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Cathy, 41 ans, hémiplégique.

C’est venu d’un coup. J’étais majorette et un jour, en rentrant de l’école, j’ai dit à ma mère : "j’ai perdu toute la sensibilité du pouce"... On peut dire que c’est un accident, un accident de la vie.

Handimarseille - Pouvez-vous nous parler de la "œmaladie" ?
Cathy Giuli - La jambe est paralysée, le bras gauche aussi, on ne peut rien faire, le relever avec la main droite, c’est tout. La main reste figée, je peux juste la déplier, et le nerf optique de l’œil droit est atrophié. J’ai récupéré tout ce que je pouvais récupérer, je ne peux plus rien récupérer maintenant... C’est venu d’un seul coup. J’étais majorette et un jour, en rentrant de l’école, j’ai dit à ma mère : j’ai perdu toute la sensibilité du pouce à la main gauche... Comme une crampe. Je l’ai mis sous l’eau... Des semaines ont passé et j’avais toujours cette crampe. Je me disais « Ce n’est pas normal... »
Mme Giuli - Nous avons appelé le médecin, dès qu’il est arrivé, il a compris tout de suite mais il a voulu la rassurer alors on lui a fait des piqà »res de calcium... Ça n’a pas retardé l’échéance. La tumeur était là . Un astrocytome pariétal cancéreux, au cerveau. Le médecin est revenu une semaine plus tard et nous a dit « Cette fois, il faut l’hospitaliser en urgence à la Timone ».
C.G. - Je suis restée une semaine au service des Urgences, on m’a fait faire un électroencéphalogramme, toutes sortes d’examens et lorsque je suis passée au scanner, ils ont vu la tumeur.

H. - Comment réagit-on quand on l’apprend ?
Mme G. - C’est la question ! Les médecins sont restés vagues. À l’époque, ils ne parlaient pas trop. Même à nous, parents, quand on leur demandait, ils ne disaient rien. Le docteur et le chirurgien qui la soignaient proposaient l’opération... On ne savait pas s’il fallait dire oui, s’il fallait dire non. « Et si c’était votre enfant, que feriez-vous ? ». Le chirurgien m’a dit « Moi, je tenterais l’opération », le docteur aussi : « Moi c’est pareil, j’ai un enfant de neuf ans... ». Je leur ai laissé Cathy... Je comptais sur eux pour la sauver.
C.G. - La tumeur était très profonde, elle a évolué progressivement... On ne sait pas si c’est dà » à un coup, si c’est congénital... On n’a jamais su. Si on ne m’opérait pas, je perdais la vie et si on m’opérait, j’avais une chance sur mille de m’en sortir... Je pouvais aussi perdre la vie après l’opération mais on l’a tentée... Ils ont enlevé la tumeur, et ce qui restait a été brà »lé avec 50 séances de chimiothérapie et 50 séances de rayons. Une autre fille avait la même chose que moi, elle est descendue au bloc... Mais elle n’est pas remontée. Elle était trop âgée, elle avait 15 ans.

H. - À quoi pensiez-vous les premiers temps ?
C.G. - Je ne réalisais pas ce qui m’arrivait, je n’y arrivais pas. Je ne savais pas ce qu’était une tumeur... J’étais majorette, j’avais l’habitude de danser et de faire du sport. Quand on se retrouve dans un lit d’hôpital à 11 ans, on a plus envie que d’une seule chose : disparaître. Juste avant l’opération, j’étais normale, je traînais juste la jambe en marchant ; après l’opération j’avais perdu la vue, j’avais perdu la parole, j’étais paralysée des deux côtés... Lorsque les gens venaient me voir, j’attendais qu’ils parlent pour les reconnaître, et lorsque je me suis vue comme ça, j’ai dit au chirurgien « Coupez-moi le bras ! Il ne me sert plus à rien ! ».
Mme G. - Elle disait « Je m’en fous », mais en grandissant elle s’est aperçu que quand même, ça a été très dur...

H. - Combien de temps êtes-vous restée à l’hôpital ?
Mme G. - La première année elle est restée plusieurs mois, ensuite on nous a laissées sortir parce qu’elle en avait marre, elle s’énervait mais il a fallu y retourner.
C.G. - Le chirurgien s’est aperçu que je ne pouvais plus rester enfermée. Il pensait qu’à la maison ce serait mieux mais une fois à la maison, j’ai eu d’autres douleurs à la tête. Le docteur est intervenu immédiatement et je suis retournée à l’hôpital. Ils m’ont gardée pendant plusieurs semaines avec des sorties ponctuelles. On est restées 2 ans à la Timone.

