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Bien plus que des vacances

Les séjours avec LPM, une autre école de la vie.

Loisirs Provence Méditerranée, c’est déjà une longue histoire. Plus de quarante années à proposer des séjours de vacances pour tous. "Pour tous" car depuis dix ans, l’association LPM se consacre aussi au secteur adapté et plus particulièrement aux adultes handicapés mentaux qu’elle accompagne à travers toute la France et l’Europe, été comme hiver. Mais partir avec LPM, c’est vivre autre chose qu’un simple séjour de vacances ; c’est aussi faire l’expérience du partage et de la découverte des autres, du respect et de la tolérance. Laetitia Mondongou, Directrice de LPM, nous reçoit et témoigne de son engagement et de sa fibre sociale.

Bien plus que des vacances

Handimarseille. - Bonjour, pouvez-vous vous présenter, nous dire ce qui vous a conduit à travailler sur la thématique "tourisme et Handicap" ?

Laetitia Mondongou. - Mon parcours de formation m’a conduite vers les Sciences Politiques puis vers l’urbanisme, et vers de nombreuses expériences d’animation pendant ces années d’études. Je retiens mon passage dans la fondation "L’avenir contre l’exclusion" et mon action à "L’oeuvre allemand" où j’ai oeuvré pendant dix ans, et fait de l’animation à la fois pour des publics jeunes, mais aussi pour des personnes handicapées moteur. Donc, c’est une passion qui me tient depuis que je suis étudiante, et qui m’a menée aujourd’hui au poste de Direction Générale de Loisirs Provence Méditerranée (LPM). Ma sensibilité pour "l’action sociale" et le "tourisme social" fait que je partage complètement les valeurs de cette association aujourd’hui.

H. - Pouvez-vous nous retracer brièvement l’histoire de LPM ?

L. M. - LPM a été créée en 1969 par des militants de l’UFCV (Union française des centres de vacances et de loisirs). L’idée au départ c’était plutôt de pouvoir répondre à une demande, à un besoin de colonies de vacances des comités d’entreprises. Puis, à partir des années 2000, il y a eu une volonté de proposer des "vacances pour tous", donc de s’intéresser au secteur adapté, à tout ce qui touchait au handicap, et plus particulièrement aux adultes handicapés mentaux.

H. - Qu’est-ce qui a conduit LPM à se tourner vers ce "public" ?

L. M. - Il y avait une demande de la part de certains foyers, avec lesquels l’ancienne direction de LPM avait noué des relations particulières. LPM y a répondu car elle disposait d’un personnel qualifié, au fait de la législation et donc en capacité de le faire, avec un sérieux et une convivialité aujourd’hui reconnus.

H. - Vous parliez de "vacances pour tous" mais vous ne vous adressez pas à tous les handicaps. Vous pouvez m’en dire plus ?

L. M. - Aujourd’hui, nous ne sommes tout simplement pas encore en capacité d’accueillir un public plus large. Il faut des personnes qui soient qualifiées en ce sens, il faut du matériel et des équipements qui soient adaptés. Ce n’est pas encore le cas aujourd’hui. Nous ne sommes également pas les seuls à oeuvrer dans le handicap. Par exemple, l’APF (Association des Paralysés de France) fait très bien l’accueil pour les personnes handicapées physiques. Donc aujourd’hui, il n’ y a pas forcément ce besoin d’aller sur ce type d’activités et de publics.

H. - LPM, c’est combien de membres aujourd’hui ?

L. M. - Alors, LPM c’est vingt permanents et entre 300 et 500 saisonniers sur toute l’année. Nous sommes propriétaires de trois structures : dans les Pyrénées, dans les Hautes-Alpes et dans le Lubéron.

