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L’APF des BDR dans le mouvement Inter Parcours.

Entretien avec sa présidente, Mireille Fouqueau.

Réunir, échanger, mobiliser par le biais d’Inter Parcours, au nom des adhérents et des associations regroupés autour du mouvement.
Point de vue de Mireille Fouqueau, présidente de l’Association des Paralysés de France des Bouches-du-Rhône (APF 13).

Handimarseille - Pourquoi une association telle que l’APF s’insère-t-elle dans le mouvement Inter Parcours ?
Mireille Fouqueau - L’APF est un des membres fondateurs du mouvement Parcours et par la suite d’Inter Parcours. Hélène Bessone était alors à la présidence de l’APF. J’ai repris la présidence l’an dernier mais c’est avant tout une histoire qui appartient collectivement au réseau associatif.

H - Pourquoi cette initiative ?
M.F. - Il y a eu d’abord l’expression d’un besoin, celui des professionnels et des présidents de certaines associations qui trouvaient du sens à rejoindre des associations comme l’AFM, l’APF, l’AFTC ou l’ARI, afin d’être mieux entendues qu’elles ne l’auraient été seules, pour avoir des financiers, des partenaires institutionnels en charge de la mise en œuvre d’un certain nombre de décisions, la MDPH notamment, sur les décisions d’orientation de la personne en situation de handicap. Il y aussi l’idée de départ de Parcours qui ne se formalisait pas, de manière suffisamment structurée. Le travail en réseau aurait pu se faire sans Inter Parcours : j’occupais les mêmes fonctions au sein de l’APF en Seine-St-Denis, il n’y avait pas "œd’association des associations" et pourtant le réseau existait. Voilà pour la forme, quant à la structure, c’est une option qui a été prise ici, dans les Bouches-du-Rhône, une volonté de se structurer en associations pour fonctionner. Beaucoup de départements ont des réseaux associatifs sans qu’une association agisse de manière formelle et pourtant le réseau existe. En Seine-St-Denis, l’ensemble des acteurs associatifs impliqués sur les questions du handicap était partenaires des instances institutionnelles, des financiers, du Conseil Général, de la MDPH, de la région. Mais c’est une évidence : pour être reconnu et constituer une force, on a intérêt à travailler ensemble pour parler "œd’une seule voix" , ce qui ne signifie pas pour autant gommer les différences !

Mireille Fouqueau àgauche sur la photo, intervenant lors du
« Collectif Handicap et Sexualités ».

H - Le mouvement a- t-il été créé à l’initiative de quelqu’un en particulier ?
M. F. - À la demande de M. Bertrand, une personne sensibilisée au handicap et responsable des personnes âgées et des personnes en situation de handicap au Conseil Général, mais c’est avant tout une demande institutionnelle et ce n’est pas anodin dans la constitution du mouvement. Même s’il y avait une demande émanant des associations, le fait de répondre non à une injonction, mais à une sollicitation institutionnelle est, de mon point de vue et pour simplifier, prévu pour juguler les flux, pour que les politiques puissent mieux contrôler.

H - En tant que ex- présidente de l’APF de Seine-St-Denis, voyez-vous une action spécifique à l’APF des Bouches-du-Rhône ?
M.F. - En Seine-St-Denis, les associations siégeaient à la MDPH, à la commission exécutive, à la commission des droits et de l’autonomie. Elles se retrouvaient dans le cadre de l’élaboration du schéma départemental. Quelle que soit la structure, les associations ont intérêt à se retrouver pour travailler de manière intelligente et pour agir ensemble. Décloisonner, développer le travail en réseau nous permet de partager nos avis, de mutualiser nos expériences, d’échanger nos pratiques. C’est peut-être moins lisible mais bien souvent le réseau, au lieu d’être piloté par "œune association des associations" , est piloté par l’une des associations du mouvement. Donc ça existe mais sous une autre forme. Évidemment Inter Parcours est innovant dans la forme, mais dans la pratique et les objectifs, ça existe aussi ailleurs. Des différences, il y en a toujours d’un territoire à l’autre, cela étant, de la Seine-St-Denis aux Bouches-du-Rhône les problématiques restent comparables : la Seine-St-Denis est un gros département, il y a énormément de dossiers, c’est une grosse MDPH, avec des dossiers compliqués, des problématiques de précarité, de pauvreté, d’exclusion assez similaires à celles des Bouches-du-Rhône, des populations vivant dans la mixité sociale. Des différences, il y en a, vis-à -vis du politique et dans le contexte local : les interlocuteurs ne sont pas les mêmes et il nous faut aussi tenir compte de cette dimension-là . Bien sà »r il y a une loi, elle s’applique à tous, mais entre la loi, son application et les nécessaires négociations qu’il nous faut avoir, en tenant compte des interlocuteurs, les positionnements ne sont pas les mêmes et le mouvement associatif est confronté à ce problème quel que soit le secteur.