H. - L’hôpital, comment était-ce ?
Mme G. - L’hôpital d’avant et l’hôpital d’aujourd’hui ça n’a rien à voir. C’est grâce à Maguy Roubaud et le Blé de l’espérance si l’hôpital d’aujourd’hui est ce qu’il est. Les jeux, les animations pour les enfants, le théâtre, les chants, les appartements pour les parents qui ont des enfants hospitalisés... À l’époque où ma fille y était, les parents n’étaient pas toujours là , ils ne pouvaient pas venir. Moi je suis restée avec ma fille pendant les deux années d’hospitalisation, avec elle, dans sa chambre comme si elle nous était réservée, elle entrait, elle sortait, nous retrouvions toujours la même. Elle était aménagée comme à la maison avec des posters, un tourne-disque... Il y avait la TV, des bonbons, des livres... Les autres enfants venaient, s’asseyaient... Les dames de service venaient nous voir et me disaient « Allez chez vous, on vous la garde Cathy... Partez, allez-y ! » mais je ne voulais pas partir, je serais rentrée, je n’aurais pas été tranquille. Le docteur me disait « Si vous ne partez pas, je vous mets à la porte ! »... Je serais restée dans les escaliers ! Les infirmières nous proposaient d’aller prendre un thé à la tisannerie, elles nous gardaient les enfants, elles restaient avec Cathy sinon on ne bougeait pas de la chambre. Pour les repas, c’est moi qui lui préparais ses plats, à l’hôpital. Mon mari faisait le marché, j’avais tous les primeurs. Et mon frère était boucher alors j’apportais la viande à l’hôpital et je cuisinais sur place... Comme si j’étais à la maison !
C.G. - Quand la major du service arrivait, elle me faisait la bise, quand elle avait fini son service, elle venait me dire au revoir et prenait ma commande pour le lendemain. C’est elle qui me portait le petit déjeuner, j’étais la seule enfant du service qu’elle venait voir... Les autres enfants, elle ne rentrait pas dans leur chambre, ça lui faisait mal de les voir, et moi, comme je ne m’apitoyais pas...

H. - Comment s’est passée la rééducation ?
C.G. - J’ai très bien récupéré du côté droit, mais le gauche... C’était très difficile mais j’ai eu des kinés formidables, beaucoup de balnéothérapie, et de la rééducation fonctionnelle "œau sec" . Je me suis surtout focalisée sur la marche. Mon bras, je l’ai complètement oublié. Lorsque je suis rentrée à la maison, l’une des kinés a continué à me suivre. Si elle ne m’avait pas bien aidée, elle aussi, je n’en serais pas là aujourd’hui. Elle m’a soutenu psychologiquement... Les médecins avaient conseillé à ma mère de me placer en centre de rééducation du côté de Toulon mais cette kiné savait que si je partais là -bas, je ne ferais jamais rien, je me serais laissée aller...

H. - Avez-vous pu garder le contact avec vos amis pendant l’hospitalisation ou crée t-on d’autres liens ?
C.G. - Mes amis sont venus me voir une ou deux fois et après, plus rien. C’est plutôt avec le personnel de l’hôpital que je suis restée en contact, lorsque j’allais passer des scanners et voir le chirurgien, je retrouvais les infirmières, elles étaient heureuses comme tout !
Mme G. - Les personnes que nous connaissions et que l’on a rencontrées longtemps après étaient étonnés de la voir... Ils pensaient qu’elle était perdue.

H. - Et l’école, avez-vous pu reprendre ?
C.G. - À l’époque, il n’y avait pas de cours à l’hôpital comme maintenant alors j’ai repris en sortant, à 13 ans, à la Grotte Rolland, pendant un ou deux ans avec des horaires aménagés pour la rééducation. J’ai repris au même niveau, en CM2, j’ai fait la 6ème, la 5ème et je suis passée en 4ème mais j’ai eu peur de ne pas pouvoir suivre alors j’ai arrêté. On m’avait mise en CAP mais je me suis complètement noyée... Je sortais à peine de 5ème, alors en première année de CAP, je n’ai pas pu suivre ! Les profs s’en sont aperçu, ils m’ont remise dans une classe de niveau CM1, alors là c’était tellement facile... J’ai laissé tomber. Je me suis arrêtée au niveau 5ème et je n’ai pas repris par la suite. Je n’ai aucun diplôme.
Mme G. - Elle disait qu’elle était trop âgée par rapport aux autres élèves, elle avait honte...

H. - Quel regard sur toutes ces opérations ?
C.G. - Ben, ça m’a sauvé la vie ! Et je ne pouvais pas faire autrement ! Plus d’une vingtaine... Le professeur Choux, mon chirurgien, m’a dit lorsque je suis sortie « Je te préviens, je ne veux plus te voir à l’hôpital, tu es guérie, tu n’as plus besoin de venir ici ». Il m’appelait la "œmiraculée" . Dans mon malheur, j’ai eu de la chance ; si j’avais été plus âgée, les médecins n’auraient pas pu me sauver.

