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La double identité

Ludivine Guérin appartient aux deux mondes : à celui de ses deux parents sourds, et à l’autre des entendants. La langue des signes est sa langue maternelle et c’est prédisposée qu’elle devient enseignante LSF dans un lycée et qu’elle s’investit dans la promotion de la culture sourde au sein de l’association Visucom dont elle est chargée de direction. Sa double appartenance nourrit une réflexion originale sur l’histoire et la place des sourds et malentendants dans notre société qu’elle nous fait partager dans cette interview.

La double identité

Handimarseille - Pouvez-vous vous présenter ?

Ludivine Guérin "“ Je m’appelle Ludivine Guérin, je suis la chargée de direction de l’association VISUCOM. On diffuse des ouvrages. Notre but est de promouvoir la culture sourde par le biais principalement de la langue, par la richesse de la culture. On veut démontrer que c’est une communauté avec une culture et des caractéristiques qui lui sont propres qui en font une communauté riche et intéressante.

H. - Vous êtes fille de deux parents sourds, comment vous êtes vous construite par rapport à cette particularité ?

LG. - Je me suis construite comme les autres, même si cela apporte une différence. C’est toujours difficile à dire, mais j’ai été très tôt confrontée au handicap de par mes parents et de par le milieu sourd, j’ai développé une sensibilité à la différence. Mais le fait d’avoir des parents sourds ça n’a jamais été pour moi une différence monumentale.

H. - Enfant, comment perceviez vous le regard des autres sur vos parents, sur vous ? Vous semblait-il que leur surdité était un handicap ?

LG - J’ai eu la chance d’avoir des parents qui travaillaient tous les deux. Ils faisaient du sport, et ils avaient des amis. Par conséquent le handicap n’était pas une fatalité. Du coup, je n’ai pas perçu le handicap comme quelque chose de difficile. D’autant plus que j’avais du caractère. J’avais la chance de toute façon de ne pas écouter les mauvaises critiques ou les réflexions mal fondées de certaines personnes.

H. - Vos parents parlent tous deux la langue des signes est-ce la première langue que vous avez apprise ?

LG. - Oui, la langue des signes est ma langue innée, maternelle et le français est ma langue première, puisque je suis issus d’un pays francophone.

H. - Avez vous l’impression que la langue des signes structure différemment votre pensée ? De quelle manière ?

LG. - Oui, on a une structure et une pensée qui est différente. Je pense que le fait d’être dans le monde des sourds, d’y avoir été baignée, et d’être dans une langue visuelle et gestuelle que cela nous forge de toute façon différemment des autres. Quand on est enfant de parents sourds, on a tendance à parler plus facilement avec les mains et à imager. De plus, on a tendance à être attentif aux gens et objets qui nous entourent, à pouvoir faire le descriptif d’une pièce plus rapidement que les autres. Les sourds ont une capacité visuelle qui est très développée.
C’est la langue des signes qui l’apporte de part sa structure grammaticale comme la spatialisation et la géographie, qui y sont importantes.

H. - Pensez vous que c’est la même impression que pourrait avoir un enfant de parents étrangers ?

LG. - Tout à fait ! Pour communiquer ma génération n’avait pas d’interprètes, à l’école j’étais là pour traduire à mes parents le résultat les réunions parents/professeurs. J’étais dans une situation analogue à celle d’un élève de parents étrangers qui serait contraint à faire la traduction. C’est à peu près le même parcours d’exclusion et de différences.

H. - Vous vous êtes servi de votre bilinguisme pour construire votre carrière professionnelle, pouvez-vous nous parler de vos différentes activités professionnelles ?

LG. - Outre mes responsabilités dans l’association, je suis professeur de Langue des Signes Française dans un lycée pour des élèves entendants. La langue des signes a toujours fait partie de mon parcours.

H. - La langue est-elle l’élément fondamental de la culture sourde ?

LG.- Oui,tout à fait ! C’est leur expression de communication et leur langue naturelle. Cela fait partie de la communauté sourde, si on englobe la communauté sourde et les sourds signants en tant que communauté identitaire avec leur culture et leur histoire.

H. - Et pour ceux qui ne signent pas ?

LG. - Pour certains cela peut être un choix de ne pas signer. Nous avons constaté que même les sourds qui n’avaient pas eu la chance d’avoir appris la langue des signes étant jeunes étaient à l’âge adulte demandeurs. En général, dès qu’ils rencontrent des sourds signants, ils ont une rapide capacité d’apprentissage de leur langue sans prendre de cours. Même si elle n’est pas académiquement correcte au niveau de la grammaire et de la syntaxe. On voit vraiment ce côté naturel qui est présent.