H - Ne peut-on jouer du contre-pouvoir ?
M.F. - Notre créneau, c’est de considérer qu’il y a une loi, qu’elle doit être appliquée, et malgré l’orientation politique, l’obligation vaut pour tous ! La volonté est plus ou moins marquée selon les personnes, non seulement de l’appliquer mais d’être dans une optique d’ouverture, de dialogue, de participation, de respect des pratiques démocratiques.

H - Inter Parcours ne vous donne t-il pas plus de crédibilité auprès des pouvoirs publics ?
M. F. - Restons modestes, nos partenaires sont pour l’essentiel le Conseil Général, les communes ou la communauté de l’agglomération et les collectivités territoriales. Les membres de la commission départementale sont fixés par décret et les associations y ont leurs représentants. Inter Parcours ne change rien. Il y a eu une demande de la part des associations et parallèlement à cela, une demande institutionnelle émanant du Conseil Général qui ne souhaitait plus avoir une multitude d’interlocuteurs. Il a donc demandé que le secteur associatif se structure autour de pôles territoriaux.

H - Peut-il y avoir une incidence sur le travail des associations ?
M. F. - Des risques de dérives certainement même si je reste convaincue de l’intérêt du mouvement dans son esprit originel et dans la philosophie qui a été celle des acteurs associatifs. Je serais aujourd’hui beaucoup plus réservée et nous sommes quelques-uns à partager cet avis. L’AFM, par exemple, partage cette inquiétude. Si nous ne sommes pas suffisamment vigilants, nous pouvons très vite nous retrouver dans une situation où, parce que nous sommes constitués en association, que cette association, Inter Parcours, est reconnue et financée, et parce qu’on nous finance, la contrepartie peut être une certaine forme de chantage. C’est un risque quand on est financé, nous, par le Conseil Général, par des subventions de la CNSA et autour de l’idée « Une démarche innovante ». Le financement a sa contrepartie. C’est une manière d’avoir les gens sous la coupe et si vous faites trop de bruit... Nous n’en sommes pas là , mais ça influence fortement notre positionnement. Un exemple : depuis la mise en place de la MDPH, les choses se mettent en place très difficilement, les demandes sont nombreuses, les délais sont très longs, certains dossiers sont perdus... Il y a des dysfonctionnements majeurs !

