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De la lucidité à l’espérance

IMC depuis sa naissance, Christian, âgé aujourd’hui de quarante-cinq ans, vit en institution depuis trente ans dont vingt-six années passées dans un centre spécialisé à Marseille. En raison de son parcours personnel, il prend acte de la dégradation des conditions de vie du handicapé et dénonce l’incompréhension des pouvoirs publics. Son expérience et son dévouement lui permettent de continuer à se battre dans l’espoir de jours meilleurs.

Question : Comment vivez-vous votre handicap ?

Le mieux possible. En utilisant les possibilités qui sont les miennes. Au centre on a la chance de participer à plusieurs activités : je pense à l’atelier de tissage qui est ma principale activité dans la maison. Je suis aussi des séances de rééducation. Ensuite j’aide certains résidents à vivre au quotidien, tout simplement. En dehors de l’institution, j’exerce aussi une activité au niveau d’une paroisse.

Q : Laquelle, par exemple ?

Je participe à un conseil de paroisse et, de temps en temps, je fais partie d’une équipe pastorale de secteur, par exemple, où je peux exécuter des petits travaux.

Q : Comment se passe l’entente avec votre entourage ?

Bien. Dans la maison elle est assez bonne, je participe à la vie d’internat, à la vie collective, bien sà »r, et ce dans la mesure de mes capacités.

Q : Quel regard portez-vous sur les valides ?

Quel regard ? Je pense que les valides ont beaucoup à apprendre, mais pour nous c’est très dur. Le témoignage de vie du handicap est plus dur maintenant qu’il y a quelques années. Je pense que c’est dà » en partie à la fois aux conditions sociales, à la vie économique et beaucoup d’autres choses. Nos conditions de vie sont plus dures actuellement qu’il y a vingt-cinq ou trente ans. Par conséquent, vis-à -vis du monde valide, je suis beaucoup plus dur. Je suis beaucoup plus sceptique, tant sur le plan économique, sur le plan politique, que sur le plan social. Et sur l’accessibilité, par exemple, et plus concrètement sur les problèmes d’accessibilité.

Q : Parlons de l’accessibilité, justement.

Énormément de travail reste à faire dans ce domaine. A Marseille, il y a beaucoup à faire, mais ce n’est pas la seule ville. Vous avez par exemple deux villes qui ont beaucoup progressé à ce sujet. Je pense notamment à Grenoble et Annecy où il est assez facile de circuler, mais il y a des villes qui n’ont absolument pas bougé dans ce domaine. C’est vrai qu’on en parle, mais sur le plan pratique, peu de choses ont été réalisées, et ça fait partie des secteurs qui n’ont pas évolué en matière d’accessibilité, et les problèmes sont exactement les mêmes pour moi. Prenez l’exemple des gares TGV, c’est très difficile de voyager, il vaut mieux se faire accompagner. Moi je constate qu’il y a quelques années je voyageais toujours seul pour me rendre chez la famille ou chez des amis par le train à travers la France. Maintenant je demande à être accompagné plus fréquemment. Et je sais que ce n’est pas toujours facile. Je pourrais citer d’autres exemples, comme se promener dans certains endroits, ce n’est pas toujours évident. Les déplacements sont de plus en plus difficiles : aboutir dans un bâtiment administratif qui n’est pas prévu pour, une démarche quelconque. Cela fait partie des problèmes que nous rencontrons en terme de l’accessibilité.

Q : Vous faites des démarches pour qu’il y ait une amélioration ?

Oh ! Si vous saviez le nombre de nuits, d’heures que j’ai passées à une certaine époque, y compris à Marseille, vous seriez surpris. J’ai fait partie pendant de très longues années, avec d’autres personnes, du comité d’accessibilité à Marseille, à Lyon aussi, mais vraiment peu de travaux ont été faits. Quelques petites améliorations, certes, mais alors ce qui s’est fait à petite échelle. Énormément de travail reste à faire dans ce domaine : au niveau des trottoirs, au niveau de l’accessibilité des bâtiments, des portes, et j’en passe. L’accompagnement pour les voyages, le train, vous savez dans certains cas ce n’est pas facile. Prenons un exemple très récent : les nouvelles gares TGV dont l’accès est très, très difficile. Je m’en rends compte chaque année.
Je voudrais rajouter quelque chose sur le regard que je porte sur les valides. Par rapport à certains sujets, j’ai volontairement pris certaines distances, y compris au niveau de certaines valeurs vis-à -vis même de professionnels. Il faut dire aussi que j’ai eu des conditions de vie très particulières, et très difficiles à un moment de ma vie. J’ai expérimenté et assumé un certain nombre de choses depuis très jeune, depuis l’âge de dix ans, exactement. Et je pense que non seulement il n’y a pas eu de progression, mais il y a une régression en matière politique économique et sociale, et dans certains cas, familiale. Donc je suis beaucoup plus dur vis à vis d’un certain nombre de choses et j’ai pris volontairement certaines distances. Parce que je pense que pour beaucoup d’entre nous, les conditions de vie, tout simplement de vie au quotidien, sont plus difficiles. Je ne fais pas de différence entre ce qui se vit dedans et ce qui se vit dehors. Même si nos conditions de vie sont différentes. Par conséquent, j’ai beaucoup de témoignages parmi mes connaissances. Donc sur ce qui est du domaine médical, social, politique, économique, je suis beaucoup plus distant et méfiant parce que les conditions de vie de tous les jours le prouvent. Où qu’on aille, c’est beaucoup plus dur maintenant : on vieillit, on est handicapé... Il y a aussi une réalité physique toute simple, comme tout un chacun. Donc toutes ces choses mises bout à bout m’ont amené à être beaucoup plus distant et beaucoup plus dur qu’à une certaine époque. Le niveau familial, le niveau médical, le niveau social, le niveau politique, le niveau économique, indépendamment que nous vivons dans une institution parce que c’est vrai, c’est une réalité qu’on ne peut pas nier, parce que le handicap, même si vous le niez, il vous rappelle à l’ordre dans les trente secondes qui suivent. Tant sur le plan économique, mais en vous disant ça, j’ai des preuves, pour moi elles sont vécues et assumées au quotidien, dedans et dehors. Que je sois en institution, que je sois avec des amis, que je sois dans une église, que je sois dans un lieu public, que je sois en famille, tout va dans ce sens. Ce n’est pas un constat négatif, c’est une réalité, ça fait partie de cette réalité qu’on est obligé d’assumer au quotidien.