H. - Comment définiriez-vous la culture sourde ? En dehors de la langue, sur quoi repose t-elle ?

LG. - C’est lié à un tout dont l’humour et l’histoire des sourds. L’humour c’est très visuel. La grande différence par rapport aux entendants, c’est que les sourds ont un humour assez cru et direct sans pour autant être rustre ou vulgaire. Ils ne sont pas adeptes du politiquement correct ou de la bienséance. C’est un humour de situation qui va tendre vers le visuel. Il existe des expressions typiquement entendantes qui ne vont pas être comprise par les sourds et inversement. A l’oral nous avons des jeux de mots alors que les sourds peuvent vont avoir ce que l’on va appeler des jeux de signes. Un mot, ils vont le découper sur des signes comme un rébus. C’est difficile d’expliquer l’humour sourd. Pour les sourds certains jeux de mots ou de situation « terre à terre » en français comme par exemple l’expression typiquement française « avoir un verre dans le nez », sont incompréhensibles parce qu’ils ont l’image visuelle la personne qui a un verre dans le nez, et donc pour eux ça ne tient pas du tout la route. Toutefois, hormis la langue, l’histoire des sourds explique aussi leur positionnement.

H.- Que s’est-il passé dans l’histoire ?

LG. - Surtout en France la langue des signes a été interdite pendant cent ans. C’est un passé relativement proche. Dans les années 80, on a les prémices de ce revirement. Mais c’est depuis 2005 qu’elle est vraiment reconnu comme langue officielle de la communauté sourde. Durant des années deux générations de sourds ont été dans des établissements où on ne les prenait pas en considération et encore moins leur langue vu qu’ils n’avaient pas le droit de la pratiquer. S’ils passaient outre cette interdiction, on leur tapait sur les mains. Ils étaient donc forcés d’oraliser par des méthodes pas toujours très agréables. C’est une communauté qui a une histoire douloureuse dont les traces sont toujours présentes. Désormais les sourds ont plus de droit, la loi évolue. Ils ont une certaine reconnaissance et peuvent revendiquer des aides techniques et humaines.

H. - Comment les choses se sont elles passées quand vos parents ont appris à signer ?

LG. - Maman est née sourde. Elle a appris la langue des signes tardivement puisqu’elle était dans des écoles où elle était totalement en intégration parce qu’elle n’avait pas forcément le droit de signer, par conséquent elle portait des appareils et suivait des séances d’orthophoniste imposées. Dans l’établissement de ma mère, si on les surprenaient à signer dans la cour, ils se faisaient taper sur les doigts. Ils devaient donc mettre les mains dans le dos ce qui est pour un sourd très difficile ! Aucune personne de sa famille mis à part son frère décédé n’a appris la langue des signes. Par ailleurs, elle a eu des amis sourds dès son plus jeune âge, qui lui ont enseigné. Quand il est devenu sourd, mon père, lui, a été orienté ici à l’IRSAM, l’école des sourds et aveugles, rue de l’observatoire. Ensuite il a été envoyé à Albi, Montpellier, et Grenoble. Mais il a eu la chance d’être en écoles spécialisées. Bien que la langue des signes était interdite en apprentissage, les sourds se regroupaient énormément entre eux et continuaient à la pratiquer et à se l’apprendre entre génération.

H. - Justement la culture sourde est-elle universelle ? Tous les sourds du monde entier, ont ils le sentiment d’appartenance à une même culture ?

LG. - Oui, ils sont d’abords sourds et après ils ont leur identité nationale. Ils sont sourds français, sourds allemands, sourds papous. Mais ils sont d’abords sourds. C’est une véritable communauté. Ce sont des grands voyageurs, ils partent très facilement chez les uns chez les autres. Quand il y a des grandes congrégations internationales, ce sont des congrégations de sourds. Toutes les langues des signes y sont présentes mais il n’y pas de grosses difficultés de compréhension linguistiques. La première identité s’est d’être sourd. L’origine nationale ou religieuse a peu d’importance.

H. - Quels sont les critères d’appartenance à cette communauté ?

LG. - J’ai une double identité. Je fais partie de la communauté entendante et je n’ai pas envie de changer. Cependant le fait d’être né de parents sourds et d’avoir toujours vécu avec la communauté sourde me confère une double identité. Avoir le sentiment d’appartenir à la communauté sourde, c’est quelque chose que l’on doit sentir au fond de soi. Ce n’est pas uniquement maîtriser la langue des signes et fréquenter des personnes sourdes.

