Entre mots et maux
Joëlle Scalas, une jeune femme âgée aujourd’hui de trente-trois ans a, par son courage et sa ténacité, surmonté son handicap. Elle est née IMC (Infirme Moteur Cérébral). Dès sa naissance, ses parents l’ont placée dans des familles d’accueil. Avec dignité, elle a bien voulu relater son intégration dans un centre spécialisé dont elle est pensionnaire depuis l’âge de trois ans.
Ils ont du mal à vivre mon handicap. Je n’ai pas eu beaucoup de contacts avec ma famille. Plus jeune ils m’ont placée chez des familles d’accueil... Très, très tôt. J’ai essayé de vivre ma vie du mieux que j’ai pu. J’ai tellement eu l’habitude de me débrouiller toute seule que je ne voudrais pas de leur aide maintenant. Parfois j’en souffre, mais heureusement que je m’entends très bien avec mes amis. Je remercie d’ailleurs l’institution de créer des centres comme celui-là : cela nous change les idées et nous voyons du monde.
Dans le centre Bellevue, nous avons beaucoup d’activités. Moi j’aime surtout écrire des poèmes pour essayer de faire passer des messages qui me tiennent à cœur.
Nous faisons souvent appel aux transports spécialisés. C’est très difficile et en plus, ils sont rarement disponibles : c’est par exemple l’horaire qui ne convient pas, ou alors on nous répond souvent par la négative pour une autre raison. On m’a souvent répondu : "Mais jusqu’à quelle heure voulez-vous sortir ?" Comme si les handicapés ne pouvaient plus sortir au-delà de 21h. D’ailleurs je suis très en colère à ce sujet. Je ne sors pas souvent, mais d’après ce que je constate en ville, je trouve que Marseille n’est pas du tout adaptée aux personnes handicapées. Seulement quelques trottoirs sont aménagés.
J’ai essayé d’exprimer mon mécontentement, mais le résultat n’est pas satisfaisant. Je vais d’ailleurs vous donner un exemple récent : pour les transports, par exemple, on nous dit : "C’est d’accord, mais si vous n’êtes pas contents, vous allez chercher ailleurs". Malheureusement nous n’avons pas trop le choix : dans la région, les transports adaptés sont limités. Comme c’est la Mairie qui gère ce problème, je pense qu’il y a encore beaucoup à faire.
Ce n’est pas le handicap qui bloque vraiment, mais c’est l’institution en elle-même. Néanmoins, on peut avoir une vie sentimentale.
Entre handicapés nous nous entendons très bien, mais moins avec les valides.
Les gens vous dévisagent. Même les IMC, ils nous font passer pour des débiles mentaux. Moi je ne suis pas comme ça. Je pense que l’on ne parle pas assez du handicap, donc je laisse les gens parler, je les écoute... De toute façon il faut toujours combattre.
Je constate que peu de choses ont été réalisées pour nous faciliter la vie. Vivre en appartement ou en pension devient de plus en plus difficile par manque d’aménagements. Et très vite on est découragé, et c’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai dà » renoncer à avoir des activités extérieures.
J’adore les animaux, mais comme mon handicap ne me permettait pas d’aller assez vite, on n’a pas voulu me garder. J’ai voulu faire aussi de l’équitation, mais cela me coà »tait très cher.
Pour certains organismes, des fauteuils comme celui-là c’est du luxe. Dès qu’on veut par exemple un dossier inclinable, le coà »t est élevé et il faut vraiment trouver des astuces... Mon fauteuil est totalement remboursé, mais seulement je n’ai pas de phares...
Je demande aux valides de nous faire une place dans la société car, croyez-moi, nous n’avons que plus d’humanité.
Propos recueillis par Joseph Ouazana le 07/10/04 au Mas Bellevue.
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