H. - Quel types de séjours et d’activités proposez-vous ?

L. M. - Les activités varient beaucoup d’une année à l’autre. Nous travaillons sur deux saisons : la saison d’été et la saison d’hiver. Pendant la saison d’hiver, à Noël et pour le nouvel an, on propose beaucoup d’activités autour du réveillon. Il s’agit de moments très conviviaux, sur des thématiques originales comme des réveillons gourmands ; je pense notamment aux "réveillons chocolat", à Bruxelles.
Pour ce qui concerne l’été, cela s’inscrit dans un choix d’activités et de destinations variées mais aussi sur du tourisme traditionnel, avec la découverte d’un pays, d’une région et de son patrimoine. Après, l’organisation des séjours se fait bien entendu en fonction du degré d’autonomie des personnes que l’on reçoit. Notre travail consiste donc à la fois à adapter notre offre à notre public, tout en la renouvelant en permanence.

H. - Vous proposez des séjours dans toute la France mais aussi à l’étranger, notamment en Espagne, en Tunisie, en Italie... Avez-vous eu le sentiment que la problématique de l’accessibilité était mieux prise en compte hors de notre région et de notre pays ?

L. M. - Il est reconnu qu’il y a des pays en Europe qui sont plus en avance en termes d’accessibilité, qui sont plus "ouverts" au handicap. Pour ce qui concerne le handicap mental, la problématique de l’accessibilité n’est pas la même. Sur Marseille, par exemple, on n’a jamais eu de problèmes de cet ordre avec nos vacanciers. Pour nous, la région fait clairement partie de nos destinations. Dès qu’on ouvre le catalogue LPM pour l’été, on a quatre séjours qui se déroulent sur Marseille. Et les gens viennent de toute la France pour passer leur vacances sur Marseille.

H. - On a longtemps évoqué le problème du (sur)coà »t des séjours ou des structures adaptés comme un frein au départ des personnes handicapées. Quelles réponses avez-vous trouvé pour proposer des séjours financièrement accessibles ?

L. M. - Dans notre cas, nous travaillons avec un public qui peut bénéficier d’un certain nombre d’aides, ce qui engendre notamment certaines lourdeurs administratives lorsqu’il faut monter un dossier de vacancier, car il y a aussi la question des autorisations où plusieurs acteurs entrent en compte : il y a le foyer de vie de la personne, leur tuteur légal, et il y a également les parents.
Donc là au niveau des inscriptions ont est effectivement obligés d’avoir ces trois acteurs là , avoir l’autorisation de chacun, un qui apporte les moyens financiers, un autre qui complète etc. Après, nous entretenons des relations particulières avec les foyers de vie qui constituent parfois l’ensemble des vacanciers et à qui on arrive à proposer des prix spécifiques. Il existe d’autres dispositifs d’aide au départ en vacances, mais c’est la personne en charge les inscriptions du secteur adaptée qui serait le plus à même de vous renseigner.

H. - On évoque aussi la méconnaissance du handicap chez certains professionnels du tourisme. Existe-t-il des formations spécifiques au handicap ? Par exemple pour les accompagnateurs ?

L. M. - Oui tout a fait. Comme je vous le disais, historiquement, le secteur adapté n’était pas la première activité de LPM, donc on a du faire des formations en interne pour les salariés. Il était important de rappeler à l’ensemble des permanents ce qu’était le handicap, comment l’aborder, quelle est la juste distance.
Ça c’est pour les personnels permanents LPM. Après il y a les saisonniers, qui souvent, sont déjà formés sur cette thématique, qui n’ont pas besoin de remise à jour. Sinon on organise des week-end directeurs, pour introduire des thématiques qui semblent importantes pour le bon déroulement de leur séjour. Donc là , on va réunir tous les directeurs de séjours de cet été, du secteur adapté et du secteur jeunes. Pour le secteur adapté, on va insister sur certaines thématiques, l’an dernier c’était sur la sexualité, comment se comporter, quelle est la bonne distance, est-ce qu’on peut s’en mêler... ce genre de questions, et on va faire intervenir un expert sur ce domaine. A la fin de la saison, on va avoir un retour d’information ce qui va nous permettre de nous adapter aux besoins des directeurs et de répondre aux questions qui ont été soulevées au cours de la saison.