H. - Est-ce qu’il y a des règles et des normes de comportement classiques ?

LG. - Les règles de bienséance classiques. D’autant plus que les sourds n’aiment qu’on les observent comme des animaux de foire. Il faut les côtoyer parce qu’on les trouvent sympas et qu’on a envie d’avancer avec eux. Mais il faut éviter de prendre la place de la personne sourde. Parfois, on a tendance à vouloir « faire à la place de ». Il faut laisser la place à la personne sourde la possibilité de faire ce qu’elle veut.

H. - Ressentez vous un cloisonnement entre le « monde des sourds » et le monde des entendants ?

LG. - De moins en moins, mais il subsiste encore un peu. On sait que certains entendants ne sont pas encore sensibilisés ou informés. Du côté des sourds, il existe des extrémistes qui revendiquent énormément de choses et cloisonnent. Ils pratiquent la langue des signes extrême et sont dans la gestuelle pure et dure. En fait, ils ne veulent pas faire d’effort auprès des entendants. Ils refusent totalement d’oraliser. A ce moment là , on n’est plus dans l’autonomie, mais l’extrême et tout doit être en langue des signes. Cependant, ce courant extrémiste s’explique par l’histoire et les revendications des personnes sourdes.

H. - Vos parents communiquent-ils facilement avec des entendants qui ne parlent pas la langue des signes ?

LG. - Oui, mon père est devenu sourd à l’âge de 8/9 ans. Il a donc toujours très bien oralisé car son cerveau a gardé des traces. Ma mère aussi oralise bien. Ils ont toujours de toute façon pratiqué la mixité des deux. C’est quand même une communauté qui est minoritaire qui doit quand même s’adapter à la majorité entendante, et malheureusement c’est comme ça que cela marche.

H. - Comment vos parents perçoivent-ils le monde « des entendants » ?

LG. - Ils y vivent tous les jours. Je pense qu’il l’imagine bruyant. Ils ont la certitude qu’ils seront toujours incompris par à la majorité entendante. Aujourd’hui encore c’est difficile des choses de faire comprendre aux collectivités et aux élus que les sourds ont besoins effectivement d’accompagnement et de mise en place d’outils stratégiques pour avoir accès à la culture. Dans l’enseignement supérieur, c’est encore difficile à l’heure actuelle d’avoir des interprètes spécialisés, des professeurs sourds, des guides sourds, et des conférenciers sourds.

H. - Selon vous, est ce aux entendants d’apprendre la langue des signes ou aux sourds de s’adapter et d’oraliser ?

LG. - Je pense un peu des deux. Ça serait plus simple si chacun faisait un pas vers l’autre. On ne peut pas demander à tous les entendants d’apprendre obligatoirement la langue des signes parce que sinon on ferait face aussi à des réactions de rejets. Aujourd’hui, c’est bien que la langue des signes soit présente de plus en plus de structures, ne serait-ce que pour accueillir, sensibiliser voire faire disparaître cette peur de l’inconnu. De toute façon les sourds on besoin d’avoir une personne qui pratique la langue des signes à un très haut niveau et on ne peut pas demander à tout le monde de maîtriser cette langue de façon aussi conséquente. Par ailleurs, les sourds doivent faire l’effort de s’adapter, et d’oraliser sans pour autant renier leur langue. La langue des signes reste leur langue, et l’oralisation un outil supplémentaire que la majorité utilise. Cependant lorsqu’ils s’expriment exclusivement entre eux, c’est sans parole et sans oralisation puisqu’ils en n’ont pas besoin. Mais lorsqu’ils se retrouvent dans une situation face à des entendants, ils font souvent l’effort de parler parce qu’à un moment donné, ils n’ont pas forcément le choix !

H. - Qu’est ce qui selon vous pourrait permettre une meilleure intégration de la personne sourde dans le milieu entendant ?

LG. - Tout d’abord, il faudrait qu’on continue les sensibilisations afin qu’il y ait moins cette peur de l’inconnu, et un minimum de personnes sensibilisées à la connaissance des sourds et à leur langue sans pour autant la maîtriser. Ensuite, il faudrait que le personnes sourdes aient plus de choix d’outils à leur disposition pour pouvoir avancer comme un tout à chacun dans notre société. Ce qui signifie davantage d’interprètes, d’interfaces, de preneurs de notes et de codeurs

H. - 70 % à 80 % des personnes sourdes seraient illettrées, comment cela se fait-il ?

LG. - Oui, mais je pense que le pourcentage tend à diminuer avec les années fort heureusement. Là on en revient à leur histoire et au fait que la langues des signes était interdites et que l’oralisation était forcée. En tout état de cause cela résulte du fait que l’on imposait directement aux jeunes sourds l’oralisation du français et sa structure complexe que se soit à l’écrit ou à l’oral sans pour autant leur donner la base de leur langue naturel. Désormais, on part du principe qu’il faut maîtriser la structure de leur propre langue pour passer à l’apprentissage du français ce qui est plus simple parce qu’on établit une corrélation entre les signes et les mots parce que pour les sourds le français reste quand même pour eux une langue étrangère. Si on nous enseignait le chinois à l’école primaire en lieu et place du français notre langue domestique. On aurait beaucoup de mal à l’intégrer et on ferait un rejet. Du coup, la génération qui a vécu dans l’interdiction a fait un gros rejet à cause de cela .

