La vieillesse c’est comme le handicap, il faut apprendre à faire avec !
Pour cet ancien kiné non-voyant et président honoraire de l’association UPA - « Les Cannes Blanches », la vieillesse pour une personne handicapée « s’ajoute au handicap que l’on a ». André Di Marco dresse un bilan de son parcours en tant que non-voyant actif mais également de sa vie de retraité.
Handimarseille : Est-ce que vous pouvez vous présenter ?
André Di Marco : Je suis André Di Marco, je suis né le 4 septembre 1941 à Marseille. J’étais Président de l’association UPA 13 « Les Cannes Blanches » (Union provençale des aveugles) et aujourd’hui j’en suis le président honoraire et le sympathisant du président que je soutiens.
H : Quel est votre handicap ?
A.DM : J’ai un handicap visuel et un peu auditif avec l’âge.
H : En plus de votre handicap d’autres problèmes de santé surviennent avec l’âge, comment appréhendez-vous tout cela ?
A.DM : C’est vrai que quand les problèmes s’accumulent, on a de moins en moins envie de résister mais si on les accepte, il faut faire avec. On essaie de pallier ça par d’autres moyens. Quand j’étais petit, j’ai appris le braille, j’ai été kiné libéral pendant 42 ans et pendant 20 ans, président de l’UPA 13. Si l’on a des problèmes auditifs et que l’on peut être appareillé, on le fait ; pour me déplacer, j’ai aussi un chien-guide, c’est mon quatrième. Mais finalement la vieillesse c’est comme le handicap, il faut faire avec.
H : Pensez-vous que la vieillesse s’appréhende différemment quand on est non-voyant ou quand on a un handicap ?
A.DM : Quand on est âgé et que le handicap vient s’ajouter en plus, ça peut poser plus de problèmes, par contre quand on a grandi avec son handicap, cela fait partie d’une évolution normale. On sait très bien qu’avec l’âge, on va courir moins vite, on va être plus essoufflé, on va avoir des rhumatismes... Vous savez, être handicapé, ce n’est pas être différent d’une autre personne. Maintenant, c’est vrai que des gens qui n’ont jamais rien eu, d’un coup vivent avec le handicap de la vieillesse.
H : Qu’est-ce qui vous fait le plus peur dans le fait de vieillir ?
A.DM : C’est de devenir gâteux, lourdement dépendant et je ne voudrais pas, c’est-à-dire l’indépendance intime, s’exonérer aux toilettes, ne pas se souiller, ne pas trop perdre la tête, ne pas être un légume en mouvement.
H : Avez-vous l’impression que le regard, l’attitude des autres avec vous en tant que personne en situation de handicap change avec l’âge ?
A.DM : Pour ceux qui vous ont continuellement connu, non, mais pour ceux qui ne connaissent pas le handicap ou la vieillesse, oui. Ils ont plusieurs réflexes : 1, ils sont cloués sur place parce qu’ils ne savent pas que faire, ils sont surpris ; 2, ils essaient de rendre service mais pas toujours de la façon qu’il faut, ils ont peur que vous tombiez, que vous vous tamponniez, pour un peu ils vous porteraient pour vous asseoir... Mais, s’ils vous ont vu grandir, ce n’est pas pareil. Il ne faut pas systématiquement mettre les gens à part. S’ils ne se rendent pas compte que vous souhaitez avoir une légère autonomie, ils seront moins enclins à dire que c’est un poids.
H : Vous avez exercé le métier de kiné pendant 42 ans, comment s’est passé pour vous le moment du passage à la retraite ?
A.DM : Eh bien, j’aurais cru que ce serait plus facile mais je reconnais que pendant un an ou deux, j’ai un peu galéré parce que je me retrouvais avec un certain temps libre inhabituel. 40 ans de mode de vie, c’est dur de dire « c’est fini ». Disons qu’il fallait surtout retrouver des activités ou maintenir des activités, pour ne pas dire bon, je me mets dans un coin parce que je suis âgé, ou je ne sais plus rien faire, ou tu encombres tout le monde... Disons qu’il faut quand même s’adapter.
H : Perceviez-vous une allocation par rapport à votre handicap ?
A.DM : Je percevais l’allocation compensatrice pour tierce personne, qui était soumise au plafond de ressources, qui m’avait été supprimé pendant plusieurs mois, parce que mon plafond salarial faisait que je n’y avais plus droit. Ça, ce n’est pas logique parce qu’au lieu d’encourager et de soutenir ceux qui faisaient l’effort de travailler, au lieu d’en faire des assistés, je me suis entendu dire : « de quoi vous vous plaignez, avec ce que vous gagnez »... Seulement, ce qu’il ne disait pas, c’est que pour certaines activités de ma profession, conduire ou assumer le secrétariat, je devais faire appel à une tierce personne.
H : Comment cela se passe-t-il au moment de la retraite ?
A.DM : Sur le plan professionnel, ça s’est arrêté. Par contre, il m’est arrivé de faire des remplacements de confrères. Mais, je n’arrêterais jamais.
H : Qu’est-ce qui change entre ces deux statuts au niveau financier notamment ?
A.DM : J’ai supprimé l’allocation de compensation qui a un avantage et un inconvénient. L’avantage, c’est qu’elle n’est plus soumise au plafond de ressources et le désavantage, c’est qu’elle est de 300 euros environ et plus, en dessous de l’allocation tierce personne. C’est une perte qui n’est pas négligeable.
H : La solitude et la précarité sont des moments que tous les retraités redoutent, pensez-vous que cela est d’autant plus le cas lorsque l’on est en situation de handicap ?
A.DM : Oui, parce que déjà quand vous êtes jeune, actif et handicapé, vous arrivez à vous en sortir. Quand vous êtes plus âgé, plus grognon... Ça peut être une charge supplémentaire. Et ceux qui vous ont accompagné dans la vie, que ce soit une épouse, une tierce personne... Cette personne aussi vieillit, il a moins de ressort, moins de résistance. Et si vous la remplacez, ça coûte de l’argent.
H : Quelles activités, l’association à laquelle vous appartenez, proposent à ce public-là ?
A.DM : Nous avons ici un service social qui s’occupe d’aider les personnes en difficulté, qu’elles soient jeunes ou qu’elles deviennent handicapées visuelles du fait de l’âge, et ça, ça remonte vers notre fédération pour faire prendre des dispositions pour répondre plus efficacement aux problèmes que génèrent le handicap et l’âge, ça c’est le but essentiel de l’association. Après, on a comme toutes les autres associations, des activités de loisirs, de rencontres, des voyages, de soties culturelles... On gère également une maison de retraite dans le quartier des Olives, qui comptent un peu moins d’une centaine de personnes âgées.
H : Selon vous quelles améliorations pourraient être apportées pour faciliter le quotidien d’une personne âgée non-voyante ?
A.DM : Aménager un peu l’accessibilité et la communication là où ça peut être fait, notamment dans les transports en commun, l’annonce des arrêts dans les bus ou les métros. Il y a certainement des choses à faire. Vous imaginez que les syndicats ont refusé que les chauffeurs de bus annoncent les arrêts ou alors qu’on les paie pour qu’ils les annoncent. Je reconnais que répéter toute la journée la même chose, ça peut être un peu « gonflant ».
Propos recueillis par Yoann Mattei
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