H. - LPM met en avant un projet éducatif, porteur de transformations sociales. Qu’est-ce que vous entendez par là  ?

L. M. - On pense qu’effectivement nous ne sommes pas là juste pour "faire de l’activité". On est certes aujourd’hui dans une société de consommation, mais on essaye de faire prendre conscience, aux parents notamment, que sur nos séjours les gens se retrouvent tous ensemble, qu’ils partagent un moment, qu’ils apprennent à parler aux autres, qu’ils apprennent à découvrir d’autres personnes, qu’ils sont sur une mixité sociale, c’est cela qui nous intéresse. C’est là où on les transforme, c’est sur ces petits gestes, comme apprendre à partager, que l’on parvient à transformer la société. Est-ce que demain quand je vais ouvrir un paquet de bonbons, je vais le manger tout seul dans mon coin ou est-ce que je me dis qu’il y a d’autres camarades autour avec lesquels je vais le partager ?
Après c’est aussi se retrouver un moment sur un séjour avec des gens qui ne sont pas forcément du même milieu. C’est le seul moment où je peux effectivement avoir de la mixité sociale. C’est un temps qui est certes éphémère, qui va durer quinze jours, trois semaines, mais ce vécu là je pense qu’il est nécessaire de l’avoir. Et c’est un temps qui va me permettre aussi de grandir, où je vais apprendre tout seul à me brosser les dents, à manger tout seul, à savoir qu’il faut effectivement débarrasser la table, ce sont des moments qui sont uniques en fait.
Donc effectivement LPM ce n’est pas "faire de l’activité pour faire de l’activité" mais derrière l’activité, se demander qu’est-ce que ça apporte, qu’est-ce que l’activité apporte ? C’est toujours ça notre démarche. On n’est pas dans la consommation pure.

H. - Vous parlez aussi de concilier les besoins des enfants et les préoccupations des parents. Quelles sont les préoccupations des parents quand ils vous confient leurs enfants ?

L. M. - C’est la sécurité, c’est ce qui revient le plus. Les parents veulent savoir comment s’organise l’encadrement, comment vont se dérouler les activités, d’où viennent les animateurs, comment s’effectue le transport etc. Cela concerne aussi les besoins de l’enfant, parce qu’ il arrive qu’il y ait des parents qui sont intrusifs alors que les enfants, qui expriment un besoin de s’émanciper, un besoin d’autonomie, n’en ont pas forcément besoin pendant leur séjour.

H. - Vous travaillez sur des séjours adaptés depuis une dizaine d’années. Votre "public" est-il fidèle, revient-il d’une année sur l’autre ?

L. M. - On a des statistiques la dessus, et on constate que pratiquement les deux tiers reviennent. On a une grosse grosse fidélité à LPM, on connaît les vacanciers, on sait qu’un tel on va le chercher à tel endroit, tel autre, il ne faut pas le brusquer quand il rentre dans le bus etc. Moi qui suis nouvelle, je suis assez impressionnée de constater à quel point les organisateurs ont des relations privilégiées avec eux.

H. - Vous n’êtes pas "simplement" des organisateurs de séjours puisque vous êtes propriétaires de structures d’accueil. Pouvez-vous m’en dire plus ?

L. M. - Donc en fait on est propriétaires de Biabaux dans le Lubéron, près de Forcalquier. C’est un centre adapté à des séjours "campagne", avec des piscines, une ferme, donc la possibilité d’avoir des poneys, c’est un lieu très agréable.
On a un autre centre à Baratier dans les Hautes-Alpes. C’est une maison de maître, très grande, avec un grand terrain, avec une rivière, où beaucoup d’activités sont possibles. Enfin on a un troisième centre, à Saint-Béat dans les Pyrénées, avec là également un environnement très agréable. Ces structures nous permettent de faire aussi bien nos activités de centre de vacances, de séjours adaptés, mais aussi d’accueillir des classes car nous sommes agréés par l’Education Nationale. Là c’est le côté LPM, mais on est aussi "Vacances et vous", qui est une association portée par LPM, dont je suis aussi la directrice, et qui est propriétaire d’un centre à Pelvoux, près de Briançon. Il s’agit d’un village vacances qui a la particularité d’accueillir également les familles.

