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Vivre ensemble, rien de plus

Quand le handicap retarde un projet de vie à deux

En couple depuis sept ans, Céline et Yonathan souhaitent à tout le monde le bonheur de s’aimer comme ils s’aiment.
L’un à Nancy, l’autre à Marseille, la relation à distance finit par leur peser, bien plus que leur handicap qui paraît lourd à leur entourage mais qu’eux-mêmes préfèrent mépriser. Depuis plus d’un an ils ont le projet de vivre ensemble, de fonder une famille, mais les démarches sont longues et les paperasses sans fin avant de pouvoir vivre leur vie rêvée, à deux...

Handimarseille. - Est-ce que vous pouvez vous présenter ?

Yonathan Lévy. - Je m’appelle Yonathan, j’ai 30 ans, je suis étudiant en Histoire en 1e année, je viens de Lorraine, de Nancy plus exactement, et là je suis chez mon amie à Marseille depuis une semaine. J’y passe en général les vacances universitaires.

Céline Panciatici. - Je m’appelle Céline, j’ai 38 ans, je suis marseillaise de naissance, j’habite un appartement adapté à mon handicap et je fais du bénévolat après avoir fait un cursus universitaire assez important - niveau maîtrise de lettres.

H. - Quel est votre handicap ?

C.P - J’ai une IMC - infirmité Moteur Cérébrale.

Y.L. - Moi, j’ai une IMC mais aussi une maladie génétique, la neurofibromatose [1].

H. - Depuis combien de temps êtes-vous ensemble et comment vous vous êtes rencontré ?

Y.L. - Ça va faire 7 ans au mois de juillet et on s’est rencontré dans un centre de rééducation près de Perpignan.

H. - Qu’est ce qui vous a amené à sortir l’un avec l’autre ?

C.P - On s’est plu de suite mais moi j’étais plus réticente que lui parce j’avais vécu une histoire difficile et je ne voulais plus tomber amoureuse. J’avais trop souffert et ce n’était pas possible de revivre ça. S’ajoutait à cela la différence d’âge, la distance ; au début, je voyais beaucoup de freins bien que j’étais amoureuse. Je voulais tout faire pour le décourager.

Y.L. - On sortait avec des copains, je n’arrêtais pas de lui parler alors que l’on était tout un groupe d’amis, et rien qu’en lui parlant, j’ai réussi à la convaincre, à la séduire. A l’époque, j’avais moins de difficultés qu’aujourd’hui à parler.

H. - Le fait d’être tous les deux handicapés a-t-il été un élément important dans votre décision d’être ensemble ?

C.P. - Pour moi, je savais qu’au point de vue des valides, ce n’était pas trop possible de s’engager dans une relation sérieuse. Pour s’amuser oui, mais pour faire ma vie avec non. Je ne voyais pas trop l’intérêt de s’engager avec une personne valide parce que je lui aurais pourri la vie.

Y.L. - Elle a eu de la chance parce que c’est ma première et ma dernière. Encore aujourd’hui, je ne me pose pas la question tiens si elle avait été valide, si elle avait eu les yeux rouges, qu’importe je l’aurais prise aussi. C’est mon double.

H. - Avez-vous cherché à avoir une relation avec une personne valide ?

C.P. - Oui. J’ai cherché plus à draguer des personnes valides qu’à avoir une relation sérieuse. Étant donné que j’ai toujours été dans le milieu valide, que la plupart de mes amis sont des personnes valides, donc à l’adolescence forcément, on essaye. Il faut dire qu’on se heurte parfois à des murs. On se heurte à l’autre parce qu’il ne cherche pas les mêmes choses. Si l’on recherche une relation sérieuse, ce n’est pas la peine.

H. - Comment réagissaient ces personnes ?

C.P. - Je ne peux pas dire que les personnes valides ont été méchantes avec moi. Certains étaient blessants, mais de toute façon, la personne qui m’a le plus blessé dans la relation de couple, c’est une personne handicapée. Je l’avais présenté à mes parents, ce n’était pas l’homme de ma vie, mais je pensais pouvoir lui faire confiance et je me suis trompé. Dans la vie, ça peut arriver.

H. - Revenons à votre relation, comment gérez-vous la distance ?

C.P. - De plus en plus mal. Si on ne s’appelle pas une fois par jour, c’est une catastrophe.

