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"Je suis encore en mouvement"

Mme Walker a vécu aux États-Unis, en France et en Algérie avant d’élire domicile en Provence. Elle y a connu différents climats : bonne vivante, elle nous retrace son parcours et nous dit ce qu’avancer en âge a changé pour elle.

HandiMarseille. - Pouvez-vous commencer par vous présenter ?
Jacqueline Walker. - Je m’appelle Jacqueline Walker, je suis née le 17 février 1921 à Sandusky, Ohio, aux États-Unis.

H. - À quel âge et dans quelles circonstances êtes-vous arrivée en France ?
JW. - Je suis venue vivre en France à l’âge de 13 ans car mes parents étaient décédés tous les deux, et on m’a envoyée dans la famille de ma mère, française, à Nevers, dans la Nièvre.

H. - Quelle formation et quel métier avez-vous eus ?
JW. - Je n’ai pas de formation et pas de métier : je me suis mariée à 17 ans. Après mon divorce, j’ai fait tous les métiers que j’ai pu : cuisinière, femme de ménage, serveuse... C’était pas mal, à défaut d’autre chose.

H. - Dans quels endroits avez-vous vécu ?
JW. - Quand je suis arrivée en France, j’ai habité à Colombes, dans la région parisienne, et à Nevers, chez mes grands-parents. Après, quand je me suis mariée, j’ai habité à Cherbourg et en 1940, on est partis en Bretagne, à Crozon. Après je suis partie à Nevers, et de là je suis partie vivre en Algérie, en 1941. J’y ai vécu jusqu’en 1959 : Air France avait envoyé mon mari (qui était pilote et commandant de bord) à Alger, et nous on habitait à Fort-de-l’Eau, face à la mer. C’était très bien. C’était un joli pays.
Et puis après, à mon divorce, je suis venue à Toulouse, où j’ai vécu 7 ans, puis à Rieux, 60km plus loin ; ensuite j’ai trouvé du travail comme saisonnière, à Lelex (centre de vacances d’Air France), dans le Jura, puis à Gréoux-les-Bains (Alpes de Haute-Provence). Après ça, j’ai trouvé du travail à l’Observatoire de Haute Provence, à St Michel, où j’ai travaillé jusqu’à la retraite.

H. - Il faisait chaud, en Amérique, en Algérie et dans les différents endroits où vous avez vécu ?
JW. - En Amérique, j’étais dans le Michigan, au nord. Pour aller à l’école, je suivais le chasse-neige !
Des fois le soir, on sortait avec Grand-Père, parce que Maman s’était remariée et ils m’ont mise en pension dans la famille de son deuxième mari, à la ferme. On regardait les étoiles ; j’ai vu l’aurore boréale ! Et puis Maman est décédée, il y a eu des tas d’ennuis et j’ai été expédiée en France. Mais il faisait très froid l’hiver, très très froid ! Et on ne fermait pas les portes, dans la ferme... il pouvait y avoir des gens de passage, ils devaient pouvoir rentrer dans la maison en pleine nuit, même si on était couchés dans nos chambres. Ils ne dépassaient jamais la cuisine, ils y restaient. C’est comme ça que j’ai vu un Indien, un vrai ! Un vrai de vrai. Je me suis même assise sur ses genoux.
En Algérie, il faisait très chaud l’été. Quand il y avait du sirocco, c’était pendant 3, 6 ou 9 jours. Le sable volait de partout, on pouvait fermer les volets, les fenêtres, le sable passait quand même. On mangeait du sable, on en avait de partout ! Il faisait très chaud... et très froid l’hiver. Les maisons n’étaient pas conçues pour le froid. Il y avait une cheminée, mais ça ne pouvait pas chauffer toute une maison. Mais c’était bien, parce que c’était au bord de la mer, et de ma fenêtre je voyais mes quatre gosses barboter dans l’eau.

H. - Il y avait déjà des canicules, à l’époque, ou on n’en entendait pas parler ?
JW. - Peut-être. Mais au bord de la mer, on avait toujours un peu d’air. Et j’ai vu une chose magnifique : un mirage. Comme on avait la mer en face... Mon mari m’a appelée, j’étais à la cuisine. Il m’a dit : "viens voir ! Viens voir !" et on voyait tout un village. Tout un village à l’horizon ! Je me souviens, on voyait les palmiers... C’était extraordinaire. Et pratiquement tous les habitants de Fort-de-l’Eau étaient sur le front de mer, à regarder ce mirage qui a duré un temps infini. On aurait vraiment cru que le village était en face de nous. Ça, ce sont de bons souvenirs.

H. - Nous sommes dans une région assez chaude. Vous ne souffrez pas trop de la chaleur ?
JW. - Un peu plus maintenant, en prenant de l’âge. Avant non, ça ne me dérangeait pas de trop !


