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Le sourd de Babel

Un animateur multilingue à Accès

Martin Dutrait est animateur de prévention santé à l’intention des personnes sourdes au sein de l’association ACCES (Action pour la Citoyenneté et l’Education à la Santé). Pour faire face à la multiplicité des modes de communication utilisés par les personnes sourdes, il jongle avec les langues. D’éducation oraliste, il utilise également le Langage Parlé Complété (LPC) et la Langue des Signes en fonction de l’interlocuteur. Il nous fait ici part de sa réflexion sur son action, sur les relations entre sourds et entendants et entre sourds eux-mêmes...

Le sourd de Babel









Interview vidéo en Langue des Signes, Partie 1.
Les deux autres parties sont accessibles sur Youtube : "Le sourd de Babel"

Handimarseille - Pouvez-vous vous présenter ?

Martin Dutrait - Bonjour, je m’appelle Martin Dutrait.

H. - Que pouvez-vous nous dire d’ACCES ?

MD. - ACCES signifie Action pour la Citoyenneté et l’Education à la Santé. Le thème de prédilection de l’association c’est la santé en général même si on est axè sur plusieurs projets. Notre public c’est par exemple les personnes mal informées, en situation de précarité, ou issues de l’immigration, les prisonniers, et les sourds. J’ai plusieurs collègues de travail, nous sommes huit ou neuf au total à essayer d’informer ces personnes.

H.- Depuis quand travaillez-vous là , et sur quel poste ?

MD. - Depuis janvier 2011, cela fait donc deux mois. Mon rôle, c’est animateur de prévention et j’informe en particulier les personnes sourdes. Je peux travailler avec des associations partenaires ou tenir des stands dans leurs locaux. Les personnes viennent prendre l’information et des préservatifs, tout est sur la table en libre-service. Ici à ACCES, j’accueille des personnes dans une salle d’entretien individuel où tous les échanges sont anonymes. Il est regrettable de constater que beaucoup de personnes ont une sexualité sans protection. Nous avons aussi un projet homo sourd. Pour le moment je n’ai pas encore pris de contacts, mais petit à petit je vais essayer de créer des réseaux.

H.- Comment s’est passée votre intégration dans l’équipe ?

MD. - Elle s’est bien passée. Dans l’équipe il y règne une bonne ambiance. Je fais des efforts, l’équipe fait des efforts et la communication est en marche.

H. - En quelle langue communiquez avec vos collègues ?

MD.- Je communique aussi bien en français oral qu’en langue des signes. Tout dépend de la personne à qui je m’adresse. Quoiqu’il en soit je parle tout le temps français parce que certains signent un peu et d’autres pas.

H.- Communiquez-vous facilement avec des entendants qui ne parlent pas la langue des signes ?

MD. - Oui, en fait quand les personnes parlent, je lis sur leurs lèvres. En amont, je les informe que je suis sourd et que lire sur les lèvres me demande des efforts. Il faut qu’ils articulent, qu’ils ne parlent pas trop vite, qu’ils n’aient pas de chewing-gum et qu’ils n’aient pas de moustaches. D’ailleurs c’est mieux qu’ils la coupent, c’est juste une petite info avant.

H.- A quel âge avez-vous appris la langue des signes ?

MD. - J’ai appris à quinze ans, mais j’ai vraiment commencé à signer à l’âge de dix-neuf ans. Je suis rentré dans une association en 2000, et là , j’ai commencé à fréquenter des sourds, et à suivre une formation. Par conséquent cela fait dix ans que je signe.

H.- Vous oralisiez, comment avez-vous eu envie d’apprendre cette langue, était-ce une quête identitaire ?

MD. - Non pas du tout. Au départ, j’ai eu une éducation oraliste, c’est à dire sans langue des signes et sans LPC. Et dans mon quartier, j’ai rencontré un jeune sourd avec qui je ne parvenais pas à communiquer puisque lui parlait la langue des signes, nos conversations étaient quasi impossibles. On a essayé de s’écrire, mais c’était très lourd. On était deux sourds et on ne parvenait pas à communiquer, c’est malheureux. Comme il ne pouvait pas apprendre à parler je me suis dit : « pourquoi ne pas apprendre la langue des signes ? » Et puis, c’était un plaisir aussi.