Q : Comment ressentez-vous le regard des valides sur vous ?

Il ne faut pas généraliser, il y a des gens qui le vivent très bien. J’ai connu des gens qui ont évolué à certains niveaux par rapport à une époque. Par contre, il y en a d’autres qui n’ont absolument pas bougé depuis quarante ans. Que vous les preniez parmi les professionnels, que vous les preniez dans la famille, que vous les preniez dans la société civile, que vous les preniez dans la politique, que vous les preniez en médecine, que vous les preniez en droit, où vous voulez, il y a des gens qui s’en foutent. Moi j’ai vécu un peu avec certaines personnes qui ont évolué, et je l’ai encore vérifié récemment, au début de cette année. Mais pour votre question, je pense que ceux qui nous ont approché depuis un certain temps et avec qui on a partagé des choses faciles, d’autres plus difficiles, ceux qui nous connaissent un peu, ont progressé. Mais il y a une grande partie de la population qui n’en a rien à foutre. Que ce soit au niveau d’une Mairie, d’un parti politique ou de n’importe quelle institution, au plan social, il y a des choses qui pour moi ne pourront pas bouger, parce que politiquement on ne veut pas se donner les moyens. Et il y a des choses qui sont délibérément voulues. Par exemple dans l’éducation, en pédagogie, en sociologie, en psychologie, en droit. Et il y a des domaines sociaux qui n’ont absolument pas progressé depuis quarante ans et qui non seulement n’ont pas progressé mais ont régressé et c’est volontaire. Et à ce point de vue-là je suis très ferme et je n’ai pas varié dans ces cas depuis quarante ans, et en ayant des exemples bien précis dans certains lieux et dans certains domaines.

Q : Avez-vous une vie affective, sentimentale ?

Je suis célibataire, mais en amitié j’ai vécu des choses magnifiques.

Q : Pensez-vous avoir une vie sentimentale par la suite ?

Non. Ça n’a jamais fait partie de mes projets.

Q : Avez-vous un message à faire passer ?

Je pense qu’actuellement on est dans une période qui ne nous est pas favorable, mais peut-être que dans quelques années les choses évolueront dans le bon sens, mais ce n’est pas le cas maintenant. Je pense en particulier dans certains domaines : au plan social, au plan d’accessibilité, la reconnaissance des droits au niveau des revenus, par exemple, pour vivre tout simplement, pour avoir les moyens de vivre. Il y a encore énormément de choses à faire, et je sais que le chemin est encore très long. Ce qui se fait de bien ? C’est tout petit. Non seulement au niveau des associations, des autorités politiques, et ça, malheureusement de ce point de vue là , je suis déçu. En tant que citoyen, il y a des jours on se demande si notre vote a encore une utilité : simplement le droit de voter, est-ce encore utile ? Pourtant je ne suis pas différent de beaucoup de français dans ce domaine. Mais je sais qu’actuellement les conditions de vie et les moyens de vivre au niveau des revenus, par exemple, pour beaucoup d’entre nous sont très, très faibles et plus on vieillit, plus les conditions sont difficiles parce que le rythme s’accélère, je le vis depuis quarante ans. Je suis très sévère vis à vis de notre société civile. Tout n’est pas négatif, certes, mais, je sais que le chemin sera long. C’est une réalité. Il faudra du temps et une volonté sociale et politique qui n’existe pas maintenant. Est-ce qu’on le verra dans dix ans ou dans vingt ans ? Je n’en sais rien. Depuis vingt ans, il y a très peu de domaines qui ont évolué et d’autres qui n’ont absolument pas bougé et dont on assume toujours les conséquences au quotidien. Au point de vue social, nos revenus ont sérieusement baissé depuis 1981, et ce qu’on a perdu en 1981 n’a jamais été compensé : je parle au niveau des moyens de survie ou même des moyens de vivre, et actuellement je suis beaucoup plus dur maintenant qu’il y a vingt ans, par rapport à notre société civile.

Propos recueillis par Joseph Ouazana, décembre 2004


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