H. - Que faites-vous pour mieux la supporter ?
JW. - "œRien" ! Je ne bouge pas. J’ai découvert que moins je bouge, moins je souffre de la chaleur. Et puis boire de l’eau !

H. - On vous rend régulièrement visite ?
JW. - Oui. J’ai deux aide-ménagères, et une jeune fille qui vient le soir, une demie-heure. Elle travaille un peu, mais on papote, surtout.

H. - Est-ce que votre médecin effectue des visites de contrôle ?
JW. - Oui. Sur l’ordre du cardiologue, elle doit venir une fois par semaine. Alors je suis auscultée de la tête aux pieds !

H. - Quelle est l’année la plus chaude dont vous vous souvenez ?
JW. - C’était ici. Je ne sais plus si c’était en 2004 ou en 2005... C’était vraiment affreux. D’habitude, cette maison est froide. Elle est froide l’hiver, mais elle est aussi fraîche l’été. Et là , ce n’était pas vivable. Il fallait garder les volets, les fenêtres fermés, que ce soit le jour ou la nuit... Ça a duré plusieurs jours. C’était assez difficile à supporter.

H. - Notre site, HandiMarseille, porte sur le handicap : est-ce que pour vous, la vieillesse est une forme de handicap, ou ce n’est pas comparable ?
JW. - Si c’est un handicap ? Non, ça ne me gêne pas. Je n’y pense jamais. Je dis souvent que si j’avais 89 ans "œlà -haut" (dans ma tête), ça serait beaucoup mieux ! (rires) Mais je ne les ai pas. Je m’intéresse à beaucoup de choses, et ça ne m’inquiète pas.

H. - Avec l’âge, il y a certaines choses qu’on n’arrive plus à faire. Qu’est-ce qui vous manque le plus ?
JW. - Pouvoir marcher. Je perds équilibre tout de suite... Il faut que j’aie un bras pour prendre appui. J’ai ma canne, et il me faut un bras. Avec ma canne j’avance, mais je ne vais pas très loin. Parce que je perds l’équilibre, et je n’ai plus de force dans les jambes. Rester dans le fauteuil toute la journée, c’est pas drôle.
Quand je suis toute seule dans la cuisine, je cale mon fauteuil et je navigue un peu. Mais je ne marche jamais toute seule dans la salle de séjour : c’est trop grand, je risquerais de tomber, et malgré mon alarme... Et je ne voudrais pas embêter le monde.
Pour descendre les trois marches de l’entrée, c’est un calvaire, mais alors pour les remonter ! C’est pire. Ça fait que je suis toujours enfermée, je ne peux pas sortir. Ça, ça me manque.
Ma fille dit que je peux conduire. Oui, je pourrais conduire ! Parce que je suis assise, donc je ne risque rien. Seulement comme le cardiologue m’a dit que mon cœur pouvait s’arrêter brusquement, je ne voudrais pas être en voiture et provoquer un accident. Donc je ne veux pas. Je trouve que c’est imprudent. Encore une chose qui me manque.
Et puis je me fatigue vite. Ça m’embête, parce que j’étais quand même assez vaillante. Bon, à 89 ans, c’est permis...

H. - Vous n’envisagez pas de changer de maison ? Puisque justement, ça devient compliqué, avec les marches...?
JW. - Non. Je perdrais mes repères.

H. - Donc pour vous, la vieillesse n’est pas un handicap en soi, mais ça en crée ?
JW. - Oui. Ça m’empêche de faire beaucoup de choses. Mais je cuisine encore ! Je vais faire un couscous quand ma petite-fille viendra dans quelques jours. Seulement, je ne fais plus de choses extraordinaires maintenant.

H. - Pour quelles choses avez-vous besoin d’aide, à part marcher ?
JW. - Il y a beaucoup de choses que je ne peux plus faire. Je ne peux plus balayer, passer l’aspirateur, laver le parterre. Alors il me faut de l’aide. Ma fille me fait beaucoup de courses, et puis j’ai une aide-ménagère que j’envoie une fois par mois faire les courses. Parce que je ne peux pas y aller moi. Même si ma fille m’a acheté un fauteuil pliable qu’on met dans la voiture. Quand on arrive à destination elle sort le fauteuil, je me mets dedans et elle me pousse...
La première fois que je suis sortie avec le fauteuil, c’était au Casino, au magasin. Je me suis sentie diminuée... Et puis ça m’ennuyait beaucoup parce que j’avais peur que ma fille ait mal au dos, de me pousser. Tout ça m’embête.
C’est difficile à accepter. Quand on a été assez... J’étais assez vaillante, je ne tenais pas en place, j’étais toujours en mouvement... Oh, je suis encore "œen mouvement" : des fois je dis à ma fille "oh, je suis partie en courant !" et elle : "j’aimerais voir ça !" (rires). Si je me le dis, c’est déjà ça...!


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