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Humour et Handicap : triste histoire ou histoire drôle ? - Le magazine - Culture - handimarseille.fr, le portail du handicap à Marseille
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Humour et Handicap : triste histoire ou histoire drôle ?

On apprend énormément de choses sur la façon dont fonctionnent nos sociétés en s’intéressant à la manière dont nous représentons nos minorités dans les médias. En l’occurrence, le handicap situé dans un contexte humoristique est d’autant plus important à étudier que ses manifestations divisent l’opinion. Tolérées ou taboues ? Anodines ou nuisibles ?

Au fil des époques, l’historique des représentations médiatiques nous éclaire sur les conséquences, passées et présentes, pour la personne handicapée. Comment une démonstration aussi foncièrement positive que le rire a-t-elle pu donner lieu à tant de répercussions négatives pour tout un segment de la population ? Cette perspective, souvent ignorée, contestée ou amenuisée par une majorité ignorante, nous pousse à nous demander si la situation de handicap est vraiment propice à la plaisanterie.

Alors, humour et handicap, triste histoire ou histoire drôle ? A moins que ce ne soit un peu des deux ?

UNE HISTOIRE PAS SI DRà”LE

L’étude des représentations médiatiques est également l’étude de nos préjugés et souligne notre tendance à prêter des caractéristiques arbitraires à des groupes d’individus. On peut distinguer deux tendances opposées : le handicap en tant que tragédie, dépourvu de toute once d’humour et de second degré, et le handicap en tant qu’objet de ridicule.

Le Handicap, objet de moquerie

On ne le répétera jamais assez : rire est une chose, se moquer en est une autre. Et il faut avouer que la condition des personnes en situation de handicap a longtemps été hasardeuse.

Au 17ème et au 18ème siècle, posséder un "idiot" (selon l’ancienne définition du terme, désignant une certaine catégorie de handicap mental) en guise d’amusement personnel était commun chez les nantis. La visite d’institutions psychiatriques était même considérée comme un divertissement prisé. La tradition des cirques humains, dans lesquels on exhibait des "phénomènes", a perduré jusqu’au milieu du 20ème siècle en occident. Il y a seulement une vingtaine d’années de cela, on interdisait encore l’utilisation de la langue des signes aux personnes sourdes en France, tout en s’amusant de leurs difficultés à maîtriser une langue parlée qui ne leur est pas adaptée.

Les droits de la personne handicapée étaient alors encore moins respectés qu’à présent et ce type de moqueries, déshumanisantes et cruelles, se pratiquaient communément au sein de toutes les couches sociales.

On pourrait croire ces pratiques archaà¯ques complètement révolues, mais il n’en est rien. Il n’est pas rare que le handicap soit encore raillé. Les personnes handicapées en témoignent chaque jour. Et leur position est d’autant plus difficile que la frontière entre humour et moquerie est parfois ardue à déterminer.

D’ailleurs, nombre de nos invectives reflètent toujours cette marginalisation historique : sourdingue, cinglé, boiteux, autiste, mongolien, nain, etc., autant d’insultes propageant l’idée que seule la performance physique et mentale est acceptable dans nos sociétés.

C’est pourquoi on ne peut comparer la légitimité d’une plaisanterie effectuée par des personnes handicapées, partageant avec humour une expérience qui leur est propre, avec la moquerie de personnes valides s’amusant aux dépens des personnes vivant ces situations. Comme le disait si joliment Jules Renard : « On n’a le droit de rire des larmes que si l’on a pleuré. »

Le Handicap, épopée tragique

De l’autre côté du versant, il semblerait que l’imaginaire social projette énormément de pathos sur la personne en situation de handicap. En effet, la personne valide a tendance à transférer ses propres peurs sur cette dernière, alors uniquement résumée à ses difficultés. Le fait qu’elle soit également susceptible de couler une existence heureuse et épanouie (ou à défaut, de surmonter les épreuves avec auto-dérision) est complètement occulté, comme si sa seule fonction était d’exciter la compassion.

La presse à scandale est friande de ces anecdotes déchirantes dans lesquelles il faudrait s’émouvoir qu’une personne paraplégique ne soit désormais plus capable d’escalader le Mont Blanc (qu’elle en ait ou pas exprimé le désir auparavant, d’ailleurs). Quelle que soit la prouesse d’une personne en situation de handicap, elle n’aura jamais pu l’effectuer que "malgré son infirmité". Et les rares personnages handicapés dont nous gratifient les médias sont rarement définis autrement que par "leur terrible combat".