H.- Est-ce que les problèmes de communication entre sourds sont fréquents ?

MD. - Oui, très fréquents. Parce que quand on pense aux sourds, on pense automatiquement à la langue des signes, alors qu’on dénombre bien d’autres modes de communication et de classification des personnes sourdes. Des sourds oralistes depuis petits, qui ne signent pas, des sourds oralistes qui en grandissant pratiquent le LPC, mais qui ne connaissent pas les signes, des sourds signants, qui n’oralisent pas et ne font pas du LPC, des sourds oralistes LPC et signants, des nés sourds ou des devenus sourds plus tard. Il existe tellement de modes de communication que cela génère des problèmes, même entre sourds. Souvent les sourds ne se connaissent pas les uns les autres. Ils n’arrivent pas à créer un lien et s’oppose aux modes de communication qu’ils ne connaissent pas, ce qui est regrettable.

H.- La langue est-elle l’élément fondamental de la culture sourde ?

MD. - Le problème c’est déjà de définir la culture sourde. Et également de définir le mot culture. Un entendant aura une certaine représentation de la culture, un sourd aura une autre représentation de la culture. Comment se mettre d’accord sur la base de la définition ? Le mot sourd c’est aussi compliqué parce que comme je l’ai expliqué précédemment, il existe plusieurs catégories de sourds qui se distinguent par leurs modes de communication. Il y a les sourds signants. Il y a les sourds oralistes, les sourds qui pratiquent le LPC, donc voilà tout cela constitue les sourds. Concernant plus particulièrement les sourds signants, la langue des signes française, c’est leur langue maternelle, leur première langue. Probablement qu’ils ont leur culture, basée notament sur les signes. Mais attribuer à une seule culture signante à tous les sourds, c’est difficile. Peut-être est ce uniquement les sourds signants, qui ont une culture propre. Ça c’est mon avis personnel, certaines personnes ne seront peut être pas d’accord, je peux me tromper.

H. - Selon vous est-ce que la pratique de la Langue des Signes crée une appartenance culturelle ?

MD. - A la base de toute culture, il y a la langue. De plus une culture sans langue ou une langue sans culture ça n’existe pas. Ça donne le mode de pensée, de réflexion, et la manière de capter l’autre. Donc, c’est vrai qu’on a des cultures différentes et des modes de communication différents.

H.- Comment cette langue est-elle structurée ? Vous a-t-elle amené à modifier vote perception du monde ?

MD. - Je suis né sourd avec une perception du monde différente d’un entendant. Au départ, j’ai acquis le français. Ensuite, j’ai acquis les signes. En fait, je ne différencie pas la langue et ma perception naturelle puisque je suis né sourd, ma perception est avant tout visuelle. Quant à ma vision du monde, il me semble que c’est la même.

H.- Toujours dans le même ordre idée, avez-vous l’impression d’appartenir à deux cultures ?

MD.- Pour ma part, je ne sens pas que ce soit deux cultures différentes. Lorsque je rencontre des entendants, je communique en français et avec les sourds en LSF, la langue change, mais la culture non. Peut-être que ce qui diffère, c’est le comportement et la manière de vivre. Mais est-ce à dire que je change mon comportement quand je rencontre des sourds ? Non, je ne pense pas. Souvent on me dit qu’il existe le monde des entendants, le monde des sourds. Je n’aime pas cette partition, ce cloisonnement. Pour moi, il y a un monde dans lequel on évolue. Peut-être que cela vient-il du fait que quand je rencontre des entendants et que je peux parler et je peux lire sur leurs lèvres. Quand je rencontre des sourds en LPC je peux communiquer ou des sourds signants. C’est peut être ceux qui cloisonnent qui ont du mal à s’adapter à un environnement différent.

H.- Quels sont les critères d’appartenance à la communauté sourde ?

MD. - Je pense que si on veut intégrer cette communauté, il faut apprendre les signes. Si on n’apprend pas à signer, ça me parait difficile. D’autant plus que la mentalité est différente. Il faut essayer de s’ouvrir, de s’imprégner de cette communauté. Il ne faut pas arriver en exprimant des désaccords. Les idées de la communauté sourde, il faut les respecter. Et il ne faut surtout pas aller à la rencontre d’une personne sourde en se disant "pauvre sourd, je vais t’aider".

