Le projet de vie : au coeur de la demande MDPH
Entretien avec Yvette Boyer, représentante de l’association "Choisir sa vie" et André Boivent, un ami sincère.
Yvette Boyer, représentante de l’association Choisir sa vie, témoigne de son expérience en tant que déléguée à Inter Parcours. Sa fonction est d’aider les personnes handicapées, comme elle, à remplir au mieux leur "projet de vie" afin que leur demande soit validée par la Maison Départementale des Personnes Handicapées.
HandiMarseille - Madame Boyer, vous avez en charge l’élaboration des projets de vie, c’est l’une des activités principales d’Inter Parcours. Quelle est votre fonction exactement ?
Yvette Boyer - Je représente l’association Choisir sa vie ou HandiToit, je suis également déléguée pour participer à Parcours et Inter Parcours.
H - Inter Parcours aide la personne à formuler son projet de vie ?
Y.B. - Oui, c’est en binôme que nous aidons les personnes à l’établir.
André Boivent - Le projet de vie appartient au système, c’est un feuillet parmi les autres dans le formulaire de demande auprès de la MDPH [1] et normalement, chaque personne fait son projet de vie.
H - L’initiative existe-t-elle dans d’autres départements ?
A.B. - Inter Parcours, c’est quelque chose qui est original puisque les instances nationales se sont penchées sur le travail qui est fait dans les Bouches-du-Rhône dans ce domaine. C’est absolument innovant, ailleurs les gens se présentent à la MDPH et reçoivent plus ou moins d’aides des services administratifs pour la rédaction de leurs demandes, mais il n’y a personne qui les aide à la rédaction du projet de vie. Dans les Bouches-du-Rhône, les personnes comme Yvette, qui siègent en commission MDPH, ont constaté que ce projet de vie, qui était au cœur de la nouvelle loi, ne remplissait pas son rôle. En fait, les gens ne savaient pas qu’en faire. Face à ces difficultés, il a été décidé de former des binômes qui aideraient les personnes handicapées à rédiger leur projet de vie et à faire en sorte qu’il soit vraiment ce qu’il doit être.
H - Comment ces binômes se composent-ils ?
A.B. - Les binômes sont généralement des personnes bénévoles, souvent il y a un professionnel dans le binôme : il reste bénévole mais est rémunéré par son association en tant qu’intervenant dans une structure. Les binômes peuvent être constitués par exemple d’une assistante sociale, d’un psychologue, d’un éducateur, ou de différentes personnes qui interviennent dans le secteur sanitaire et social et qui appartiennent à Parcours. Souvent, on trouve une personne handicapée comme Yvette ou quelqu’un qui appartient à une association de parents. Ce ne sont donc pas des professionnels mais ils ont une connaissance des problèmes et savent écouter les gens différemment. Car le professionnel va avoir tendance à vouloir trouver tout de suite ce qui répondrait le mieux, par exemple l’établissement ou le type de formation qui pourraient le mieux correspondre à la personne. Donc c’est un peu pour éviter cela que ces binômes ont été créés.
Y.B. - Moi par exemple, je travaille avec une psychologue de l’AFPA [2] qui était donc une professionnelle de l’orientation pour les personnes handicapées.
H - Et en tout, combien de binômes y-a-t-il à Inter Parcours ?
Y.B. - Vingt-quatre, il me semble.
H - De part votre fonction, vous êtes amenée à vous occuper des personnes qui ont des handicaps de différents degrés. Comment se passe l’élaboration du projet de vie ? Vous suivez la personne sur combien de temps ?
