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Marc Mollo : en transat, sans fauteuil.

Voiles au large est une association qui propose de faire découvrir le monde de la voile à tous les publics, valides ou non.
Nous nous sommes rendus à la base nautique du Roucas Blanc, lors de la journée porte ouverte de l’association pour y rencontrer Marc Mollo, "œaccidenté de la vie" , qui initia ce projet il y a 15 ans.
Pour lui, rien n’est impossible tant qu’on ne le met pas en situation d’échec : « on peut traverser l’Atlantique sur un bateau aménagé mais on ne peut pas monter une marche de 20 cm tout seul ».

Marc Mollo : en transat, sans fauteuil.

HandiMarseille - Quand avez vous créé l’association Voiles au large ?
Marc Mollo - Il y a une quinzaine d’années, on a rencontré le directeur d’ici, qui a tout de suite été à l’écoute de notre discours : le handicap est dà » en fait à un manque d’aménagement et non à un problème physique. Le handicap ça peut être une personne âgée qui ne peut pas monter les escaliers, ça peut être une femme enceinte qui n’arrive pas à monter avec sa poussette. Ces personnes subissent un handicap.
Pour les personnes handicapées qui souhaitaient faire de la voile, le problème était que l’accès n’a pas été préparé et elles n’y allaient pas ; il y a une douzaine d’années c’était pas du tout accessible, il n’y avait pas de toilettes accessibles, il n’y avait pas de vestiaires accessibles, les pontons n’étaient pas accessibles, donc évidemment il n’y avait pas de personnes handicapées non plus. Depuis que nous nous sommes installés, ils ont aménagé petit à petit et aujourd’hui il y a plein de gens qui viennent parce que c’est facile.
Donc en 94, on a été un peu précurseur par rapport au handicap : on ne demande à personne de faire un miracle, tout ce qu’on demande c’est de ne pas nous mettre en situation d’échec et donc après chacun fait avec son handicap et il fait comme il peut, d’accord ? Et on a pour preuve les gens qui sont très lourdement handicapés, lorsqu’ils sont dans un immeuble qui est aménagé et bien, ils vivent leur handicap très bien, ils ne se sentent pas handicapés, ils ont un problème physique, basta. Le but du jeu étant de ne pas handicaper encore plus les personnes handicapées, voilà . Et on a rejoint par cela la définition de l’OMS sur le handicap, on a été précurseur parce qu’aujourd’hui l’Organisation Mondiale de la Santé dit exactement la même chose, en disant que le handicap n’est pas une déficience individuelle, il résulte d’un environnement mal adapté. Ça on avait mis le doigt en plein dessus, en disant mais attends moi je demande aucun miracle, je ne demande pas que tu me rends mes jambes. Je ne demande pas non plus le côté misérabiliste, OK ? Ce que je veux, c’est être autonome et vivre avec mon handicap. Voilà c’est tout ce que je veux, je réclame le droit de vivre en tant que citoyen comme tout le monde. Alors que dans beaucoup de lieux publics, ce n’est pas encore vrai, et Marseille pour information a reçu le bonnet d’âne de la ville la moins accessible de France. Voilà , donc ils font des efforts avec nous mais ils en ont encore beaucoup à faire dans l’accueil, les structures, l’accessibilité à la ville... Aux transports en commun, là maintenant ils ont fait un effort sur Marseille.

H - Avec le tramway ?
M.M. - Voilà . À Paris, pour moi ça a été beaucoup plus facile. Ou lorsque vous allez à l’étranger, je suis allé dans les pays nordiques alors c’est extraordinaire : à Stockholm il y a des places réservées à tous les coins de rues et personne n’oserait prendre une place réservée.

H - Les places réservées ne sont pas respectées ici ?
M.M. - Non. Ca commence à venir, un peu plus. Il y a 14 ans, c’était n’importe quoi. Il y avait beaucoup moins de places et qui plus est, tu avais toujours un imbécile qui te disait : « J’en ai pour 3 minutes ! »

H - Tout comme vous...
M.M. - Et ça c’est une mentalité, et la mentalité c’est dà » au gens, c’est dà » aussi aux politiques parce qu’ils ont pas un discours clair. Et depuis, ils ont fait des efforts c’est sà »r mais je pense que la France, et bien sà »r Marseille, est toujours en retard sur les mentalités.

H - C’est l’éducation commune...
M.M. - En France, malheureusement comme ils n’ont pas adopté cette définition de l’OMS sur le handicap, ils partent du principe qu’il faut surprotéger les personnes handicapées. Et en les surprotégeant, c’est l’effet inverse qu’ils produisent.

H - Et on les mets un peu de côté...
M.M. - Mais oui... parce que les personnes handi ne veulent aller que chez les handi. Parce qu’elles savent au moins qu’il va y avoir un chiotte accessible, que l’accès ça va être pensé et donc elles vont que dans des endroits où il y a que des personnes handicapées. Et ça c’est pas du tout de l’intégration...