H. - Aujourd’hui comment vivez-vous ?
C.G. - De temps en temps, j’ai des névralgies, de grosses douleurs à la tête. On m’a fait des scanners pour voir s’il n’y avait pas d’autres tumeurs, mais non, il s’agit de simples douleurs. Je prends un traitement pour m’apaiser, pour détendre mon système nerveux, être plus tranquille... Ça fait 30 ans que je le prends ! Il y a les piqà »res aussi, maintenant quand on doit m’en faire une, j’ai peur... J’ai vécu trop de choses dans ma vie, je ne supporte plus, j’ai l’appréhension, je me contracte, alors qu’avant, la piqà »re, on me la faisait comme rien ! Quand j’ai été hospitalisée, j’en avais tous les jours, tous les matins et tous les soirs, pour la cortisone et le scanner. Ils appelaient l’infirmière du service pour me piquer, il n’y avait qu’elle qui y arrivait, ils ne trouvaient plus où me piquer, je n’ai pas de veines apparentes... Je n’ai pas de veine, au sens propre comme au figuré ! Un jour, ils m’ont piquée à la cheville.

H. - Madame Giuli, pensez-vous avoir consacré votre vie à votre fille ?
Mme G. - Oui... je n’aurais pas pu partir en la sentant malade comme elle l’était. Je travaillais quand même, aux services de la ville, j’y étais depuis deux ans et je venais d’être titularisée fin décembre. Cathy est tombée malade en février. J’ai eu droit à des jours "enfants", des jours de "récupération", des congés et puis finalement on m’a mise en congés "de longue durée". Je suis restée presque 4 ans sans travailler. Lorsque Cathy est sortie, ils m’ont mise 6 mois en "mi-temps thérapeutique". J’ai travaillé la demie-journée du matin pendant 18 ans, je commençais à 7 h et à 14 h j’étais à la maison, mon mari travaillait la nuit donc il y avait toujours quelqu’un pour s’occuper de Cathy... Depuis tout le temps, depuis 1979, l’esprit, il est pas... C’est très dur.

H. - De quelles aides bénéficiez-vous aujourd’hui ?
C.G. - J’avais une aide-ménagère, mais c’était trop cher, 17 euros de l’heure et elle ne faisait rien. C’est ma mère qui s’occupe de la maison et du reste, il faut toujours que je sois accompagnée même quand je sors sinon je me fais bousculer, je ne vois pas les gens arriver en face de moi ! À la maison, je fais ce que je peux. Je ne peux pas balayer, je ne peux pas frotter, c’est ma mère qui s’en occupe. Je ne peux pas faire beaucoup de choses...

H. - Et les aides financières ?
C.G. - J’avais l’AES lorsque j’étais adolescente, c’est ce qui servait pour payer l’école et les transports. Aujourd’hui j’ai l’AAH, c’est tout, et avec ça on ne va pas loin ! 600 euros et des poussières, ils nous l’ont augmentée récemment de 4%... 680 euros mais si vous êtes seule, que vous avez un appartement, qu’il faut tout payer, vous ne pouvez pas vous en sortir.

H. - Avez-vous pu travailler ?
C.G. - Je fais du bénévolat, dès que je peux, dès que je trouve quelque chose. J’ai travaillé au Secours Populaire pendant 2 ans. J’adore le travail de bureau, le standard, l’accueil, classer. Au Centre de pré-orientation de Saint-Barthélémy, on m’a fait faire de la menuiserie et de l’électricité ! Tout sauf ce que je voulais !

H. - Et vos relations sociales, aujourd’hui, quelles sont-elles ?
C.G. - Le souci aujourd’hui, c’est le physique... Alors ça ne plaît plus ! C’est ce qui intéresse les gens alors que pour moi le plus important c’est ce que la personne a dans le cœur. La beauté, ça ne sert à rien si on n’a rien dans la tête et rien dans le cœur... J’’ai quand même vécu pendant 15 ans en concubinage, je me suis mariée en 2001 et j’ai divorcé 3 ans après ! Il est parti en 2004... Nous nous étions rencontrés à Saint-Barthélémy. Moi, je suis tombée dans le piège de la belle robe de mariée, d’aller à l’église, la fête, et voilà ... Le mariage c’est une bêtise et maintenant je fais ce que je veux quand je veux et je n’ai de comptes à rendre à personne.
Mme G. - J’aurais l’esprit plus tranquille si elle avait de la compagnie autre que moi, mais bon...


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