L’obligation légale d’embauche de travailleurs handicapés
Alors que s’est tenu à Marseille, le 18 novembre 2008, le Forum pour l’emploi des personnes handicapées, c’est l’occasion pour Handimarseille de revenir sur l’obligation d’embauche des travailleurs handicapés.
Souvent mal vue et méconnue par les employeurs, cette obligation légale offre pourtant des possibilités de développement intéressantes pour les entreprises.
L’obligation d’embauche de travailleurs handicapés
Contrairement à un certain nombre d’idées reçues, l’obligation d’embauche par les entreprises privées de travailleurs handicapés est déjà ancienne en droit français. Cette obligation fut, en effet, introduite par le législateur dès les années cinquante. La loi obligeait ainsi les entreprises du secteur privé de plus de dix salariés à recruter 10 % de travailleurs handicapés. Mais, faute d’une obligation de résultat assortie, elle ne fut jamais appliquée...
Il faudra attendre la loi du 10 juillet 1987 pour que le législateur décide enfin d’assortir cette obligation d’embauche de pénalités financières incitatives. Cette loi étend par ailleurs cette obligation au secteur public. Désormais, toutes les entreprises privées comme publiques de plus de vingt salariés sont obligées de compter au moins 6 % de travailleurs handicapés dans leur effectif. La loi crée aussi l’AGEFIPH (Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées) chargée de mettre en œuvre des actions visant à l’insertion professionnelle des handicapés, financées par les pénalités financières.
Enfin, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, est venue compléter cet arsenal législatif en ouvrant de nouveaux droits aux handicapés, en renforçant et simplifiant l’obligation d’emploi des entreprises. Cette loi de 2005 sert de cadre de référence aujourd’hui pour les handicapés et les associations. Dans le domaine du travail, elle permet d’avoir une définition du travailleur handicapé et de déterminer les personnes pouvant bénéficier de l’obligation d’emploi. Ainsi, légalement, le travailleur handicapé est « toute personne dont les possibilités d"™obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l"™altération d"™une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique ».
Avec la loi de 2005, le législateur a voulu faire avancer la cause des handicapés en renforçant les mesures coercitives (contributions financières) et en développant les mesures incitatives (dérogations en échange d’actions concrètes).
Les entreprises peuvent donc déroger à l’obligation légale d’emploi en versant une contribution volontaire proportionnelle à la taille de l’entreprise et au nombre d’unités manquantes, le taux de 6 % correspondant désormais à un nombre effectif de salariés. La loi de 2005 a aussi augmenté le taux de contribution pour l’ensemble des entreprises (le plafond ne peut excéder la limite de 600 fois le SMIC horaire brut par salarié manquant contre 500 auparavant). Le manquement au versement de la contribution à l’obligation d’emploi ou le défaut de déclaration (Déclaration Obligatoire d’Emploi des Travailleurs Handicapés) peut entraîner le paiement d’une amende égale à la contribution due à l’AGEFIPH qui sera majorée de 25 % pour les employeurs qui ne remplissent pas l’obligation d’emploi depuis plus de trois ans. De plus, le législateur a prévu une mesure coercitive intéressante : l’exclusion des marchés publics pour les employeurs récalcitrants. Cependant, il a aussi introduit la possibilité de diminuer cette contribution pour les entreprises en déduisant certaines dépenses. Sont ainsi concernées les dépenses effectuées pour favoriser l’accueil, l’insertion ou le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés ou l’accès à la vie professionnelle de personnes handicapées (réalisation de travaux facilitant l’accès aux locaux, aménagements de postes, formations, aides au logement...).
Les entreprises peuvent déroger à l’obligation légale d’embauche en ayant recours à d’autres dispositifs prévus par la loi. Ces dispositifs, plus incitatifs, permettent aux entreprises d’atteindre ou d’approcher le taux de 6 % :
Depuis janvier 2006, l’emploi de personnes lourdement handicapées permet ainsi à l’employeur de bénéficier soit d’une minoration de la contribution AGEFIPH, soit d’une aide à l’emploi après aménagement des postes de travail.
L’accueil de stagiaires handicapés (pour les stages supérieurs à 150 heures) permet également de comptabiliser les stagiaires dans l’effectif de l’entreprise au prorata de leur temps de présence.
