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L’humour citoyen de "La bande à Ed"

"On parle beaucoup de handicapés mais on n’en montre jamais !" lance un élève lui-même handicapé à son instituteur. Cet ancien instituteur, aujourd’hui auteur et surnommé Geg, a relevé le défis en créant avec le dessinateur Jak la première BD dont le héros est un jeune handicapé. L’humour pratiqué et revendiqué par l’auteur c’est l’ humour citoyen, celui qui amène le lecteur à se questionner, à modifier son regard, sa manière d’être à l’autre, au monde. Son cheval de bataille, parler et rire de la différence pour briser l’indifférence !

L'humour citoyen de "La bande à Ed"

Handimarseille - Est-ce que vous pouvez vous présenter ?

Geg - Je suis Georges Grard. Dans la bande dessinée, on m’appelle Geg. Je suis auteur de bandes dessinées, j’en ai fait une quinzaine. Je suis également auteur jeunesse et auteur de romans.

H. - Vous êtes le scénariste de la bande dessinée « La bande à Ed » ?

Geg - Je suis le scénariste de la bande dessinée « La bande à Ed ». Un jour, quand j’étais instituteur -j’ai démissionné l’an dernier seulement- un enfant de ma classe est arrivé en fauteuil roulant - c’était un nouvel élève - et au bout de quinze jours, il a été obligé de quitter l’école parce que son fauteuil n’arrivait pas tout seul au premier étage. Il n’y avait pas de place au rez-de-chaussée donc il y avait un problème de sécurité... Et l’enfant avant de partir - il s’appelait Adrien - m’a dit : "œtu sais, on parle beaucoup de nous les handicapés mais on ne nous montre jamais" . Ça n’existait pas une bande dessinée qui présente des gamins un peu différents.

H. - Et vous êtes parti d’emblée dans la bande dessinée ?

Geg - Oui, d’emblée. J’ai lu quelques livres en littérature jeunesse, qui traitaient du handicap et des différences, mais en bande dessinée... Mis à part Daredevil qui était aveugle et le Professeur Xavier dans X-Men, il n’y a pas de bande dessinée traitant du handicap, et encore moins dans le domaine familial. Donc, je me suis dis que j’allais créer la première bande dessinée avec un héros handicapé moteur. Et puis, je me suis aperçu que quand on est un héros du quotidien, on a besoin d’amis qui allaient tous en plus avoir une problématique. Celle de Sam, le petit Antillais, enfin le gros Antillais, c’est d’être obèse ; Gad, le petit maghrébin, lui souffre de nanisme ; Chang l’asiatique, est malvoyant. Et puis je parle aussi du handicap invisible avec Tommy. Il est un petit peu décalé et déficient dans sa tête. Et puis évidemment, je lui ai agrémenté un bonbon sucré, une "œnanamoureuse" , c’est Katy. Elle est belle, c’est la plus belle de la cité et elle est amoureuse de Ed, le petit héros en fauteuil roulant.

H. - Et de quelle manière vous les mettez en scène ?

Geg - Je les mets en scène de façon joyeuse, c’est une bande joyeuse, espiègle. Je veux qu’à la lecture des trois tomes, on puisse se dire quand on est gamin : ça c’est les copains que j’aimerais avoir. Et puis quand on est adulte qu’on se dise : ça c’est les enfants qu’on pourrait avoir !

H. - Vous les confrontez à diverses situations, est-ce que vous pouvez nous expliquer ?

Geg - Oui, je les confronte à toutes les situations. Dans le tome 1, je présente leur problématique, c’est-à -dire les problématiques d’accessibilité, du regard de l’autre, du vivre ensemble, et ça se passe par planche ou double planche. Alors que dans le tome 2, je parle des problématiques de sport, de transport, puisque je fais partir toute la bande une semaine en vacances. Dans le tome 3, le thème, c’est le vivre ensemble au sein de la cité.

H. - Qu’avez-vous envie de défendre avec cette BD ?

Geg - Moi j’ai pris le handicap de façon très naturelle. Je suis le handicapé de demain. Pour moi, ce sont des handicapés qui assument leur handicap, qui vivent naturellement avec leur handicap et qui ne vivent pas uniquement ensemble mais avec les autres.

H. - Vous utilisez l’humour et la dérision dans vos BD, est-ce qu’on peut rire de tout ?

Geg - On peut rire de tout ? Je ne sais pas. J’essaie de rire de tout mais j’ai toujours une dimension humaniste, alors quand je pense que ça choque ou que ça provoque l’autre ou les autres, j’essaie de réfreiner mon humour. J’évite de choquer avec mon humour. Mais il y a des gens qui réussissent à choquer avec leur humour et à faire rire. Ce n’est pas mon cas, j’évite de choquer l’autre. Mon truc, c’est faire rire pour faire réfléchir. Pour moi, le meilleur humour c’est l’humour citoyen et je pense que « La bande à Ed », ça joue sur l’humour citoyen.

H. - L’humour vous permet de faire passer quel message ?

Geg - Avec l’humour, on fait tout passer. Quand je trouve un bon mot, comme par exemple lorsqu’ils font un groupe de rap, ils vont s’appeler "œLes bandits capés" parce qu’ils se mettent une cape. Mais derrière il y a toute une insolence. Quand Sam se présente, il se présente en rap : « ouais, je suis toujours en surcharge - ma taille est extra large - je supporte plus les regards - de tous les gens standards - alors comment perdre ma graisse - mais comment perdre ma graisse - et comment rendre grâce - à mon envie d’espace... » Voilà je joue sur les mots, sur les formules et en même temps, avec le message graphique, il y a une dimension humoristique inévitable. Et ce message, c’est Jak le dessinateur qui l’apporte. Mais, quand on fait « La bande à Ed », moi je l’écris et Jak il la surdimensionne. Donc on est à 50-50 dans le succès de cette série.