H. - Si un entendant apprend la langue des signes, est-ce que les sourds vont faire un effort pour l’intégrer ?

MD. - Non, ce n’est pas sà »r. Même si on connait la langue des signes, on ne va pas s’intégrer automatiquement. Il faut du temps pour créer un lien. Le problème vient de l’oppression dont les sourds ont été victimes par le passé et de la méfiance que cela a engendré. Le lien ne se crée qu’une fois qu’ils sont rassurés, qu’ils sont sà »rs que l’on n’essaie pas de profiter d’eux et d’exercer un certain pouvoir. C’est mon impression, même si cela n’implique pas tout le monde, en général c’est ce que j’ai pu constater.

H. - Quelle est la différence entre la langue des signes et le français signé ?

MD.- Le français se caractérise par un ordre des mots dans les phrases. Quand on colle les signes en suivant l’ordre des mots, c’est du français signé, alors que la langue des signes a une grammaire et une syntaxe qui lui est propre et très éloignée du français signé. En fait, contrairement au français, les signes reposent sur une logique visuelle. Pour simplifier, la langue des signes c’est une vraie langue, alors que le français signé c’est une aide visuelle à la communication, ce qui est totalement différent.

H. - Est-ce que vous pouvez nous expliquer la structuration de la langue des signes et sa grammaire ?

MD.- Bien sà »r. Par exemple en français signé, on va dire « moi, je vais au cinéma ». On comprend, mais ce n’est pas très joli. En langue des signes c’est comme au théâtre, d’abord on plante un décor, ensuite on positionne tout le monde, et enfin on dit qui sont les acteurs. En fait, c’est au moment où on a compris les places et les rôles de chacun, que l’on met l’action en place. En français c’est l’inverse, d’abord on dit qui, après on met le verbe, puis le ou les compléments. Pour la langue des signes, c’est vraiment l’inverse.

H. - En quelle langue rêvez-vous ?

MD. - D’abord, il faut que j’essaie de me rappeler de mes rêves, ce qui n’est pas facile. Aussitôt que je me réveille, j’oublie. Dommage !

H. - En quelle langue votre pensée se structure-elle, en français ou en langue des signes ?

MD.- En fait, ma langue première c’est le français, puisque j’ai grandi et eu une éducation oraliste. Pour moi, la LSF c’est une langue secondaire parce que ce n’est pas ma langue maternelle. Tous les jours, j’utilise le français et par moment la langue des signes. Quand je travaille, je pense en français, surtout si je dois rédiger. Quand je marche dans la rue et que je réfléchis, c’est comme si je signais à voix haute et les gens me regardent, me disent « oui, pardon ? » , alors je range mes mains. Ça peut arriver que je signe tout seul. En fait ça dépend, j’ai parfois indifféremment des périodes en français et d’autres en langue des signes.

H. - Est-ce que vous voyez en même temps vos amis sourds et vos amis entendants, ou êtes-vous contraint de les voir séparément ?

MD. - Je peux mélanger, mais c’est difficile. J’ai essayé plusieurs fois, des groupes se sont bien mélangés, alors que pour d’autres ça a été plus difficile, parce que les entendants et les sourds sont restés entre eux. Cependant, je pense que c’est réalisable, à condition que les deux groupes fassent des efforts. C’est suivant le caractère de chacun, mais j’essaie toujours de mélanger parce que c’est ce que je préfère.

H. - Que pensez-vous du LPC (Langage Parlé Complété) ? Est-ce que c’est un moyen de créer une passerelle entre les sourds et les entendants, parce apprendre la langue des signes ce n’est pas forcément facile ? Est-ce que c’est plus évident avec le LPC ?

