boxe et je vais y retourner dès le mois de septembre en tant que cadre d’état. Je travaille sur plusieurs axes : développer les projets, entraîner et faire de la formation.
J’ai une formation en activité physique adaptée, et j’ai naturellement utilisé la boxe dans les centres où j’ai fait des stages, avec tout type de population. Et puis j’ai un ami qui a un handicap et qui boxait avec nous dans le club. Il boxe en fauteuil. Je pratique un petit peu moi aussi la boxe assise.
H - La boxe assise ?
M. C - C’est quelque chose que je connais depuis très longtemps, mais la fédération de boxe n’a mis en place que l’année passée le premier challenge de rencontre handisport. Handicap moteur mais le handicap mental était aussi représenté avec le sport adapté. Ca a été un peu une expérience pour voir au niveau du territoire le nombre de pratiquants. Plus de 60 personnes y ont participé.
H - Où est-ce que ça s’est déroulé ?
M. C - À Bourges. On a voulu justement utiliser le cadre de Bourges, qui est le pôle ressource Sport et Handicap. Il est complètement équipé, avec toutes les chambres accessibles, des rampes partout, des inscriptions en braille... C’est un CREPS qui a été créé avec cet objectif là , c’est vraiment le lieu ressource pour nous dans le sport.
H - Qu’est ce qui vous a amené à vous intéresser au sport adapté et au sport handicap ?
M. C - Je pense que c’est cette rencontre avec cet ami qui pratiquait la boxe. J’ai été sensibilisé à ce moment là . De plus, je suis allé en UFRAPS, en activité physique adaptée - parce que j’ai aussi été éducatrice spécialisée - avec comme objectif d’utiliser le sport dans ma pratique éducative. Et dans ces formations là , on aborde le handicap.
H - Ces formations pour le sport handicap sont elles financées ?
M. C - Oui, c’est universitaire, sur trois ans. C’était à Grenoble, ça s’appelle "œSanté, Kinésithérapie, Sport" option "œActivité Physique Adaptée" . On y aborde vraiment l’approche sport tout public. Public handicapé, mais aussi personnes âgées, jeunes délinquants... Il s’agit vraiment d’utiliser le sport comme un vecteur de développement, de transformation, d’éducation et de réadaptation.
H - Quelles sont les difficultés particulières que va rencontrer une personne handicapée lors de son entraînement ?
M. C - Il n’y a pas un seul type de handicap, il faut donc s’adapter à tout type de personnes. Au niveau physiologique, ce qu’elles peuvent rencontrer c’est un problème d’adaptation à l’effort. Au niveau cardiaque par exemple, il y a des parties du corps où il n’y a pas vraiment de pression artérielle, donc il faut en tenir compte. Ou bien la transpiration, des choses comme ça. Il faut donc adapter la pratique au handicap de la personne.
Actuellement, tous les clubs n’acceptent pas encore des personnes "œhandis" . Soit à cause de salles inaccessibles, soit parce que les éducateurs ont beaucoup d’appréhension car ils ne sont pas préparés.
H - La formation n’est pas obligatoire ?
M. C - Quand on agit de façon bénévole, pas forcément. Si une, deux ou trois personnes handis arrivent dans un club, on peut les intégrer complètement. Mais tous les éducateurs ne sont pas préparés à ça.
H - La notion de handicap n’est toujours pas intégrée dans les formations d’éducateurs sportifs, ou bien ça se développe ?
M. C - Il faut savoir que le ministère de la Santé et des Sports incite les fédérations à développer des programmes pour les personnes handicapées en attribuant des aides. C’est un levier pour que les fédérations se positionnent là dessus.
H - Et donc les nouvelles générations d’éducateurs sont mieux formées ? Il y en a davantage ?
M. C - Oui, il y en a davantage. De plus, la fédération handisport propose des formations qu’on appelle CQH (Certificat de Qualification Handisport), qui permettent à des personnes formées dans des sports "œpour valides" d’aller chercher un complément de formation pour les personnes handicapées.
H - Certaines associations proposent des formations ?
M. C - Oui certaines commencent à en mettre en place. Nous dans la fédération de boxe avons aussi pour objectif de pouvoir proposer des modules de complément de formation et d’information par rapport au public spécifique, afin que les éducateur puissent proposer des programmes adaptés à la personne.
H - Dans le domaine de la boxe, trouve-t-on des clubs uniquement destinés aux personnes handicapées ?