H. - Comment y remédier ?
M. F. - Sur ces questions, les associations membres d’Inter Parcours et par le mouvement font remonter les difficultés. N’oublions pas que ce mouvement n’existe que par la volonté des associations qui l’ont constitué et pour une raison simple, avec un objectif premier qu’il ne faut jamais perdre de vue : quelles réponses apporte-t-on aux personnes en situation de handicap ? Comment favoriser la question de l’accès aux droits des personnes handicapées ? C’est notre fil rouge. L’association n’a pas de raison d’exister pour elle-même, elle n’a de raison d’exister que dans la capacité qu’elle a à mutualiser les actions et progresser sur la question des droits des personnes en situation de handicap. Oublier ça, penser que le mouvement n’existe que pour lui-même, c’est oublier nos objectifs premiers. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une MDPH - et ce n’est pas la seule - qui ne répond pas à nos demandes. Il ne s’agit pas de la montrer du doigt puisque notre volonté reste l’aide à la formulation du « projet de vie ». Il s’agit donc de les aider, de faire avancer les questionnements. Nous sommes prêts à former le personnel, à les sensibiliser pour que les choses fonctionnent mieux mais sans oublier que notre rôle est avant tout de garantir le respect des droits des personnes. On ne peut pas indéfiniment fonctionner avec une MDPH qui n’apporte pas de réponses satisfaisantes, qui n’applique pas véritablement la loi. On peut continuer à discuter, à négocier, mais à un moment donné, tout partenaire qu’il est et avec lequel on a envie de construire quelque chose, il est également normal d’intervenir lorsque l’on constate des dysfonctionnement. C’est parce que l’on a conscience que l’on a un rôle et une place à jouer dans ce cercle que l’on va être capable de dire « Attention ! Stop ! ». En ce qui concerne la MDPH, nous nous devons d’interpeller le Conseil Général, en disant, « il y a des soucis, la loi n’est pas appliquée ! ». Elle n’est pas toujours respectée, il y a des difficultés, il y a des dysfonctionnements. La MDPH a été mise en place par le CG, c’est lui qui les finance, le président de la MDPH est un des présidents du CG. Il est donc légitime que, si pendant des mois on interpelle la direction de la MDPH, que la situation n’évolue pas, qu’il n’y a pas d’amélioration, on soit en droit d’imaginer d’interpeler le politique qui est un peu le donneur d’ordre.

H. - Quels sont les avantages pour les associations depuis la création du mouvement ?
M. F. - Ça ne se pose pas en ces termes et c’est compliqué. Nous souhaitons qu’Inter Parcours reste un partenaire de la MDPH et du Conseil Général parce qu’il est évident que l’on doit travailler ensemble, dans l’intérêt des personnes handicapées et non pas dans celui de nos associations mais être partenaires ne signifie pas toujours soutenir l’autre. Inter Parcours doit donc être suffisamment clair sur ses objectifs et sa raison d’exister pour que, malgré ce partenariat, malgré les financements, il puisse être en capacité d’interpeler le Conseil Général.

H - Peut-on envisager un décloisonnement des secteurs, un partenariat plus dynamique ?
M. F. - C’est une question centrale pour le mouvement et les associations qu’il regroupe dans toute leur diversité. À la création d’Inter Parcours, nous nous sommes battus pour qu’il ne reste pas sur une entrée fermée autour de la pathologie et du handicap, c’est-à -dire que chacun vienne défendre sa cause, untel le handicap moteur, tel autre les déficients visuels, tel autre le handicap psychique. Il nous fallait être dans une approche plus globale des attentes de la personne, ne pas se limiter à une entrée par le handicap ou la déficience, mais considérer la personne comme la loi de 2005 le permet, et dans l’esprit même de cette loi, c’est-à -dire comme un citoyen à part entière, avec des droits. C’est ça Parcours. Ensuite, chaque association vient avec sa spécificité, son expérience, son savoir-faire, ses innovations, ses activités. Il y a les grandes associations comme l’APF et les plus petites comme par exemple des associations de parents qui n’ont que 10 adhérents.

