Juste un peu plus victimes des apparences
François est un homme de trente-quatre ans, plein de tendresse qu’il ne demande qu’à partager. Selon lui, les mentalités ne changent guère, mais ça ne l’empêche pour autant de continuer à y croire...
Question : Comment êtes-vous devenu handicapé ?
C’est une maladie génétique qui touche tous les muscles du squelette, cardiaque et respiratoire.
Q : Votre maladie peut-elle évoluer ?
Non... pas beaucoup, disons qu’elle n’a pas évolué depuis longtemps. Je suis en pleine forme !
Q : Comment faites-vous pour vous déplacer en ville ?
En ville, je suis en fauteuil roulant. Ma mère gare son véhicule aménagé quelque part. Moi, je ne peux pas conduire. C’est des amis, un garde-malade ou ma mère qui me conduisent.
Q : Trouvez-vous que la ville où vous résidez soit assez aménagée ?
Non, pas assez, mais j’habite une petite ville, c’est normal... ça progresse lentement. Les grandes villes sont plus accessibles que les petites. Mais nous sommes en retard sur les pays nordiques et nord-Américains. Les bâtiments publics sont de plus en plus accessibles. Mais dans le domaine privé et dans les commerces, c’est différent. Oui, bien sà »r, il faudrait rencontrer les élus et leur dire ce qui ne va pas.
Q : Pensez-vous que votre parole ait été perçue avec crédibilité ?
En général oui, notre sort ne laisse pas indifférent, et nos difficultés sont évidentes. Il faut se faire écouter. Nous sommes tous semblables. Le handicap n’est qu’une petite différence.
Q : Quel regard portez-vous sur les personnes valides ?
Parfois un peu déçu qu’ils ne s’intéressent pas plus à moi. Je parle surtout des femmes. Mais pour moi, valides ou handicapés, c’est la même chose. Nos comportements sont similaires, nous sommes juste un peu plus victimes des apparences, la pression est grande, nous sommes vite jugés.
Q : Pensez-vous un jour rencontrer la femme de votre vie ?
Oui, bien sà »r, c’est normal, c’est mon rêve. Je pense objectivement à y parvenir. J’ai ce qu’il faut pour rendre une femme heureuse. Le problème c’est l’a priori, les apparences, dont je suis victime. Les femmes ont peur de mon avenir, que je disparaisse prématurément. Mes armes sont le peu de charisme que je pense avoir, ma sensibilité, mon humour et je joue avec tout ça...
Q : Avez-vous eu des relations sexuelles ?
Je n’ai jamais eu un rapport classique (pénétration), mais je sais que c’est possible. J’ai vécu d’autres choses basées sur des caresses sensuelles ou sexuelles, mais mon but est une relation sentimentale totale. Je n’ai pas fréquenté beaucoup de personnes handicapées. Il existe des personnes qui aident d’autres personnes à faire l’amour, je sais que c’est possible, je suis très normalement constitué. Il faut juste que je trouve quelqu’un qui veuille essayer, et surtout qui prenne son temps. De trouver quelqu’un qui veuille faire l’amour avec moi. Oui, c’est dur, je vis pas mal de choses, mais pas ça.
Q : Puisque vous avez connu des femmes, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout de la relation ?
Je suis prêt, mais pas elles. Elles font certaines choses, mais s’arrêtent toujours à un moment donné.
Q : Alors pourquoi vous donner de faux espoirs ?
Les espoirs viennent tout seuls, les femmes se contentent juste de partager certaines choses.
Q : Ces femmes sont-elles valides ?
Non, mais surtout elles manquent de courage et ont abandonné sous le poids de leurs incertitudes. J’ai essayé. Elles cherchent des hommes moins handicapés qu’elles et en général, elles y parviennent.
Q : Ça doit être difficile ?
Je tiens le coup, et puis j’aime plaire et j’obtiens quelques petits résultats sensoriels qui m’encouragent. J’aime séduire et vivre des moments intenses, les suspendre, aimer, désirer et réaliser.
Q : Les résultats que vous obtenez sont-ils suffisants ?
Pour l’instant oui, puisque mes progrès sont constants. Mais quand je suis vierge de tendresse, ça arrive quelquefois, c’est dur.
Q : Quel est votre souhait par rapport à votre vie sentimentale ?
Avoir une vraie petite amie que je puisse satisfaire. J’essaye de vivre le maximum de choses. Mais le but est une relation stable, et ça, c’est dur à obtenir. J’aime beaucoup les femmes, c’est mon défaut. Je suis célibataire mais j’ai rencontré quelques femmes grâce au Net. Parfois un peu déçu qu’elles ne s’intéressent pas à moi, je parle surtout des femmes mais pour moi, valides et handicapées, c’est la même chose. Nos comportements sont similaires, nous sommes juste un peu plus victimes des apparences. La pression est grande, nous sommes vite jugés...
Propos recueillis par Amina Hamadi, décembre 2004
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