Y.L. - Si je l’appelle sur son portable ou chez elle et que je ne la trouve pas, j’en suis malade. Par exemple, le 9 février de l’année dernière, elle m’appelle et elle me laisse un message en me disant que son père est aux urgences et que c’est grave. Je l’appelle après le cours, je n’arrive à la joindre nulle part. C’était la panique. J’arrive enfin à la joindre, elle m’explique qu’ils attendaient 48h pour se prononcer...

C.P. - Et 48h après, il décédait. Ça a été dur pour moi et ça a été dur de le vivre sans lui aussi.

Y.L. - Ça a été quelque chose d’horrible. Je m’en veux encore aujourd’hui de ne pas être descendu à l’enterrement.

C.P. - Parce que c’était trop compliqué à organiser. La distance, ce n’était déjà pas évident au départ, au fil du temps ça l’est de moins en moins.

H. - Est-ce que vous avez l’opportunité de continuer vos études à Marseille ?

C.P. - Ça va se faire, mais c’est hyper long, c’est compliqué. Il faut faire des tonnes de dossiers, il faut transférer les dossiers à la MDPH, il faut qu’il soit pris en charge par le même service que moi, parce que c’est plus simple à vivre.

Y.L. - Je devrais avoir les réponses en mars.

H. - Vous semble-il que le handicap soit une barrière dans votre relation amoureuse ?

C.P. - En ce qui nous concerne, non mais pour les personnes handicapées, oui. Aujourd’hui, on me dit vis ta vie sans lui ! Ce n’est possible. Après ça se passe pour d’autres gens. Personnellement, avant je n’y croyais pas.

H. - Comment se sont passées les présentations aux parents ?

C.P. - C’était un peu bizarre, ce n’étaient pas des présentations officielles, du genre, il vient à la maison, moi c’était au téléphone, j’ai dit à ma mère "j’ai rencontré quelqu’un, je suis amoureuse". Et lui, c’était quand il devait partir, je l’aidais à préparer sa valise, je pleurais comme une madeleine et ses parents sont arrivés et je l’ai embrassé devant eux, je ne les avais pas vu. Mais je ne pense pas que ça les ait traumatisé, ni les uns, ni les autres. Ils prennent bien le fait que l’on soit ensemble, ils nous facilitent même la vie. On peut même leur dire merci aujourd’hui. Quand on s’est rencontré, on était chez nos parents tous les deux, s’ils ne nous avaient pas tant facilité la vie, si on n’avait pas pu aller l’un chez l’autre au début, et bien peut être... Ma mère est rassurée que j’ai quelqu’un, ça c’est sà »r, parce qu’elle ne s’imagine pas que je puisse rester toute seule.

H. - La sexualité fait elle partie de votre relation amoureuse ?

C.P. - Oui. Mais on veut garder ça pour nous. Tout ce que je peux vous dire, c’est que l’on a eu deux phases dans notre vie intime. Il y a eu une phase avant qu’il soit "tétra" et il y a une deuxième phase maintenant.

H. - Envisagez-vous de vivre ensemble ?

C.P. - Yes ! Ici, il y a un SAMSAH qui s’occupe de nous 24h/24. C’est pour cela que l’on envisage ça ici à Marseille.

Y.L. - La tétraplégie nous a mis dans l’obligation d’envisager les choses autrement sur plusieurs plans.

H. - Comment voyez-vous l’avenir de votre couple ?

C.P. - Dans le rêve ou dans la réalité ?

Y.L. - De fonder une famille normale.

C.P. - On vit normalement même à l’heure actuelle, excepter que l’on a des gens qui font des gestes de la vie quotidienne pour nous parce qu’on ne peut pas les faire. On sort, on voyage. On méprise le handicap le plus possible. On espère pouvoir fonder une famille, maintenant, est-ce qu’on va y arriver, on ne sait pas et on va y aller par étapes. On commence déjà à penser à s’installer ensemble, peut être en juin.

Y.L - Une fois que je serai installé, on pourra envisager la suite.