H - Pourquoi cette atomisation, cette ultra-spécialisation ? Les associations se multiplient, n’ont-elles pas intérêt à rejoindre les structures existantes et reconnues ?
M. F. - Parce que nous avons nos spécificités, nous ne sommes pas compétents dans tous les domaines. À l’APF, on est dans le champ du handicap moteur. Nous ne pouvons pas aider des personnes ayant des troubles psychiques ou des personnes ayant une déficience visuelle par exemple. Le handicap couvre un panel très large de pathologies et des niveaux d’autonomie très divers. Pour la mise en commun, nous portons ces valeurs dans le cadre des collectifs associatifs, « ni pauvre, ni soumis », créé à l’initiative de l’APF et portant sur la question des ressources ou encore « Handicap et sexualité », un collectif départemental créé à l’initiative du colloque de Strasbourg en 2007. Dans le cadre de ces collectifs, nous travaillons au sein de groupes de réflexions éthiques. La question de la sexualité permet une ouverture aux partenaires associatifs. Il est donc devenu un collectif inter-associatif fonctionnant avec les politiques et de grosses associations comme l’AFM, Handicap International ou AIDES. En ce qui concerne la création et la multiplication des associations, je ne m’autoriserais pas à juger du bien fondé. Si des parents, à un moment donné, estiment devoir se structurer en associations, c’est aussi parce que la question du handicap est vaste et qu’il n’y a pas toujours les réponses appropriées en établissement. Quelquefois ce sont des maladies rares et les parents sont confrontés à de réelles difficultés. Chaque problématique est particulière. À l’APF notamment, on appuie, on soutient en accompagnement les familles. L’idée n’est pas de faire une association pour le plaisir d’en faire une et passer des soirées à se retrouver. Il s’agit, au travers d’un collectif, de soulever une problématique, celle qui est la leur dans leur vie au quotidien, celle de leur enfant, de leur permettre de réfléchir et de mettre en réseau ces personnes sur des problématiques spécifiques.

H. - Une petite association est-elle en mesure de se faire entendre ?
M. F. - Ça dépend sur quoi. Une petite association qui se créerait autour des enfants atteints de dyspraxie ou dysphasique a la légitimité des familles. Si je prends cet exemple, c’est parce qu’il est frappant : les gens créent des réponses pour créer du lien, le développer et se soutenir parce que chacune de ces familles, seule, est isolée. Se réunir permet d’avoir des échanges d’expériences. Tel parent pourra dire à tel autre « Tu cherches telle réponse, moi, je suis déjà passé par là ... ». Ensuite, sur les grandes questions, l’accès aux droits notamment, tout ce qui est en lien avec les MDPH, ou la question des ressources, bien évidemment on fait jouer le réseau puisqu’on s’adresse aux pouvoirs publics. C’est pourquoi la mise en réseau est nécessaire, mais derrière cette idée de "œparler d’une seule voix" face aux politiques se pose un autre problème : Parler de quoi ? Pour porter quelle voix ?

H. - Qu’est-ce qu’Inter Parcours propose ? ?
M. F. - Les associations sont là pour aider. Si demain une personne en situation de handicap vient nous voir, ayant un handicap moteur, traumatisée crânienne ou autre, ce qu’elle souhaite c’est être aidée. Nous le ferons sur de l’accompagnement ou de l’orientation, en direction d’un établissement, d’un service et à partir de ses demandes, de sa problématique, de ce qu’elle décide mais parfois nous somme dans l’incapacité d’y répondre. Si cette personne a des troubles cognitifs très importants, ce qui est souvent le cas chez les traumatisés crâniens, je n’ai pas l’équipe compétente pour cet accompagnement.

H. - Certains organismes participants à Inter Parcours, les CMPP notamment, n’ont-elles pas cette capacité de répondre aux attentes des parents, des enfants ?
M. F. - Non, je crois que ça ne fonctionne plus comme ça et c’est le contraire d’un réseau. Ce n’est pas un qui a la réponse, c’est collectivement qu’on y répond. Une personne, et c’est aussi l’esprit de la loi, on la voit dans sa globalité.

H. - Les réponses sont donc "œcollectives" ?
M. F. - Nous avons des compétences multiples, des savoir-faire qui, mis bout à bout, peuvent permettre d’apporter la réponse globale aux différents besoins de la personne. Ensuite, chaque personne ou chaque association est légitime pour défendre sa spécificité. Par la suite, il nous faut mutualiser, coordonner les actions à l’échelon du territoire, ce qui me semble indispensable sans que tout soit lisse, sans niveler. Une association suffit ? Non ! Qui va regrouper tout le monde ?

