Noémie, 15 ans, Infirme Moteur Cérébrale.
Noémie est aujourd’hui en Seconde, option Histoire des Arts. Son quotidien a dà » être façonné au gré d’une infirmité motrice cérébrale (IMC). Ça ne l’empêche pas d’être une ado comme les autres, qui ne se laisse pas enfermer dans le carcan du handicap. S’il ne lui permet guère de parler, Noémie ne s’en laisse pas conter pour autant. Quand elle ne veut pas quelque chose, ça se voit tout de suite. Quand elle n’est pas contente aussi...
« Vous voyez comment ça marche ? Ça va vite ! ». La maman de Noémie nous fait la démonstration des modes de communication avec sa fille. Noémie peut à peine articuler quelques mots, mais elle sait très bien se faire comprendre. Hochements de tête, avant, arrière, quelques oscillations de droite à gauche. "Un peu" est prononcé.
Née en Bourgogne, Noémie est venue vivre à Aix à l’âge de six ans, ville qu’elle préfère à sa région natale : « C’est à cause de ça qu’on est descendus, et qu’on s’est installés ici à Aix-en-Provence. Ça lui a beaucoup plu, il fait chaud ! ». C’est aussi une région-pilote pour les auxiliaires de vie scolaire, ce qui a motivé le départ de sa famille. Car, après un lourd combat mené par sa mère contre les administrations et leurs préjugés, l’adolescente évolue depuis toujours en milieu ordinaire : le tout étant d’obtenir l’aide et l’assistance nécessaires aux contraintes que pose l’IMC. Hors de question de baisser les bras ! Mère et fille n’ont eu de cesse d’aller de l’avant, et récoltent les fruits de leurs efforts.
« La parole n’était pas là . On ne savait pas tout ça. À six mois, elle a été en crèche collective, une très jolie crèche. Elle a eu quelqu’un pour s’occuper d’elle, personnellement, et elle est rentrée en maternelle, à trois ans et demi. Depuis, elle est en milieu ordinaire. Pour l’entrée en primaire, on nous a imposé des tests... Les examens se passent à l’oral. Pour le français, on peut encore se débrouiller, mais il faut avoir énormément l’habitude, et les autres matières ce sont des QCM, très sophistiqués. ».
Un rare cas d’intégration
Noémie a eu son brevet l’an dernier. Elle est maintenant au lycée. L’aide n’est pas qu’humaine : l’informatique, notamment, a facilité sa scolarité. Elle avait un bureau "œspécial", avec une encoche. Il y a deux ans, elle a dà » changer de système informatique. Elle écrivait sur l’écran au moyen d’un clavier virtuel et tapait sur un bouton pour écrire. C’était évidemment très long, et elle s’est abimé les deux épaules. Médicalement, c’est donc fini. Aujourd’hui, elle utilise HeadMouse Extreme, un laser, en fait, très compliqué à l’usage, long à mettre en place.
Pour autant, l’outil informatique n’a pas changé sa vie et l’interface informatique n’est en rien indispensable pour créer du lien. Noémie est très bien intégrée, elle a un petit cercle d’amis, des amis « sà »rs », et des contacts directs avec eux. Elle fait des sorties à Aix, en fauteuil, accompagnée de son AVS. Pour elle, les plus jeunes ne savent pas toujours comment se comporter. « Les enfants qui la connaissent très bien, qui ont grandi avec elle, n’ont aucun problème. Les autres apprennent... » Ce qui ne l’empêche pas de rêver, comme beaucoup d’autres adolescents, d’installations pour son Mac, pour enfin connaître les joies des réseaux sociaux et du web.
Ses matières préférées ? « Le français. L’anglais, moyen... L’Histoire-Géo (surtout la géo) et l’Histoire des Arts ». Noémie voudrait être architecte. Ça lui plaît beaucoup. Depuis très longtemps. Elle aime la ville et la vie, et participe à toutes les activités : cinéma, musée, voyages de classe. Le bémol porte sur les activités en pleine nature : les pique-niques, par exemple, c’est compliqué et la nature, c’est pas son truc. Elle ne s’y sent pas en sécurité.
Une ado comme les autres ?
Le regard des gens n’est pas vraiment un problème. « Il y a ceux qui sont vraiment hostiles, et il y a ceux aussi qui ont peur. Ceux qui sont vraiment hostiles, on les fréquente pas. Ceux qui ont peur, en les fréquentant, il y a une chance pour qu’ils changent complètement d’orientation et très vite. J’ai déjà vu ça ! » et si Noémie a eu quelques appréhensions lors de son entrée au lycée, là où les élèves ne la connaissaient pas encore, rares sont ceux qui lui sont restés étrangers. Quant à elle, son handicap lui semble plus acceptable que pour une personne accidentée : elle, est née comme ça ; l’autre n’y est pas prêt psychologiquement.
Bien sà »r, la vie n’est rose pour personne. Des difficultés, il y en a. Mme Taillandier, sa maman, comme tant d’autres, bataille contre le manque de moyens : pas de formation pour les logiciels à installer, le matériel adapté n’est que trop rarement financé, les ergothérapeutes à peine remboursés...
Ce qui préoccupe surtout Noémie, c’est l’avenir : les moyens pour subvenir à ses besoins, vivre de façon autonome avec un appartement à elle et son petit copain. « C’est logique et c’est pour tout le monde pareil ». Elle appréhende un peu cette vie d’adulte, séparée de ses parents, d’ores et déjà vécue comme une adulte. Elle s’intéresse à la politique et suit avec attention les débats que la télévision diffuse, débats desquels sont souvent absents ou à peine survolés lorsqu’ils sont évoqués, les problématiques liées au handicap, les financements et les autres types de moyens mis en œuvre pour faciliter la vie des personnes personnes en situation de handicap et favoriser leur intégration dans la vie de tous les jours. Rien n’est mis en place et ça, ça la révolte. Elle aimerait que sa maman se repose et souffle un peu. Elle le lui dit souvent. « Des fois, on se dit qu’on va trouver une famille d’accueil, ne serait-ce que pour une après-midi ». Ce sont ces choses qui la blessent. Le contenu des programmes ne reflète en rien son quotidien. C’est absent, c’est tout le temps absent des contenus des émissions ou alors c’est très ponctuel, trop... Rien n’est fait. « Je pense que rien n’est fait... Je ne sais pas, c’est moi qui parle, là , chérie, je sais pas si ça résume ce que tu penses ? ». Alors peut-elle avoir confiance en la société ? Quelle approche en a t-elle en dehors du cercle familial et amical ? Les questions sont quelques fois stupides, quand même... « Quand on la voit, on pense qu’elle n’a rien dans la tête. On use d’un ton mielleux, un peu. Comme si elle avait trois ans ». Ça, elle doit le vivre aussi. Alors est-elle optimiste quant aux changements supposés suite à la loi de 2005 ? Pas vraiment. Réaliste. Réaliste et un peu révoltée, parce qu’elle sait tout ça. Un point de vue légitime et autant de revendications : « Elle est citoyenne. Elle s’est présentée aux élections, déjà . Au niveau d’Aix ». Bonne élève et citoyenne exemplaire. Les réseaux sociaux aussi. Surtout. Avec un petit coup de main pour « installer tous ces trucs », communiquer et être en contact avec ses amis. L’appel est lancé !
Propos recueillis par Karine Miceli. Photo Karine Miceli.
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