Le handicap serait-il considéré comme une condition si funeste que la personne handicapée devrait être trop occupée à se noyer dans l’amertume de son spleen baudelairien pour s’abaisser à une occupation aussi frivole que le rire ?

La réalité est autrement plus complexe. Dans son spectacle "Elle est pas belle, la vie ?" [1], Guillaume Bats fait allusion à cette attitude exaspérante :

« Petit coup de gueule, quand même, surtout vous, mesdemoiselles, quand vous êtes avec votre doudou, on est beaux, on est jeunes, on est heureux, que vous me croisez et que vous lui dites : "Regarde, doudou : le pauvre !" Vous croyez que je vous entends pas, mesdemoiselles ? Alors, quand c’est comme ça, je rentre dans votre jeu... [Il tombe à genoux, les mains jointes, et pousse une plainte lamentable] "Tout le monde me rejette parce que je suis différent... mais vous n’êtes pas comme eux... vous avez un coeur... [Il se relève en faisant mine d’empocher de l’argent] Merci, au revoir". [Un instant s’écoule et il brandit le majeur en lâchant un rire sardonique] Moralité de l’histoire : arrêtez de penser qu’à partir du moment où on est handicapé, on est honnête ! »

En d’autres termes, plutôt que d’être considérées comme des individus à part entière, comptant autant de potentiels différents que d’identités différentes, les personnes handicapées sont souvent jugées selon les critères subjectifs et ethnocentriques des personnes valides, ce qui réduit leur situation à une simple énumération d’inaptitudes sociales, physiques et mentales, qui soit ne laisse strictement aucune place à la légèreté, soit au contraire suscite la raillerie.

Pourtant, si l’on en croit le succès du film "Intouchables", humour et handicap, non seulement font bon ménage, en étant les éléments clés d’un grand succès critique et populaire, mais surtout peuvent s’associer de manière respectueuse.

UNE HISTOIRE PAS SI TRISTE

Légitimité

Mais dans ce contexte difficile, les personnes handicapées seraient-elles les seules légitimes à associer humour et handicap ?

« On peut rire de tout, mais pas avec n"™importe qui, assure Ludovic Givron [2]. Il y a fort certainement des gens qui pourraient être sensibles ou heurtés par certains sujets. Moi, les humoristes qui rigolent sur le thème du handicap, à partir du moment où c"™est dépourvu de méchanceté, on est bien d"™accord, je trouve qu"™ils en ont le droit. Moi, personnellement, j"™ai pas envie de le faire, mais ils en ont le droit. Si on ne peut plus rire sur le handicap, il ne faut plus rire sur la religion, il ne faut plus rire de rien et je pense qu"™on est dans un pays libre et, justement, l"™humour reste encore une liberté. »

Ce qui n’exempte pas non plus les citoyens de toutes responsabilités. En effet, même si certains aiment à s’exaspérer, s’indignant sur le fait qu’il est impossible qu’une simple boutade puisse avoir de graves conséquences dans la vie de leurs compatriotes, Colin Barnes, professeur en sociologie britannique, lui, affirme le contraire. Pour ce spécialiste de la théorie des handicaps, il est important de rappeler que les critiques sur la représentation médiatique, humoristique et populaire des personnes handicapées émergent parce que ces dernières sont régulièrement privées des mêmes droits et opportunités que leurs concitoyens.

Les mots peuvent s’avérer blessant pour des individus, mais ce sont surtout les instruments qui ont permis, et permettent encore, de justifier des violences morales et physiques à l’encontre de certains groupes minoritaires. Non seulement en consolidant des préjugés, fondations sur lesquelles reposent les actes discriminatoires, mais également en dépouillant la personne handicapée de sa confiance en soi et de sa capacité à défier les idées préconçues.

Certains répliqueront que tous les membres d’une société peuvent être la cible d’une plaisanterie un jour ou l’autre, qu’il s’agit parfois de l’équivalent d’une bourrade amicale de bienvenue dans la communauté et qu’on ne peut réclamer l’égalité des droits sans obtenir en retour l’égalité de traitement.

Un des problèmes de ce type de rhétorique, c’est qu’il néglige de prendre en considération, outre le contexte historique lourdement discriminatoire, la disproportion démesurée entre les représentations positives et les représentations négatives du handicap. Actuellement, dans nos médias, combien de films et de spectacles dépeignent les personnes handicapées sans condescendance ni apitoiement ? Combien de livres les décrivent comme des êtres épanouis, indépendants, heureux en amour, ainsi que professionnellement ?