H. - Pensez-vous que le mouvement manque aujourd’hui de cohérence ?
M. F. - De mon point de vue, il n’est pas toujours suffisamment offensif et vindicatif. Nous nous sommes développés, agrandis, enrichis. De nouvelles associations sont arrivées, les règles, les objectifs que l’on s’est donnés il y a 10 ans doivent être remis en débat aujourd’hui. C’était l’objet d’un séminaire organisé cette semaine : Qu’est-ce-qui nous rassemble ? Pour qui est-on là  ? Pourquoi ? Comment s’organise-t-on ? Qu’est-ce-qui fait lien entre nous ? Qui prend les décisions ? Nous devons être plus cohérents et plus forts ensemble.

H - Suite à ce séminaire, quelles sont les orientations envisagées ?
M. F. - Il est nécessaire de prendre un peu de recul par rapport à ce qui a été dit. Nous étions accompagnés par des consultants venus appuyer la démarche du séminaire afin d’ avoir une approche un peu plus ludique, en atelier de travail. Il y a des problématiques, des difficultés parfois difficiles à imaginer, à aborder de front. Un autre angle, une autre approche permettent de faire ressortir certains aspects que nous n’aurions pas perçus sous une forme plus rigide, plus institutionnelle. Il nous faut aujourd’hui mettre en commun ce qui ressort de ces réflexions et se retrouver pour y retravailler.

H - Que pouvez-vous nous dire à propos des actions « coup de poing » de l’APF ?
M. F. - Beaucoup portent sur la problématique de l’accessibilité. Ce sont principalement des interventions sur le terrain avec distribution de tracts pour sensibiliser les professionnels et les usagers de tel ou tel service. La presse est invitée pour retransmettre l’information. Sur la question des ressources, nous avons réalisé cet été une grosse opération « Vacances à la Dèche-sur-mer » dans le cadre du collectif « ni pauvre, ni soumis ». Comment peut-on sur une question qui n’est toujours pas réglée, celle des ressources, avec des personnes qui gagnent moins de 700 euros/mois, imaginer pouvoir partir en vacances ? Pour le symboliser, ce sont donc les vacances à la « Dèche-sur-mer », le 15 aoà »t, avec un transat et une tente installés sur le Vieux-Port, des tracts et 700 cartes de pétitions signées dans la journée et envoyées au Président Sarkozy. L’opération a été largement relayée par la télévision et France 3, avec une diffusion au 13 h, une seconde au 20 h. C’est une manière de sensibiliser la population et de toucher le politique. Il y a un an, on faisait une grande manif avec 35 000 personnes à Paris. Un an après, la question des ressources n’a toujours pas eu d’écho. Il est donc impératif de rappeler au gouvernent que les personnes handicapées ne baissent pas les bras. Elles ne sont pas dans la rue tous les jours, on les entend peut-être peu mais elles sont toujours là et leurs revendications, leurs motivations ne faiblissent pas.

H - Quel échange entre réseaux et associations à l’échelon national ?
M. F. - Pour l’APF, cela se fait de fait, en interne, puisque nous sommes une association nationale. Par ailleurs, il y a les collectifs inter-associatifs régionaux. Les réseaux que l’on mutualise à l’échelon national ou régional ce n’est pas Parcours, ce sont les réseaux locaux. Il y a donc nos réseaux nationaux, celui de l’APF, celui de l’AFM, etc. et parce que nous sommes des associations nationales, que nous disposons de l’appui logistique au niveau du siège, nous pouvons mettre ces moyens à disposition de Parcours. Ce que l’on ressent aujourd’hui dans le mouvement, c’est la volonté de parler "œd’une seule voix" , une voix qui n’est peut-être pas celle de tous, mais qui permet au moins aux petites associations de bénéficier de ce réseau, des partenariats, des expériences dans tous les champs du handicap mais on est aussi en droit de se demander ce que le mouvement apporte aux grosses associations !