MD. - D’abord, le LPC à la base, c’est un son qui est traduit de manière visuelle. La plupart des sourds lisent sur les lèvres, et comme de nombreuses positions des lèvres sont proches, cela peut induire en erreur les personnes sourdes. On a donc eu l’idée d’ajouter le LPC afin de séparer les sons, de manière vraiment distinctes. Ainsi, la base du LPC permet plus de facilité pour l’apprentissage du français et de l’écriture. C’est un outil de communication qui permet d’intégrer le français plus facilement. Avec le LPC, la communication sourds/entendants est plus facile, encore fautil apprendre le LPC, et peu franchissent le pas. Par exemple dans une famille, si les parents apprennent le LPC, ils communiqueront très bien avec leur enfant si celui-ci a des facilités avec le LPC. Cependant, il y a des parents qui apprennent le LPC et des enfants pour qui c’est plus dur. Après il y a des sourds et des entendants qui détestent le LPC, qui sont contre. Moi-même au début, je ne voyais pas trop l’utilité du LPC et puis j’ai rencontré ma copine qui a été éduquée avec l’aide du LPC. Je l’ai observée et je me suis dit que c’était intéressant. Comme j’étais amoureux, j’ai appris pour elle et en échange elle apprend les signes. C’est aussi un échange qui nous permet de s’adapter plus facilement l’un à l’autre.

H. - Selon vous, est-ce aux entendants d’apprendre la langue des signes ou aux sourds de s’adapter et d’oraliser ?

MD. - En fait, ce qui serait l’idéal c’est que la société fasse des efforts pour intégrer les sourds. Par exemple, la société pourrait développer le service d’interprète, développer le service des mails. Enfin rendre l’accessibilité plus facile aux personnes sourdes, parce que je pense aux pays du nord, la Norvège, la Suède, la Finlande. Je n’ai jamais visité ces pays, mais on m’a raconté que la société était performante à ce niveau-là . Les services d’interprètes étaient développés à ce niveau-là . Les services du téléphone était à 100 % , les sous-titrages aussi, donc voilà . Après, dans les pays du nord, si il y a beaucoup de personnes qui signes je ne sais pas, mais en tout cas la société se bat pour eux. En tout cas, ça serait bien que la France les imite. En France, on dit « Liberté, Egalité, Fraternité », mais je n’y crois pas trop. Liberté de choix ou de signes, d’oraliser, il y en n’a pas. Egalité, on n’est pas encore là et la fraternité, c’est chacun pour soi. Le gouvernement en ce moment, ce n’est pas ça. Bon, mais je préfère rester neutre.

H. - 70 % à 80 % des personnes sourdes seraient illettrées, comment cela se fait-il ?

MD. - Déjà , cette phrase elle me gêne, parce que depuis que je suis petit, on me dit que 90 % des sourds sont analphabètes. Subitement, en grandissant à 16 ans, 17 ans, ce chiffre a évolué. 90 % de sourds seraient illettrés. Il y a toujours 70 %, 80 %, 90 % et ça, je ne sais pas d’où ça vient, ça m’énerve. C’est vrai qu’en ce moment, il y a beaucoup de sourds pour qui le français ce n’est pas facile à intégrer. Combien précisément en pourcentage, on ne sait pas. Depuis vingt ans on répète tout le temps la même chose 70 %, 80 %, 90 %, mais d’où viennent ces chiffres. Je pense qu’avant, dans les années 80, la situation des sourds était horrible, depuis la situation a évolué. Donc j’aimerais bien que les statistiques soient revues, mais on dit toujours la même chose. Donc voilà , j’aimerais que l’on m’explique d’où proviennent ces chiffres.

H. - Des progrès ont été réalisé au niveau de l’acquisition du français écrit et oral, à quoi cela est dà » ? Y a t-il eu des changements au niveau de la pédagogie ?

MD. - La situation est bien meilleure par rapport à celle des sourds des années 70, d’après ce que l’on m’a raconté. Toutefois, en France des progrès doivent être encore réalisés. On commence à reconnaître la langue des signes et à montrer que c’est une vraie langue. Désormais, on peut revendiquer une identité. L’oralisme a évolué, avant les méthodes pédagogiques étaient horribles, désormais elles se sont améliorées, mais les résultats sont encore variables suivant l’orthophoniste. Certains fournissent un bon travail, alors que d’autres ont des résultats insuffisants. Par ailleurs, les technologies ont vraiment évolué. Auparavant, pour contacter nos amis il n’y avait que le téléphone, ensuite il y a eu le Minitel, mais l’arrivée d’internet a tout révolutionné avec les mails, les MSN, les forums et les sites. Ca a été incroyable. Enfin, il y a les portables avec lesquels on peut envoyer des textos ou signer avec la Visio.