Humour citoyen

« Moi, répond Georges Grard, scénariste de la bande dessinée "la Bande à Ed" [3], j"™essaie de rire de tout, mais j"™ai toujours une dimension humaniste. Alors quand je pense que ça choque, ou que ça provoque l"™autre ou les autres, j"™essaie de réfreindre mon humour. J"™évite de choquer. Mais il y a des gens qui réussissent à choquer et à faire rire. Ce n"™est pas mon cas. Mon truc, c"™est faire rire pour faire réfléchir. Pour moi, le meilleur humour, c"™est l"™humour citoyen. »

Il faudrait donc peut-être plutôt se demander de quelle manière humour et handicap peuvent s’associer de façon respectueuse. S’il n’existe pas de réponse toute faite sur ce qui constitue une "bonne" blague, il est tout de même possible de lui attacher une valeur, positive ou négative, en estimant l’impact social, professionnel et psychologique qu’elle peut susciter sur autrui, et cela quelles que soient les intentions, réelles ou affichées, du plaisantin.

L’humour a évidemment sa place au sein de la communauté des personnes en situation de handicap. Le rire possède de nombreuses vertus. Il permet à la fois de raffermir les liens sociaux, de laisser exprimer des frustrations ou encore de dédramatiser des situations. Non seulement pour soi-même, mais également pour son entourage, afin de favoriser la communication avec ceux qui ne sont pas forcément coutumiers de ce qu’implique le handicap dans la vie d’une personne. Des études ont aussi démontré les effets bénéfiques de l’humour au niveau physiologique, notamment dans les stratégies d’adaptation à la douleur ou encore dans la lutte contre les états dépressifs.

« Quand j’étais plus jeune, avoue Peter Dinklage, que l’on a pu voir dans "Joyeuses Funérailles" et "Le Chef de Gare", les réactions et les commentaires des gens me déprimaient. Adolescent, je ressentais beaucoup de colère et d’amertume et je me renfermais sur moi-même. Mais plus je vieillis, plus je comprends l’utilité d’aiguiser son sens de l’humour. Je me suis rendu compte que ce n’est pas mon problème. C’est le leur. »

En règle général, on peut donc affirmer que le rire peut se révéler une mesure alternative à des émotions telles que la tristesse, la gêne et la colère dans la gestion des difficultés quotidiennes. De nombreuses associations et de nombreux artistes l’intègrent même à une forme de nouveau militantisme, afin de dénoncer les discriminations de manière récréative, comme on a pu le voir avec les campagnes humoristiques [4] de l"™Association de gestion du fonds pour l"™insertion professionnelle des personnes handicapées (l’Agefiph) [5] ou encore de Think beyond the label [6].

L’humour peut être une façon de se concentrer sur tout ce qui nous réunit plutôt que tout ce qui nous sépare et, au final, considérer la personne handicapée comme un individu digne de respect, est-ce vraiment si compliqué ?

Nous avons dit que les représentations positives de la personne handicapée sont rares. Mais rares ne veut pas dire inexistantes. Même si tout n’est pas parfait, les choses évoluent lentement.

Les rôles de personnages handicapées sont écrits de manière moins stéréotypée et plus variée que par le passé, prenant une place de plus en plus prépondérante sur nos écrans ("The Big Bang Theory", "Glee", "Dr House", "Intouchables", "Vestiaires"), au théâtre ("Du rififi à l"™Élysée", "Les Bonobos) ou encore dans les publications littéraires ("La Bande à ED", "Club VIP", "Fauteuils en état de siège", "Le Dernier des sourds, "Les Sourdoués"). [7]

Brisant le carcan des préjugés, la personne handicapée est désormais actrice de l’humour qui la désigne, pour notre plus grand bonheur. Car pour paraphraser Laurent Baffie : « Le premier moyen d’intégrer les personnes handicapées, c"™est de rire avec elles. » [8]

Notes

[1Voir notre article L"™humour hand"™vidéo

[2Voir notre article Humoriste avant tout

[3Voir notre article L"™humour citoyen de "La bande à Ed"

[4Voir notre article L"™humour hand"™vidéo

[7Ne pas hésiter à consulter notre article Éléments de réflexion pour plus de suggestions

[8Voir notre article Un "Bonobo" au grand cœur


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