H - Quelle visibilité du réseau pour les usagers ? Quels avantages pour eux ?
M. F. - C’est une question compliquée pour l’APF. Nous nous sommes engagés depuis maintenant 5 ou 6 ans dans une démarche participative de nos adhérents, une démarche de citoyenneté inscrite dans le projet « Acteurs et citoyens ». Nos adhérents ne sont pas des consommateurs d’activités, nous attendons d’eux qu’ils soient de véritables adhérents, qu’ils agissent, participent et décident de ce que doit être cette association. L’APF a mis en place un conseil départemental dans chaque département. Une 1ère fois en 2006 et reconduit en 2009, nos adhérents ont élu leurs représentants, ceux qui organiseront la représentation politique et qui seront les représentants "œprivilégiés" des politiques pour porter la voix et le projet de l’APF. On a pu constater que lorsqu’on se retrouve dans Parcours/Interparcours, hormis quelques figures emblématiques et quelques personnalités, je pense à Auguste De Luca sur Parcours Berre ou M. Benichou d’Handitoit, des personnes militantes qui sont aussi des personnes en situation de handicap, la représentation de l’APF dans Interparcours n’est due qu’à nos adhérents, ce qui signifie que lorsqu’ils se rendent aux réunions de Parcours, bien souvent, ils se retrouvent seuls en tant que personnes en situation de handicap, auprès de membres, d’adhérents de Parcours qui eux sont des professionnels, des présidents d’associations, des directeurs d’établissements, valides. De fait, ils trouvent difficilement leur place en tant que personnes en situation de handicap alors que le mouvement leur est essentiellement dédié. Le mouvement s’est constitué comme ça, ce sont principalement des directeurs et des professionnels qui l’ont créé mais du coup se sont eux qui parlent du handicap. Au conseil d’administration de Parcours, il n’y que M. De Luca en état de handicap !

H - Pense t-on encore que les personnes valides représentent mieux les personnes handicapées qu’elles-mêmes ne le feraient ?
M. F. - Comme si elles n’étaient pas un citoyen à part entière... C’est le combat de l’APF, on a aujourd’hui la chance d’avoir la loi de 2005 votée sous le gouvernement Chirac et on ne peut que reconnaître les avancées fondamentales insufflées par l’esprit de la loi. Dans sa mise en œuvre, nous savons que nous vivons dans un pays où il ne suffit pas qu’une loi soit votée pour qu’elle soit respectée et appliquée. Pour cela, il faut se battre. On sait aussi qu’on peut légiférer tout ce que l’on veut, si l’on a pas fait avancer les mentalités, la loi ne s’applique pas. Preuve en est : la loi de 2005 donnait 10 ans à la France pour rendre accessibles les lieux publics aux personnes en état de handicap. Nous sommes bientôt en 2010, il reste 5 ans et on a de bonnes raisons de penser qu’en 2015 on n’y sera pas arrivé ! Si on ne travaille pas sur le comment y parvenir ? Comment faire changer le regard des gens sur le handicap et la personne en état de handicap ? Leur faire reconnaître qu’il est un citoyen, qu’il a des droits... Sur le volet de l’accessibilité, par exemple, d’autres pays sont bien plus en avance que nous et se sont souvent les mêmes.

H - Qu’attendez-vous aujourd’hui d’Inter Parcours ?
M. F. - Qu’il s’engage sur des actions concrètes. Jusqu’à présent, Inter Parcours c’est principalement « lL’aide à la formulation du projet de vie » qui va permettre aux personnes en situation de handicap d’être épaulées avec tout l’enjeu que cela revêt. Lorsqu’on dépose un dossier à la MDPH, c’est un projet porté par Inter Parcours mais mis en œuvre par les membres de Parcours, c’est-à -dire que les permanences pour l’aide à la formulation du projet ce sont les adhérents de l’ensemble des associations qui y travaillent, qui le portent. Au-delà de cette représentation institutionnelle, le partenariat avec le Conseil Général, les financiers, la CNSA, les espaces d’échanges, de mutualisation qui sont nécessaires, ce volet-là , il faut le tenir. Il faut aussi que le mouvement serve les petites associations, les aide à connaître les réseaux pour trouver les ressources et l’utiliser plus concrètement. Lorsqu’on essaye de développer des collectifs inter-associatifs pour agir sur des actions concrètes, Parcours en tant que tel et les représentants des associations, même les grandes, sont plutôt absents.