H. - Et les écueils qui sont à éviter seraient lesquels ?

Geg - Je ne veux pas qu’une personne en situation de handicap puisse se dire : Oh la ! là je suis en échec. Donc moi, il faut qu’à la suite de mon humour, la personne qui a un handicap se dise : voilà , je suis en réussite. Quand j’écris, je veux placer Ed et la bande en situation de réussite. Donc ils ne seront jamais ridicules. Si on me pointe en ridicule de « La bande à Ed », je me dis que je suis en échec d’auteur. C’est très rare mais quelquefois, je m’autocensure en me disant : "œtiens un handicapé ne peut pas le faire ça" , ou que "œça ne peut pas fonctionner avec la bande" . Alors des fois, je rends ridicule celui qui a un mauvais regard sur le handicap, je rends ridicule celui qui a une méchanceté, une violence, par rapport à la bande. Là , ça ne me dérange pas de pointer là où ça fait mal.

H. - Quel est votre public, qui lit votre BD ?

Geg - J’ai un public complètement familial. On a vendu quand même 70 000 exemplaires de « La bande à Ed », c’est un public familial, qui touche les gamins à partir du CE2, fin CE1 début CE2 jusqu’aux adultes. Je n’ai pas écrit pour le monde du handicap, soyons clairs. Le monde du handicap, je pense qu’un gamin en fauteuil roulant connaît les problématiques d’accessibilité, par contre il va être content qu’un héros de bande dessinée lui ressemble. J’ai écrit pour les valides, qu’ils se disent : tiens, c’est vrai, quand on transforme un trottoir en "œcrottoir" et qu’un handicapé quand il passe, il s’en met plein les mains, il s’en met plein les roues. Un aveugle, il marche dedans... peut-être qu’on peut enfin se mettre à penser au caniveau ou mieux se mettre à ramasser !

H. - Vous avez également sorti en 2009 un jeu avec vos personnages qui s’appellent "œLes Handispensables" , quelle était l’idée de ce jeu ?

Geg - En fait je l’ai fait en partenariat avec Benoît Carpier qui avait fait un jeu sur le handicap, qui s’appelait "œKeski" . L’idée de ce jeu était très simple, on me demandait un prolongement un peu didactique, pédagogique, de « La bande à Ed ». "œLes Handispensables" , c’est un quiz avec des cartes "œaction" et des cartes "œconnaissance" sur tous les handicaps. On y aborde le handicap visuel, sensoriel, moteur, psychique, mental, invisible... tous les dysfonctionnements en fait. Et on peut les aborder sous forme de questions-réponses.

H. - Avez-vous le projet de faire de Ed et sa bande des héros de dessin animé ?

Geg - « La bande à Ed » devrait déjà être en dessin animé. Le problème c’est qu’aujourd’hui la BD est sortie et on ne le trouve quasiment pas en librairie alors qu’on en est à 70 000 ventes. On a eu des prix nationaux... mais ça ne fonctionne pas avec les libraires. Pourquoi ? Parce que « La bande à Ed » est chez Grr...Art Éditions et Grr...Art Éditions est un éditeur indépendant, donc le système de la diffusion et distribution ne lui permet pas d’être partout. Et quand je me dirige vers France Télévisions ou vers des maisons de production pour que « La bande à Ed » soit en dessin animé, on ose me répondre que ça sectorisait les enfants, que « La bande à Ed » était segmentaire et qu’on ne s’y retrouverait pas ! Les aficionados de « La bande à Ed » me demandent tous les jours la même chose : à quand un dessin animé ? Mais qui aura le courage, la volonté... qui aura l’intelligence d’apporter les moyens pour que « La bande à Ed » soit un dessin animé. Nous on est prêts avec Jak.

H. - Est-ce que vous avez d’autres projets d’écriture en lien avec le handicap ?

Geg - Là , je viens de sortir une bande dessinée sur Alzheimer, qui s’appelle « En direct d’Alzheimer ». C’est une BD, qui n’est pas humoristique. C’est une BD qui est informative ; apprendre, comprendre et conseiller sur la maladie d’Alzheimer. Et aujourd’hui, je reçois une nouvelle bande dessinée sur la maltraitance. Ça va s’appeler « Les aventures de Proutman ».

H. - Si vous aviez un message à faire passer aux lecteurs d’Handimarseille, ce serait lequel ?

Geg - Je suis fier de passer à Handimarseille, parce que j’ai eu un oncle marseillais handicapé qui avait les bras atrophiés, et quand j’étais minot, tous les mois d’aoà »t, j’allais passer mes vacances dans ma famille maternelle à Marseille. Quand on se promenait, ce qui me choquait, c’était le regard des autres. Ils se détournaient parfois devant le handicap de mon oncle. Parfois, le handicap fait peur en terme de visuel ou on essaye d’être indifférent, ou parfois il y a de la violence, il y a du mépris...
Si j’ai un message à faire passer, c’est : voir, vivre le handicap de façon naturelle. Vivre ensemble en prenant en compte la différence. Vous savez, j’ai écrit 45 livres et je me suis aperçu qu’il y en avait une trentaine qui traitaient de la différence. Mon cheval de bataille c’est parler de la différence pour combattre l’indifférence.

H. - Je vous remercie.

Geg - Merci à vous surtout.

Propos recueillis par Yoann Mattei


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