H. - Ces structures d’accueil sont-elles labellisées Tourisme et Handicap ?

L. M. - On est en cours, je suis en plein dans les dossiers de labellisation. Actuellement, je monte le dossier pour notre centre de Pelvoux, en vue de le faire classer.

H. - En quoi consiste cette démarche de labellisation, que vous apporte-t-elle ?

L. M. - C’est à la fois se faire connaître et reconnaître, c’est donc avoir aussi une certaine exigence. Parce que dès qu’on est labellisés, on a un autre regard sur son équipement, et on se donne des objectifs concrets : tels sont les critères, il faut s’y conformer. Sinon on est trop dans un laisser-vivre. Au delà d’une simple image, c’est aussi une exigence pour soi-même. Après, il y la question des financements qui ne suivent pas forcément et je ne vais pas vous le cacher, ce n’est pas évident les financements publics...

H. - Certaines personnes handicapées disent ne pas disposer des informations nécessaires ou ne pas connaître l’existence des dispositifs mis à leur disposition. Comment vous y prenez-vous pour vous faire connaître ?

L. M. - On a un site internet qui est consulté assez régulièrement, et on a un webmaster qui est en charge de ce site. Donc on essaie d’être bien référencés sur notre site ou bien sur Google. Par ailleurs, on s’efforce d’avoir une relation particulière avec les établissements et les foyers de vie des personnes handicapées. Donc là , on va aller voir concrètement quelles sont leurs demandes, quels sont leurs besoins éventuels. Après il y a également tout ce qui est "papier", par exemple, les vacanciers qui sont partis avec nous reçoivent automatiquement le catalogue de la saison qui suit.

H. - Quels sont vos projets, et ceux de LPM, pour l’avenir ?

L. M. - On en a beaucoup. L’objectif premier est déjà de pouvoir pérenniser notre structure et notre activité. Il y a eu des changements importants, ne serait ce qu’au niveau de mon poste, puisque Liliane Tacher était la directrice de LPM depuis quarante ans. Ensuite il y a l’objectif de toujours se renouveler, de toujours s’adapter aux besoins de nos vacanciers, sur le secteur adapté, et sur le secteur "enfants". On a beaucoup d’idées, il y a beaucoup de choses qui émergent, de volonté, des gens qui ont envie de faire et des gens dans la maison qui ont des compétences et qui sont capables de faire beaucoup de choses. Aujourd’hui on a une ligne qui a été tracée depuis quarante ans et qui marche, qui fonctionne, donc on continue là -dessus dans l’idée, par la suite, de pouvoir apporter un certain nombre de choses.

H. - On n’a peut-être pas eu l’occasion d’aborder tous les sujets, il y a t-il quelque chose qui vous tient à coeur, un point que vous aimeriez développer ?

L. M. - J’aimerais ajouter qu’à LPM, nous sommes adhérents de la CNLTA (Conseil National des Loisirs et du Tourisme Adapté), ce qui implique un certain nombre de démarches qualité. C’est important aussi bien pour les personnes que l’on accueille que pour les personnes qui nous les confient. Nous sommes aussi adhérents à l’UNAT (Union Nationale des Associations de Tourisme) où je fais partie de la commission sur les vacances adaptées. Il existe, dans ces réunions entre organisateurs, beaucoup d’échange, sur les bonnes pratiques, sur ce qui marche, sur la bonne philosophie à avoir.

H. - Je vous remercie.

L. M. - Merci à vous.

Crédit photos : LPM

Propos recueillis par Ugo Chavarro


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