« Un seul regret, ils évaluent l’enfant sur une seule journée. »
Intégrer les enfants en situation de handicap, c’est bien, mais encore faut-il le faire de manière adéquate et dans les meilleures conditions possibles.
Handimarseille est allé à la rencontre d’Évelyne et Jean-Marc Ginestet, les parents de Damien, scolarisé en IME. Ils parleront des difficultés rencontrées pour l’intégration de leur fils en milieu scolaire ordinaire et leur combat perdu contre la fermeture de l’école pour handicapés de la Grotte Rolland.
Handimarseille : Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?
Évelyne Ginestet : Je m’appelle Évelyne Ginestet, voici mon mari Jean-Marc.On est les parents de Damien.
H : Quel est le handicap de votre fils ?
Évelyne Ginestet : Il est polyhandicapé. Il a un handicap moteur et il a une agénésie du corps calleux.
H : Est-ce que vous pouvez me dire à quel endroit il va faire sa rentrée ?
Évelyne Ginestet : Il va faire sa rentrée à l’IME (Institut médico-éducatif) les Figuiers à la Valentine. Donc, il va plus à l’école à partir de cette année.
H : Comment se sont passées les démarches pour l’inscription dans l’IME ?
Évelyne Ginestet : Nous, on va dire qu’on a eu un peu de chance par rapport aux autres, c’est la Chrysalide qui nous a contactés. Avant Damien était à l’IME Les Calanques deux matinées par semaine (les mercredis et vendredis matin) et en même temps, il allait à l’école. Et en fait, c’est parce qu’on avait commencé à monter le dossier pour l’avenir auprès de la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées), que la Chrysalide nous a contactés lorsqu’ils ont ouvert la section pour les handicapés à la Valentine. Donc, on n’a pas eu de problèmes pour trouver un IME.
H : Qu’est-ce qui vous a décidé à mettre Damien en IME ?
Évelyne Ginestet : Damien va à l’IME les Figuiers depuis 2007. Donc cette année, l’école fermant, on n’a pas eu de souci à demander à ce qu’il y aille la journée. Et puis il a 18 ans donc là, il va commencer à faire des stages, à voir s’il peut aller dans un ESAT (Établissement d’aide et service par le travail) ou s’il faut qu’il aille dans un foyer professionnel.
H : Et durant son parcours scolaire, est-ce qu’il a été dans des structures ordinaires ?
Évelyne Ginestet : Il a été à la crèche, après il a fait ses trois années de maternelle avec une assistante de vie scolaire, et à la fin des trois années, la directrice nous a dit qu’il ne pourrait pas intégrer le CP. C’est le kiné de Damien qui nous avait parlé de la Grotte Rolland, parce qu’on voulait le mettre à l’IEM (Institut d’éducation motrice) St-Thys mais pour eux, Damien « ne rentrait pas dans le cadre ».
H : Est-ce que vous regrettez qu’à la fin de la maternelle on lui ait dit que le milieu ordinaire ce n’était pas pour lui ?
Évelyne Ginestet : Non. Moi je regrette qu’une chose, c’est qu’à St-Thys, ils évaluent un enfant sur une journée. Il est allé passer la journée là-bas, il a été vu par la psychologue, par l’orthophoniste, par l’ergothérapeute, il est rentré dans la classe, il est passé par la cantine... Il a fait une journée complète mais avec des évaluations de tout ça. Et à l’époque, il avait beaucoup de problèmes de comportement, il ne tenait pas trop en place.
Jean-Marc Ginestet : En plus, nous, on n’avait rien demandé, ce sont eux qui nous avaient appelés la première fois.
H : Et on ne vous a jamais fait de propositions pour l’intégrer au Collège Sylvain Menu ?
Jean-Marc Ginestet : J’aurais bien voulu.
Évelyne Ginestet : Il faisait partie de l’effectif de Sylvain Menu, dans les enfants handicapés mais délocalisés. Dans ce collège, ils prennent les enfants handicapés en fauteuil parce qu’ils ont l’ascenseur, ils ont 2 places en Ulis (Unité localisée d’inclusion scolaire), mais il n’y a pas beaucoup d’enfants en situation de handicap à Sylvain Menu ! Si vous allez voir par curiosité un matin, pour compter le nombre de petits en fauteuil, il n’y en a pas beaucoup.
Jean-Marc Ginestet : Je pense qu’il y a une erreur d’intégration, ils n’ont pas vraiment pris en compte l’étendue du handicap. Nous, comme on l’a toujours dit, on n’est pas contre la loi pour l’intégration. Déjà, est-ce qu’il y a une loi pour l’intégration ? Moi je trouve ça un peu bizarre. Mais après dans la cour, l’intégration ça veut bien dire ce que ça veut dire : l’intégrer au milieu des autres. Damien, il a fait des colonies en intégration avec l’APF (Association des paralysés de France), c’était vraiment de l’intégration. Je veux dire, ils étaient 3 ou 4 enfants handicapés en fauteuil et ils étaient au milieu de valides. Ça c’était l’intégration ! Mais c’est pas possible avec les autres ados, c’est la guerre. C’est une fosse aux lions.
