Limitation du travail pour une jeune diabétique insulino-dépendante
Rachida, jeune travailleur handicapée subit un système encore inadapté à sa maladie. Face à l’impossibilité physique de travailler à plein temps, se contentant d’un salaire qui la maintient dans une précarité, sans véritable aménagement spécifique dans sa prise de poste, elle souhaiterait que la société propose plus de solutions pour les personnes dans la même situation qu’elle.
Handimarseille. - Est-ce que vous pouvez vous présenter ?
Rachida Berghout. - Je m’appelle Rachida Berghout
H. - Quel est votre handicap ?
R.B. - J’ai un diabète depuis que je suis toute petite avec des complications, c’est plus un handicap au niveau du quotidien, qu’un handicap qui me touche corporellement. C’est un état de santé que je ne peux pas prévoir et c’est un peu compliqué.
H. - Comment se sont déroulées vos études par rapport à cela ?
R.B. - J’ai eu un cursus normal. j’ai fait des études de secrétariat - commerce, j’ai fait un Bac tertiaire, tout ce qui est gestion d’entreprise.
H. - Avez-vous eu des aménagements spécifiques pendant vos études ?
R.B. - Non, pas du tout. C’était juste un suivi médical régulier sinon je n’ai pas eu d’aménagement spécial.
H. - Parlez-nous de votre premier emploi. Comment l’avez-vous obtenu ?
R.B. - J’étais suivi par un organisme qui s’appelait "Mission Emploi Formation" et qui m’a accompagnée pendant plusieurs mois. Je n’ai obtenu que des contrats aidés en fait.
H. - Comment s’est passé l’entretien d’embauche de votre premier emploi ?
R.B. - Très bien, rapide...C’était un emploi d’agent d’accueil donc il demandait juste une bonne présentation, une bonne élocution, une certaine manière de s’exprimer donc je me suis présentée au directeur et ça a été très simple. Il m’a demandé ce que je savais faire, quand j’étais prête à commencer. J’ai démarré, mais après j’ai eu des soucis d’arrêt maladie. Je n’ai fait que 6 mois de contrat dont 2 en maladie. Du coup, ils ne m’ont pas renouvelée. Ça a été mon premier emploi mais ça m’a fait une petite expérience pour la suite.
H. - Aviez-vous communiqué sur votre handicap dès l’entretien ?
R.B. - J’ai communiqué sur mon handicap parce que j’étais obligée, comme je fais des hypoglycémies et que je suis obligée de m’arrêter de travailler pendant 15-20 minutes voire plus. Donc j’étais obligée de le signaler au cas où il y aurait un problème, un malaise, afin que les personnes sachent quoi faire.
H. - Comment s’est passée la prise de poste, avez-vous eu un aménagement spécifique ?
R.B. - Juste par rapport à ça, à avoir un peu plus de pauses et si je ne me sens pas bien, d’avoir la possibilité de m’arrêter quelques minutes, quitte à rattraper le temps perdu plus tard. C’est le seul aménagement.
H. - Concernant les emplois que vous avez eu par la suite, avez-vous été confrontée à des problématiques liées à votre handicap ? Si oui, lesquelles ?
R.B. - Justement les arrêts maladies. Comme c’est un diabète insulino-dépendant - c’est à dire traité par l’insuline - et qui nécessite un suivi vital très régulier et très strict, ainsi qu’un mode de vie très équilibré, ce qui n’est toujours pas le cas pour le moment. Mais les complications, on ne peut pas les éviter, tout ce qui est au niveau visuel, au niveau des opérations chirurgicales, au niveau des allergies. Il faut savoir que quand on a une maladie chronique, on a beaucoup de complications à gérer et il y a des états qu’on ne peut pas prévoir, des choses qui arrivent inévitablement, qu’on ne peut pas calculer d’avance.