C.P. - Ce sera de toute façon, très médicalisée parce qu’on ne veut pas que le gamin, il ait quoi que ce soit. Pour l’IMC, il y a très peu de risques, mais la neurofibromatose, oui donc on ne peut pas prendre ce risque. Au point de vue grossesse, j’ai déjà un âge qui est bien avancé quand même. Plus on attend, plus ça complique. C’est plus ça qui me fait peur. Le handicap retarde de nos projets de vie. Sa maladie aussi, parce que je pense que s’il avait été comme il était avant, on serait déjà ensemble depuis longtemps. On ne serait pas restés plus d’un an à distance. Dès que j’ai eu l’appartement, il serait venu. Tandis que là on ne pouvait pas, parce qu’il fallait qu’il subisse des interventions, et en plus c’est un sur-handicap par rapport à ce qu’il était avant. Je lui ai dit, "tu dois aller dans un nouveau pays et quand tu me donneras le visa d’immigration définitif, tu me le dis".

H. - C’est important la communication dans votre couple ?

C.P. - Très, parce qu’on parle de tout. Des fois, on regarde le même programme et on en parle, ou alors, pour travailler tous les deux à distance avec Skype, c’est à dire que quand il a des dissertations à faire, il me dicte et moi, je tape et je l’envoie par mail. C’est des trucs que l’on trouve avec le temps. Le problème, c’est que maintenant, on arrive à un point où ça ne nous suffit plus. Par exemple, il est là , je vais cuisiner alors que quand je suis toute seule, je mange des yaourts, des fruits, des soupes en brique... Quand il n’est pas là , je ne vais pas au cinéma.

Y.L. - Quand je suis là , tu t’endors devant le film.

H. - Quel message aimeriez-vous faire passer aux couples qui auraient peur de la relation à distance ?

C.P. - Quand, vous êtes valide et que vous rencontrez quelqu’un à l’autre bout de la France, vous n’avez pas besoin de faire 50 papiers. Nous, ça fait depuis février 2011, que l’on a commencé à vouloir concrètement vivre ensemble, que l’on commence à poser les questions, et depuis le mois de septembre, que l’on attend les réponses de la MDPH. En sachant qu’il vient temporairement, je suis obligé de prendre tout un service à part, je loue un lit médicalisé. Donc, si on n’était pas kamikaze, ce serait sexualité zéro. On dormirait dans deux lits séparés. Et c’est pareil pour tout, parce que là , pour qu’il me rejoigne, c’est la croix et la bannière. Il doit demander l’orientation SAMSAH à la MDPH de Metz, il doit demander son transfert de dossier de Metz à Marseille, ensuite quand elle a reçu la demande, il faut qu’il demande une place supplémentaire pour lui, en sachant que nous, on ne veut pas deux appartements, nos revenus de personne handicapée ne nous permettent pas d’avoir deux loyers. Être une personne handicapée, c’est un boulot à plein temps, parce que l’on a toujours des démarches à faire.

H. - Y a-t-il un sujet qui n’aurait pas été abordé et dont vous aimeriez parler ?

C.P. - Je souhaite à tout le monde le bonheur que je vis avec la personne que j’aime, même si c’est compliqué, je leur souhaite le même bonheur, qu’ils soient valides ou handicapés.

Y.L. - C’est un tel bonheur de vivre ça chaque jour que je le souhaite à tous ceux qui en ont envie, leur dire que c’est possible, de leur souhaiter que ça leur arrive. Ça peut mettre du temps, mais une fois que c’est là , ils le sauront très vite.

Propos recueillis par Yoann Mattei

Notes

[1Les neurofibromatoses sont un groupe de maladies génétiques dont la plus fréquente et la plus connue est la neurofibromatose de type 1 anciennement appelée la maladie de Recklinghausen due à l’atteinte du chromosome 17. La NF2 (appelée aussi la neurofibromatose centrale) est une maladie très différente du à l’atteinte d un chromosome 22.
La neurofibromatose de type 2 se manifeste par l"™apparition de tumeurs nerveuses bénignes, parfois de tumeurs neurologiques graves. La surdité est très fréquente, ainsi que les problèmes oculaires tels que la cataracte.

Traitements
Il est difficile d"™enlever les tumeurs en ayant recours à la chirurgie. La chimiothérapie est recommandée.
Des séances chez un orthophoniste ou un psychomotricien permettent de travailler les troubles cognitifs.


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