H : Est-ce que vous pouvez m’expliquer comment s’est déroulé votre lutte contre la fermeture de l’École de handicapés moteurs de la Grotte Rolland ?
Évelyne Ginestet : Ça a démarré il y a 2-3 ans en arrière, quand on a su que l’école allait fermer. On a entrepris des démarches auprès de l’Éducation nationale, du Conseil Général, on a fait intervenir les médias par l’intermédiaire d’une personne de l’ESAT Saint-Jean. On avait ensuite créé nous-mêmes notre propre association pour pouvoir assister aux réunions administratives à l’Éducation nationale, au Conseil Général et ça a dû bien durer six mois. Après, comme personne ne voulait fermer l’école, à la dernière réunion avec le Conseil Général, Madame Janine Écochard (Vice-Présidente du Conseil Général des Bouches-du-Rhône, déléguée à l’Éducation) disait : « mais nous, on ne veut pas la fermer, l’école ». Même son de cloche auprès de Madame Christine Susini (Délégué générale éducation culture et solidarité à la Ville de Marseille) ainsi qu’auprès de l’Éducation nationale.
H : Il n’y a personne qui voulait fermer l’école et pourtant elle a fermé ?
Évelyne Ginestet : En fait, ça fait bien cinq ans que la MDPH n’orientait plus personne vers la Grotte Roland, et l’école a fermé là en 2011. Avant la loi de 2005 sur l’intégration, ils avaient commencé à ne plus orienter. En n’orientant plus, ils ont laissé l’école se vider toute seule. C’est vrai qu’à la dernière réunion à l’Inspection académique, ils nous avaient dit : « tant qu’il y aura un élève dans l’école, on laissera l’école ouverte ». Sauf que, à partir de six élèves, il n’y a plus de dynamique.
H : Qu’est-ce qui était bien à la Grotte Rolland ?
Jean-Marc Ginestet : Ce qui était bien, c’est que déjà ils étaient entre eux. Ils avaient le challenge du niveau, mais entre eux, c’était leur école. Ils avaient des profs qui étaient à leur écoute, des copains, des papas, des frères. Ils étaient une dizaine, chacun avait un rythme différent, donc ça permettait à l’instit de s’occuper de tous les enfants. Puis l’avantage, c’est qu’il y avait le kiné et l’orthophoniste sur place, ça nous permettait à nous de ne pas cavaler le soir à droite à gauche.
Et puis, si vous voyez l’école jamais vous vous dites que des enfants handicapés ont vécu là-dedans. Et l’Éducation nationale et la ville, même s’ils l’ont fait fermer, ils ont laissé les moyens jusqu’au dernier moment, mais personne n’a essayé de la montrer comme une vitrine pour dire : « voilà , nous on a fait ce qu’il fallait ! ». On avait proposé un truc pour cette école, de s’en servir de passerelle pour les jeunes, pour des enfants qui sont susceptibles d’accéder à des écoles dites « normales ». Avant de les envoyer dans ces écoles, les mettre à la Grotte Rolland pour les évaluer.
Évelyne Ginestet : Mais ça, on l’avait fait aussi pour les enfants. On s’était beaucoup basé sur le cas de William Lecoeur, à qui l’école apportait beaucoup de choses. Alors, on avait pensé faire cette passerelle pour ces enfants qui sont dans des internats, pour les sortir un peu de là ; et on avait aussi fait un paragraphe pour les intégrer progressivement. D’abord un jour, puis deux... jusqu’à ce que ça se passe bien et qu’ils soient intégrés complètement.
Jean-Marc Ginestet : Après les raisons pour lesquelles elle a fermé, on ne le saura jamais. Parce que personne ne nous dit la vérité, et personne ne veut prendre la responsabilité de nous dire la vérité.
Évelyne Ginestet : C’était une école communale parce que les bâtiments appartenaient à la ville et le personnel, les « tatas », tout ça c’était le personnel municipal. Mais ils accueillaient quand même des collégiens qui dépendaient du Conseil Général, puisqu’à partir de 13 ans, ils sont considérés comme collégiens donc ils étaient en fait rattachés au Collège Sylvain Menu. Ils faisaient partie des effectifs de l’établissement mais sur la Grotte Rolland.
H : Merci de m’avoir reçu.
J-M.G : Merci.
Propos recueillis par Yoann Mattei
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