M. C - Là actuellement on est plutôt dans l’intégration. Des personnes handicapées viennent dans le club, certains sont en fauteuil, d’autres ont un handicap aux membres supérieurs, il y a différents types de handicap. Dans l’état d’esprit, moi je suis pour cette forme de pratique. À un moment donné, une personne valide se met aussi assise en face de la personne et du coup, ça peut être aussi intéressant pour elle de pratiquer ainsi, on travaille le buste, on travaille différemment...
H - Il y a un bon accueil dans les clubs ?
M. C - C’est encore trop récent, on n’a pas encore suffisamment de recul. On pense souvent que la personne handicapée est une personne malade. On pense encore qu’il y a de la fragilité et du coup les gens n’osent pas. C’est comme les femmes : on a eu tout un parcours à faire pour dire qu’une femme pouvait boxer. Là de dire une personne handicapée peut faire de la boxe, ça peut être surprenant. Alors il y a encore de la réticence par rapport à ça. Pourtant, quand le handicap est installé et il n’y a pas de contre indication à la pratique. C’est selon les personnes, mais une fois qu’il y a autorisation... Bien sà »r on est sur de la touche, et pas sur de la percussion avec tout l’impact, c’est ce qu’on appelle boxe éducative asso.
H - Quels retours avez-vous de la part des personnes valides qui ont pratiqué avec des personnes handicapées ?
M. C - C’est toujours une rencontre. Très vite on oublie la notion de handicap. Bien sà »r il y a le fait qu’on soit assis, il y a des choses qui vont changer là -dessus, mais je crois qu’une pratique de sport de contact entre une personne valide et une personne handicapée, permet de percevoir l’individu avant toute chose. On est dans la pratique, dans le même plaisir, dans le même partage de l’activité. Et puis les handis ont les mêmes motivations, la même envie de gagner. Il y a des belles rencontres, c’est assez intéressant.
H - Déconseillez-vous cette pratique à certaines personnes handicapées ?
M. C - Quand vraiment le handicap est beaucoup trop grand, ou quand l’éducateur n’est pas formé, et là où il y aurait des risques particuliers, c’est à dire sur des traumas crâniens par exemple, là ça pourrait être gênant. Il peut y avoir des contre-indications médicales. Au niveau visuel, par exemple. Si la personne est complètement aveugle, on peut faire des notions de cibles, éventuellement un peu d’opposition, parce qu’il ne peut pas y avoir une perte plus importante de la vue. Mais s’il reste un tout petit peu d’acuité, on ne va pas prendre de risque avec un choc sur les lésions.
H - Est-ce qu’il peut arriver dans certains cas qu’une personne handicapée se sente exclue au sein d’un club ?
M. C - Je pense que ce qu’il ne faut pas faire avec une personne handi, c’est de le prendre pour avoir bonne conscience, et après de ne pas lui proposer une activité comme les autres. S’en occuper, ce n’est pas mettre la personne handi devant le sac et de ne rien lui proposer, de ne rien programmer, parce que là , très vite elle va se lasser et elle va arrêter l’activité. Comme tout sportif, quand elle vient pratiquer, il faut qu’elle ait des objectifs, une séance construite. C’est un projet.
Sinon, chacun peut s’essayer dans le sport, on aime, on n’aime pas, on accroche ou pas, comme pour tout individu, quoi. Il faut laisser le temps à la personne d’essayer et puis après à elle de faire son choix. Mais je ne me permettrai pas moi de dire à quelqu’un : « t’as rien à faire dans ce sport là parce que t’en as pas les qualités ». On s’en fout quoi, c’est pas l’objectif premier...
Par contre c’est vrai qu’il faut que la personne soit prise dans le groupe. L’éducateur doit être capable d’adapter les exercices pour que la personne handi puisse suivre le cours et pas simplement être là , dans un coin, parce que là c’est pire. Il faut vraiment qu’elle fasse partie de l’activité et qu’on adapte les exercices pour qu’elle suive avec tout le monde. C’est vraiment important. Des fois on voit des cours où on dit : « ben moi j’ai intégré la personne handi, par exemple c’est elle qui va tenir le chronomètre... » Je ne le vois pas dans les salles de boxe, mais dans les formations que j’ai eues, c’est ce qui ressortait à des moments. Là , on est loin de l’objectif d’intégration.
Propos recueillis par Dagmara Marciano et Emmanuel Ducassou
La photo de Myriam Chomaz est extraite de son blog.
Voir en ligne : Le blog de Myriam Chomaz
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