Y.B. - Pour commencer, la personne appelle le numéro vert de Parcours et explique les problèmes qu’elle rencontre. Si c’est une question de projet de vie, suivant les disponibilités des binômes, on l’appelle ou on lui envoie par mail la date de rendez-vous. Après, nous rencontrons la personne dans une salle, elle nous explique ses problèmes et nous l’écoutons. On ne lui propose rien, on l’écoute seulement et on lui pose des questions afin de vraiment réaliser ce qu’elle veut faire. Cela peut être par exemple un appartement, une formation... Le projet de vie est important car s’il est bien articulé, cela facilite la prise de décision en commissions d’attribution. Le dossier est tout d’abord vérifié par une équipe technique, des médecins. Après la commission technique, il passe pour validation à la CDA [3].
H - Pouvez-vous nous en dire plus sur la CDA ?
A.B. - La Commission des Droits et de l’Autonomie attribue les aides et les qualifications.
Y.B. - Il faut passer par elle pour avoir le statut de personne handicapée. Pour l’allocation AAH [4], pour l’aide complémentaire, pour toutes les aides aux personnes handicapées, elles doivent être demandées à la MDPH.
H - Est-ce que Parcours a un droit de regard sur le traitement des dossiers à la MDPH ?
A.B. - Non. On pourra avoir les résultats, mais on ne pourra pas suivre les dossiers. Ça sera un droit de regard sur des chiffres et des constats, mais cela ne sera pas sur des résultats individuels, malheureusement. Il faut dire aussi qu’il y a environ six mille dossiers traités par mois...
H - Compte tenu des chiffres annoncés, 6000, et ce qu’annonce Mme Boyer, tout le monde ne passe pas par l’élaboration du projet de vie ?
A.B. - Ah non, il y en a très peu. C’est une infime minorité.
H - Si la personne ne remplit pas la partie "œprojet de vie" , est-ce-que le dossier peut quand même être validé ?
Y.B. - Tout à fait, oui.
A.B. - Il y a beaucoup de gens qui ne font pas de projet, il ne mettent rien. Ils font une demande avec plus ou moins d’informations. S’ils ont eu la chance de pouvoir rencontrer, par exemple, une assistante sociale qui a mis quelque chose dans leur dossier ou des médecins qui ont bien formulé leur certificat... Les équipes techniques qui travaillent les dossiers au préalable, sont relativement informées. Mais sinon, c’est le projet de vie qui devrait être au cœur du système.
H - Aujourd’hui en 2009, quelles sont vos attentes, 4 ans après la loi ? Que reste-t-il à faire ?
Y.B. - Il faut faire remonter les problèmes rencontrés par les personnes, aussi bien ceux par rapport aux établissements, que ceux rencontrés par les personnes qui sont à l’extérieur, qui ont besoin d’aides financières, humaines... Inter Parcours ça sert à ça : à faire remonter tous les problèmes, de la petite enfance aux personnes âgées.
Ce qui serait important aussi, c’est que les personnes handicapées se motivent un peu plus, parce qu’à Parcours, on est peu de personnes handicapées à agir.
A.B. - Il faut augmenter le montant des aides, les mettre au moins à un niveau minimum, comme le SMIC, il n’y a pas de raison ! Les places en établissement manquent, les ESAT [5], etc. Il y a une très forte demande et il n’y a pas de place. Il y a des gens qui sortent du système scolaire et qui ne peuvent pas être insérés en milieu ordinaire de travail, et il n’y a pas de place pour eux dans les CAT [6] et les ESAT...
Y.B. - Et même aussi pour les enfants...
A.B. - On a supprimé des milliers d’Auxiliaires de Vie Scolaire, ça manque terriblement et maintenant on essaie de trouver d’autres palliatifs... Pourtant ces personnes commençaient à être un peu rodées, on a arrêté parce que leurs contrats étaient pour deux ans.
Y.B. - Et puis y a les transports...
A.B. - Pour les transports, l’accessibilité est reportée en 2015, mais on sait qu’en 2015 ce ne sera pas fait, les établissements publics ne seront pas tous accessibles... Il y en a des problèmes, ça ne manque pas !
Propos recueillis par Dagmara Marciano et Karine Miceli
Photographie : D. Marciano
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