H. - Que pensez vous du Langage Parlé Complété (LPC) ? Est-ce un moyen terme qui permettrait de créer la passerelle de communication entre un sourd et un entendant ? Un moyen de favoriser l’apprentissage de la langue française à la personne sourde ?

LG. - le LPC est un outil d’aide à l’apprentissage très utile qui complète très bien la langue des signes notamment dans l’apprentissage scolaire. D’ailleurs j’avais assisté à Toulouse à une conférence en tant qu’étudiante où des étudiants sourds était assistés par des interprètes et des codeurs LPC. Ce qui n’était pas négligeable sur des matières où on était souvent confronté à des mots techniques. Alors que la langue des signes donnait l’explication technique de ce mot, le LPC en donnait l’orthographe parce que quand on atteint ces niveaux d’études, on a besoin de connaître l’orthographe technique d’un mot. On a donc deux outils très complémentaires. Je ne considère pas le LPC comme une langue à proprement parler. C’est seulement un code syllabique qui permet de donner l’orthographe d’un mot, mais elle ne sert pas à communiquer. Avec la langue des signes, on peut vraiment tout dire et expliquer de façon plus langagière avec une culture syntaxique qui lui est propre. Elle est plus riche et tient la comparaison avec une langue française qui a aussi un registre et un vocabulaire très riche.

H. - Que pensez vous des implants cochléaires, sonnent-ils la fin de la langue des signes et de la culture sourdes ?

LG. - Non, je ne pense pas. De toute façon la langue des signes et les sourds existent depuis toujours, et cela ne disparaîtra pas. L’implant cochléaire résulte avant tout chose de la volonté des médecins de rendre l’auditions aux sourds comme il aimerait rendre la vue aux aveugles. La médecine a fait d’énormes progrès. Toutefois, je suis contre l’implant des enfants nés sourds dès l’âge de 18 mois je trouve que cela honteux alors que les parents ne sont même pas informés de l’existence du monde des sourds et de la langue des signes. On peut être sourd, épanoui, heureux, avoir un bon travail, des enfants, conduire et faire du sport. Alors que lorsque l’on a un implant cochléaire, certains sports ou activités sont parfois contre-indiquées. Avec l’implant cochléaire, j’ai beaucoup de mal. Je ne jetterai pas la pierre aux parents mais aux médecins qui refusent d’expliquer que d’autres possibilités existent et que ce n’est une obligation. Je regrette que les médecins prônent cette opération comme la solution miracle qui rendra l’audition à l’enfant alors que les résultats ne sont pas toujours là , et que d’autres problèmes demeurent derrière. D’autant plus que bien souvent l’enfant n’entend pas si bien que cela. Pour nous entendants les sons que l’on entend nous les reconnaissons naturellement parce que notre cerveau les décryptent. Alors que là il faut leur apprendre. Si il entend une sonnette il faut qu’il le sache, c’est pour cela que les médecins préconise la mise ne place de cette implant avant dix huit mois. On fait donc subir une intervention très lourde pour un choix très dur et pratiquement irréversible parce qu’une fois la décision prise, il est difficile de faire marche arrière puisque la médecine ne sait pas encore tout sur l’oreille et n’a pas encore décelé tous ses mystères. D’ailleurs, on a constaté que beaucoup d’enfants implantés, venaient au bout d’un moment à la langue des signes de toute façon. On ne parle peut pas de gâchis parce que ce n’est pas juste. Certaines personnes s’en sortent bien avec cet implant. A ce propos, j’avais rencontré une maman qui avait implanté son fils et aussi appris la langue des signes. Elle ne regrette pas son choix puisqu’elle a fait en son âme et conscience à ce moment là . Par contre ce qu’elle déplore c’est que le médecin ne l’ait pas bien informé. On lui a dit qu’avec l’implant cochléaire, l’enfant serait normal et entendrait. Alors que son enfant n’est pas normal tel que l’on entend dans notre société puisque c’est un enfant qui a un implant cochléaire qui nécessite un réajustement et que dans ces conditions il rentre dans les enfants handicapés et est donc soumis à un véritable parcours du combattant. Cependant, l’implant cochléaire fonctionne très bien sur une personne adulte entendante qui a un accident de voiture ou une liaison cérébrale du jour au lendemain parce que l’on redonne à son cerveau une impulsion électrique parce pendant 20/30 ans il a entendu gardé la trace sonore. Par conséquent qu’il entende de façon électrique ou naturel, c’est la même chose pour lui. Le troisième cas de figure c’est celui des adultes qui sont nés sourds et qui veulent se faire implanter. ils font bien ce qu’ils veulent, ils sont grands. Nous en avons connu certains qui ont essayé par curiosité. Je connais notamment une personne de 60 ans pour qui cela ne marche pas si bien que cela. Elle entend des bruits mais elle ne sait pas forcément ce à quoi cela correspond. Elle a dà » mal à reconnaître un fax d’un téléphone.