H. - Quelles conclusions en tirez-vous ?
R.B. - Les conclusions que j’en tire, c’est qu’il n’y a pas de solutions par rapport aux personnes comme moi, qui ont un handicap léger et qui souhaitent quand même continuer à travailler. Moi actuellement, je ne peux occuper que des emplois à mi-temps, il m’est très difficile de travailler à plein temps parce que je n’aurais pas le temps à côté de gérer mon état de santé et mon suivi médical. C’est surtout par rapport à ça. Il n’y a pas de solution à ce jour. Je suis reconnue comme handicapée depuis mes 18 ans, je l’étais déjà durant ma scolarité, et je vois que là depuis 10-15 ans, ça n’a pas beaucoup changé. Je ne parle pas par rapport aux personnes qui sont comme moi, qui souhaitent quand même travailler, qui ont un handicap mais qui ne les gêne pas pour travailler.
H. - Lors de vos périodes d’inactivités avez-vous bénéficiez d’un accompagnement à l’emploi ?
R.B. - Ça dépend. J’ai eu des opérations lourdes donc j’ai été obligé de suspendre mon accompagnement à l’emploi, vu que je ne pouvais pas occuper un poste de suite. Ça peut être suspendu deux voire trois mois, surtout si c’est suite à une opération, il y a la rééducation derrière, il y a le repos pour cicatriser...Ça prend du temps.
J’ai toujours été suivie par contre. Je n’ai pas lâché mais c’est vrai que si j’ai une proposition et que j’ai un problème médical à côté, l’accompagnatrice à l’emploi ne peut pas me contacter, je ne peux pas postuler pour ce poste parce que je ne suis pas opérationnelle de suite. C’est un handicap au niveau de la personne et du travail.
H. - Quels conseils donneriez-vous aux jeunes en situation de handicap qui espèrent décrocher un premier poste ?
R.B. - Je leur souhaite bon courage parce que ce n’est pas facile surtout la première fois. Il ne faut pas qu’il soit gêné d’expliquer ce qu’est leur problème. C’est important que les personnes avec lesquelles ils seront amener à travailler, soient au courant de leur état de santé et qu’elles sachent quoi faire en cas de problème. Les jeunes qui ont un handicap et qui souhaitent quand même travailler, il faut qu’ils sachent que ça se base surtout sur les compétences de la personne, ça ne se base pas sur son état de santé ou sur d’autres choses donc qu’ils se présentent pour un poste, comme une personne ordinaire et qu’ils ont les mêmes chances que les autres.
H. - Quel message souhaiteriez-vous faire passer aux employeurs qui vont embaucher un travailleur en situation de handicap ?
R.B. - Tout dépend du handicap de la personne, déjà qu’ils lui donnent la chance de faire leurs preuves, de montrer ce qu’elle sait faire. Faut qu’ils se basent eux-aussi sur la compétence de la personne, qu’ils ne jugent pas sur le physique ou sur les apparences. Il faut qu’ils aient le même regard qu’avec les personnes valides.
H. - Y a-t-il un sujet qui n’aurait pas été abordé et dont vous aimeriez parler ?
R.B. - Je voudrais que les personnes qui s’occupent de nous, pas seulement la MDPH ou les personnes qui s’occupent de l’emploi des personnes handicapées, qu’elles trouvent des solutions par rapport aux personnes qui ne peuvent pas travailler à plein temps. On ne nous propose jamais des CDI, peut être qu’ils ont peur que l’on meurt demain. En tout cas, notre handicap nous, nous l’avons en CDI. Est-ce qu’on est résigné à faire un mi-temps et à avoir un salaire précaire, dans ce cas-là , si on veut travailler à plein temps, notre état de santé ne nous le permet pas. Dans mon cas, je ne vais pas rester sans travailler parce que j’aime ça travailler, participer aux choses, avoir l’impression de servir à quelque chose, d’avoir un rythme de vie, un équilibre, tout ça... On en a besoin quand même, mais il n’y a pas de solutions c’est-à -dire que là , quand je travaille à mi-temps, je n’ai plus les aides à côté et rester sans travailler et vivre avec le RSA, ce n’est pas possible non plus. Dans ce cas-là , c’est quoi la solution ? Je souhaiterais que les institutions qui s’occupent de ça, essaie de trouver une solution.
Propos recueillis par Yoann Mattei
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