H - Selon-vous, pourquoi ?
M. F. - Je pense qu’à un moment donné Parcours s’est centré sur lui-même. Ce que l’on doit construire demain c’est un mouvement ouvert sur l’extérieur, sur l’action, sur "œl’autre" . Parcours n’a de raison d’exister que s’il n’oublie pas qu’il est au service des personnes en situation de handicap. Pour vous donner un exemple - c’est une évidence et un sujet préoccupant pour les adhérents de Parcours - lorsqu’on se rend dans les locaux de Parcours, on rencontre la coordinatrice ou les chargés de mission. Quand on va dans les bureaux d’Inter Parcours, on ne voit pas de personnes en situation de handicap. Hormis ce que nous menons, nous, associations, sur le terrain, la réalité, au quotidien, les difficultés, les problématiques, ne prennent corps que parce que nous agissons ensemble. Intellectualiser les choses, produire de la réflexion, oui, mais ce n’est pas ça que l’on veut faire financer. Il ne faut pas que Parcours oublie ce qui donnait sens à son projet initial : Comment agit-on tous ensemble ? À l’égide de Parcours et d’Inter Parcours, à l’égide d’un collectif. Il faudrait aussi oublier l’intérêt "œpartisan" de chaque association qui veut s’approprier le fruit de telle ou telle action. Ce qui compte, c’est que l’action soit menée, qu’elle participe à faire avancer les choses, celle de la question du droit des personnes. Lorsqu’on est directeur d’établissement, membre d’un conseil d’administration ou de celui d’Inter Parcours, qu’on a son travail de professionnel à mener, parce qu’on est "œprofessionnel" , on ne s’inscrit pas toujours dans la dimension militante. Ce qui signifie qu’à l’extérieur, on n’est pas militant du handicap ? Une manifestation, les actions menées en collectifs inter-associatifs, peuvent être organisées le week-end. Le problème, c’est que les professionnels, on les voit rarement le week-end ! Et cette dimension militante du mouvement, nous devons la retrouver en construisant de l’action au-dehors et en dehors du mouvement institutionnel. Cela veut dire de l’action revendicative, militante, concrète, sur le terrain, avec les personnes handicapées.

H - Parcours fédère, Parcours relaye ?
M. F. - Parcours mutualise mais arrive un moment où fédérer et mutualiser ne suffisent pas. On ne peut pas ne s’appuyer que sur ce qui se fait, il faut participer à enrichir ces actions. La volonté, la philosophie de ceux qui ont participé à la création de Parcours a été court-circuité par la demande institutionnelle. On s’est fait piéger par ce jeu là et aujourd’hui on peine à s’en détacher. Nous sommes plus dans le compromis que dans le partenariat, on se sent plus tenu, on veut ménager, éviter certaines conséquences dues à certains discours et pourtant on a su construire de réels liens de partenariat. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas d’accord que l’on est forcément en désaccord. On parle fort, on s’exprime et ça n’enlève rien à l’estime que l’on peut avoir à titre individuel. Simplement, il ne faut pas perdre de vue que l’on est là pour construire quelque chose pour les personnes et lorsque ça ne va pas, il faut le dire, sinon ça n’a pas d’intérêt. Si on laissait un peu de côté cette volonté d’être reconnu à titre institutionnel... être reconnu, c’est bien, mais pour en faire quoi ? J’ai la conviction que Parcours a du sens dans les collectifs inter-associatifs. Ils ne s’appellent pas « APF », ce sont les collectifs, « ni pauvre, ni soumis », « Handicap et sexualité », etc. Parcours a sa place dans ces mouvements et doit s’investir pleinement dans ces espaces.

Propos recueillis par Dagmara Marciano. Photos : Josefa Lopez, APF.

Voir en ligne : www.apf.asso.fr


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