La conclusion d’accords de branche, d’entreprise ou d’établissement avec les partenaires sociaux comportant au moins deux des quatre plans suivants : plan d’embauche, plan d’insertion et de formation, plan d’adaptation aux mutations technologiques, plan de maintien dans l’entreprise en cas de licenciement.
En faisant appel à des établissements de travail protégé : recourir à la sous-traitance.
Sous-traiter avec le secteur protégé ou adapté
La sous-traitance avec le secteur adapté ou protégé offre aux entreprises de plus de 20 salariés la possibilité de remplir une partie de leur obligation d’emploi de personnes handicapées dans la mesure où elle permet de satisfaire jusqu’à 50 % de l’obligation. Concrètement, une entreprise n’employant aucun travailleur handicapé mais pouvant justifier d’un contrat de fournitures, de sous-traitance ou de prestation avec des établissements adaptés ou protégés peut réduire de 50 % maximum sa contribution à l’AGEFIPH.
Bien que mal connue, la sous-traitance présente pourtant de nombreux atouts pour les entreprises. En effet, les secteurs adaptés et protégés proposent une grande variété d’activités touchant aussi à des secteurs de pointe (électronique, multimédia...). A cette diversité d’activités s’ajoute une couverture importante du territoire puisqu’il existe aujourd’hui plus de 1400 ESAT et 500 Entreprises Adaptées en France.
Quelles sont les différences entre le secteur adapté et le secteur protégé ?
Le secteur adapté : depuis 2005, les Entreprises Adaptées (EA) ont succédé aux "ateliers protégés". Faisant partie intégrante du marché du travail, les EA doivent employer au moins 80 % de travailleurs handicapés dans les postes de production. Certaines d’entre elles, appelées Centres de Distribution de Travail à Domicile (CDTD), emploient des salariés ne pouvant se déplacer.
Le secteur protégé : Anciens CAT, les Etablissements et Services d’Aide par le Travail (ESAT) permettent à des personnes lourdement handicapées d’exercer une activité professionnelle dans des conditions de travail aménagées.
Au-delà de la simple possibilité de dérogation à l’obligation d’emploi, la sous-traitance permet de souligner la qualité professionnelle des travailleurs handicapés salariés des ESAT ou EA ainsi que de leurs encadrants. Chaque établissement possède son propre savoir-faire et met en place un mode d"™organisation prenant en compte à la fois la situation spécifique de ses salariés et les besoins des entreprises clientes, ce qui permet une grande souplesse. De nombreux établissements sont engagés dans des démarches qualité et peuvent se prévaloir de certifications ISO. En fonction des besoins et des prestations, la sous-traitance avec les secteurs adapté ou protégé peut donc effectivement constituer une alternative intéressante.
La loi sur l’obligation d’embauche avait pour objectif d’augmenter le taux d’emploi des personnes handicapées. En 2006, celui-ci était de 4,55 % soit une progression de plus d’un point par rapport à 2002, mais encore bien loin du seuil légal de 6 %. Cette évolution va cependant dans le bon sens, encore faut-il que l’État lui-même montre l’exemple. En effet, le taux d’emploi de travailleurs handicapés dans la Fonction Publique n’est que de 3,55 %. Des progrès ont été faits en 2006 avec la création d’une structure de collecte et de redistribution sur le modèle de l’AGEFIPH. Le FIPHFP vise ainsi à favoriser l’insertion professionnelle des personnes handicapées au sein des Fonctions Publiques d’État, Territoriales et Hospitalières. Enfin, des règles dérogatoires de recrutement ont été développées. A côté de la voie classique de recrutement par concours, la possibilité de recrutement direct par voie contractuelle a été facilitée.
L’obligation d’embauche de travailleurs handicapés est une manifestation nécessaire de la solidarité nationale vis-à -vis des personnes handicapées. En plus de sa fonction économique, le travail est un vecteur d’intégration sociale. Il est donc important de faire évoluer les mentalités des employeurs comme des travailleurs valides ou des utilisateurs de services. La loi de 2005 a marqué un progrès supplémentaire mais la prise de conscience de l’ampleur du problème doit être plus rapide et les moyens engagés plus importants. N’oublions pas que le taux de chômage des personnes handicapées dépasse encore les 20 %, soit plus du double de la moyenne nationale...