H. - Si l’on avait les moyens technologiques de permettre réellement à une personne sourde d’entendre comme tout à chacun, pensez vous que ce serait une avancée ?

LG. - Non, je ne pense pas. Les personnes sourdes dans leur grande majorité ne voudraient pas entendre parce qu’elles sont bien comme elles sont. elles ne se sentent pas malheureuses. Elles n’ont pas la sensation d’avoir une chose en moins. A mon avis si on dit demain à chacun de mes parents « tiens ! on te donne un truc et du deviens entendant », je ne suis pas sà »r que cela les intéresse pour autant, et je pense que de nombreux sourds sont dans ce cas là . On vit dans une société qui n’est pas parfaite, il faut arrêter de vouloir rendre le monde parfait, acceptons plutôt la différence et mettons en place des choses pour que la différence de la personne sourde ne soit pas un handicap. C’est la structure de notre société qui définit le handicap. C’est ainsi que l’OMS définit le handicap. Il ne le définit pas par rapport à la personne mais à l’accessibilité de sa ville .

H. - Avez-vous quelque chose à rajouter ?

LG. - Les mauvaises blagues ou certaines critiques. Il vaut mieux que je ne sois pas là pour les entendre parce que je réagis au quart de tour, c’est viscéral. Et l’expression « sourd et muet » m’horripile. A chaque fois il faut que j’explique que les sourds ne sont pas muets « nani nana ! ». Ce n’est parce qu’on est sourd que l’on ne parle pas. La plupart des gens le comprennent très bien, et s’exclame du coup « Eh bien oui ça paraît logique ! ». D’ailleurs quand j’étais lycéenne, il y en a un qui m’a tenu tête. Dur comme fer ! Et à me dire que je ne savais pas de quoi je parlais, que c’était écrit dans le dictionnaire. Je lui ai dit « J’ai des parents et des amis sourds et je peux t’assurer que les personnes sourdes parlent, même si certains oralisent moins bien que d’autres, la capacité à parler est tout de même là , ils ne sont pas muets ! »

H. - C’est une idée reçue ?

LG. - Oui, c’est une idée reçue que l’on peut s’expliquer par l’histoire des sourds. Ça nous vient quand même de la philosophie des lumières qui prônait la parole comme la suprématie de l’être humain par rapport à l’animal. Les sourds ont souvent une voix particulière puisqu’ils ne peuvent pas s’entendre. Quand un entendant se bouche les oreille, il perçoit à l’intérieur la rétro-audition. Les personnes sourdes ne peuvent pas régler la hauteur de leur voix et font vibrer leurs cordes vocales d’une façon différente de la nôtre. Mais généralement les personnes sourdes font vibrer leurs cordes vocales comme les asiatiques avec les langues tonales. Comme la voix du sourd est très reconnaissable et particulière, elle a souvent fait l’objet de moqueries. On a dit qu’ils parlaient comme des animaux. C’est la raison pour laquelle ils préféraient ne pas parler en présence de personnes entendantes parce qu’ils ne voulaient pas qu’on se moque d’eux. Du coup les philosophes avaient décidé que les sourds étaient comme des animaux et qu’ils étaient sourds et muets. Cette idée a perduré au fil des siècles. Mais aujourd’hui grâce au combat de certains sourds, les mentalités commencent à changer. D’ailleurs suite à l’inscription de « sourd et muet » sur sa carte orange d’invalidité, mon père s’est rendu à la préfecture pour contester cette déclinaison parce qu’il n’est pas muet. Fort heureusement, c’est quand même un terme qui s’enlève, mais il y a des gens qui tiennent encore tête !

H. - Je vous remercie

LG. - Avec plaisir !


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