H. - Beaucoup de sourds disent qu’ils n’aiment pas lire. Lire, c’est un exercice difficile pour eux. Quelles solutions pourrait-il y avoir pour faciliter l’accès à la lecture ?

MD. - Pour ma part, j’ai fait des études en étant parfaitement intégré dans un milieu ordinaire où tous mes amis étaient entendants. Pour moi la lecture a toujours été une passion, parce que ma famille avait un goà »t prononcé pour la lecture et énormément d’ouvrages. Par contre, j’avais beaucoup d’amis entendants qui n’aimaient pas lire. D’ailleurs, je pense que peu d’entendants aiment lire. Certains sourds n’aiment pas lire, parce que leur famille ou l’école ne leur ont pas transmis le plaisir de la lecture et qu’ils n’ont pas eu une pédagogie adaptée. L’idéal c’est que la personne ait une base en langue des signes solide ou en LPC afin d’établir un lien avec l’écriture. Certains adorent lire et poursuivent leurs études grâce à ça. A l’école je m’ennuyais devant mon livre, je préférais lire et discuter chez moi, avec mes parents.

H. - Est-ce qu’il y a des ouvrages, des livres qui sont traduits du français à la langue des signes ?

MD. - Je crois que c’est le cas de certains contes pour enfants sourds. En général, les ouvrages ne sont pas traduits. Il est peu imaginable de voir traduit un livre de deux cents pages ou un film en langue des signes.

H.- Que pensez-vous des implants cochléaires ? Sonnent-ils la fin de la langue des signes et de la culture sourde ?

MD. - Beaucoup de personnes dans la communauté sourde ont peur d’assister à la disparition de la langue des signes et de la culture sourde à cause des implants massifs, qu’ils détestent par dessus tout. Pour ma part, je considère l’implant comme un outil, parce que ce n’est pas la solution miracle qui va marcher à tous les coups, ce que beaucoup de personnes oublient. Sur ce sujet, ma position est neutre. C’est l’orientation politique qu’il y a derrière qui me dérange. L’autorité politique implante tous les enfants que l’on décèle sourd, sans tenir réellement compte de la situation propre à chacun, alors que d’autres alternatives existent, comme le LPC et la langue des signes. Si la famille est correctement informée des différentes possibilités qui existent et qu’en son âme et conscience, elle fait ce choix, à ce moment-là je suis d’accord, mais actuellement ce n’est pas le cas. Par contre, je suis favorable au recours à l’implant pour une personne entendante devenue sourde, parce qu’elle recouvre souvent une bonne part de l’audition perdue. En ce moment, le problème réside de la volonté des autorités politiques d’implanter des nourrissons à tour de bras. On ne fournit aucunes informations neutres et complètes sur le LPC, la langue des signes, ou l’oralisme, alors qu’avec les implants les résultats ne sont pas toujours probants. Un enfant implanté, ça peut être une réussite si il y a un cadre autour, et pas si on fait n’importe quoi.

H.- Si vous aviez les moyens technologiques d’entendre comme tout à chacun, y seriez-vous favorable ?

MD. - Non. Devenir entendant, je trouverais ça dommage, parce que je perdrais ma perception du monde. Si on était tous entendants, on aurait la même perception du monde et le monde perdrait un peu de sa richesse. Aux nombreuses personnes qui disent que l’on est handicapé et malheureux, je réponds que le handicap est une richesse, parce qu’on a une perception du monde qui est différente.

H. - Avez-vous quelque chose à rajouter ?

MD. - Souvent on me dit que la communication entendants/sourds n’est pas facile, parce qu’on n’arrive pas bien à se cerner. Cependant, la communication entre les différents groupes de sourds n’est pas facile non plus. Iils n’arrivent pas non plus à se cerner. J’aimerais que chaque personne sourde s’attache à comprendre l’état d’esprit des uns et des autres, et qu’il y ait davantage d’échanges et de discussions. J’aimerais bien que cela évolue aussi en interne afin d’éviter les histoires, parce que j’en n’ai un peu marre. Généralement, on met en opposition les oralistes et les personnes signantes. Pour ma part, je considère qu’ils sont complémentaires. Il faut tout simplement respecter le choix de la langue et le mode d’éducation suivie. Malheureusement aujourd’hui en France le choix est restreint, parce que la priorité est toujours donnée aux oralistes et aux implants.


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