H - Et la mixité ? C’est quelque chose d’important ?
M.M. - La mixité, c’est essentiel. Au départ, on était à Handisport, Handisport Marseille Provence, etc. Mais malheureusement, il y a 15 ans, ils avaient une politique qui tendait à les confiner entre eux, c’est à dire de ghettoà¯sation, je suis désolé mais le mot il est là .
C’est bien, c’est vrai que quelque part, tu te sens un peu rassuré de voir seulement des gens handicapés parce qu’au moins tu n’auras pas de surprise. Mais en même temps, c’est pas l’ouverture du tout. Et donc, il y a 15 ans j’ai voulu créer une structure voile au sein de Handisport en disant : « non mais moi je veux des valides, je ne veux pas avoir que des personnes handicapées qui viennent faire du sport, c’est pas possible ! »

H - Donc c’est réellement une volonté, et non par obligation ?
M.M. - C’est une volonté et puis c’est une connaissance de son propre handicap qui fait que tu vas aménager par exemple un bateau. C’est difficile d’aménager un bateau. Tu vas l’aménager de manière à être autonome et le but du jeu, il est là . Et donc la première traversée de l’Atlantique qu’on a faite, c’était en 2000 avec un équipage handi-valide, il y avait 3 personnes valides à bord et 2 personnes handicapées, Philippe et moi.

H - Philippe, c’est la personne avec qui vous êtes à la base de cette association ?
M.M. - C’est moi qui l’ait créée cette association en ’94. Mais en ’94 j’avais pas trouvé l’aide du Centre Municipal de Voile (CMV) pour acheter un bateau. J’avais fait plein de demandes à plein de politiques. Ils m’ont tous refusé une place de bateau pour l’association. Et le directeur du CMV m’a dit OK, moi je te l’accorde à condition qu’il n’y ait pas dérives et que ce soit bien une structure associative que tu veux faire, que tu ne veux pas en profiter personnellement, d’accord ? Et à partir de là , tout s’est enchaîné. Il a aménagé petit à petit le CMV.
_ Nous on a aménagé le bateau de manière pragmatique, c’est à dire à force de naviguer. Jusqu’au moment où on est parti traverser l’Atlantique, 4 ans après. On a traversé l’Atlantique en démontrant que c’était possible d’aménager un bateau parce qu’à l’époque tout le monde disait que ce n’était pas possible. Ou alors les architectes farfelus partaient du principe qu’il fallait rester sur son fauteuil roulant pour naviguer. Et nous, on se sépare du fauteuil et on se déplace sur nos fesses parce qu’on met un espèce de harnais de protection et ensuite en mer on est complètement autonome, on se déplace sur le bateau et à l’intérieur du bateau vous allez voir tout est au même plan, il n’y a pas de dénivelé. Et donc on arrive à être complètement autonomes, c’était bien le but recherché, c’est de ne pas se sentir handicapé.

H - Aménager un bateau de cette façon doit demander de gros moyens ?
M.M. - Déjà cela demande une certaine originalité technique, essayer d’être observateur pour voir déjà ce qui existe sur le marché. Et donc moi j’ai la chance parce que j’ai une formation de technicien, j’ai travaillé à la COMEX pendant plus de 10 ans, donc je connais bien. Et à partir de ce moment-là , si tu es observateur, que tu connais les problèmes à régler et bien dans le commerce t’as plein de choses qui sont adaptées. Encore faut-il y penser si tu veux ? Après si t’as des idées un peu malignes, ça marche. Après les budgets suivent parce que ça ne demande pas forcément beaucoup d’argent pour aménager un bateau. Par contre, là actuellement on a dessiné un nouveau bateau de 14 mètres, qui est totalement novateur, qui a reçu le 1er prix du concours international de Venise en 2008, un concours architectural. On a cumulé toutes les idées qu’on a noté pendant 10 ans et qu’on a essayé en mer. Parce que le plus important c’est de les essayer, parce qu’il y a des idées qui marchent sur le papier mais après ça marche pas en mer. Ce ne sont que des idées simples. Et là j’espère que le projet va aboutir parce qu’il y a la région et le département qui ont déjà financé les 3/4 du projet.

H - Ça les intéresse...
M.M. - Bien sà »r. Si tu veux Voiles au large, c’est un outil qui permet de réfléchir...

H - C’est un laboratoire...
M.M. - ... voilà de comment aménager les choses, de comment appréhender le handicap, de comment faire pour que la personne handicapée ait un regard positif sur elle-même et pas négatif, parce que si tu as un regard négatif déjà sur toi, tu auras du mal à communiquer quelque chose de positif. Et bien la personne handicapée est dans la même situation que toi sauf qu’elle a un handicap visible, donc difficile à cacher. T’en as peut être un de handicap, mais je ne le vois pas.

H - Pouvez-vous nous donner un exemple de l’une de vos "œidées malignes" ?
M.M. - Par exemple ce qu’on a fait pour la mise à l’eau à l’arrière du bateau, c’est un toboggan qui bascule dans l’eau. Parce que la grande difficulté quand tu te retrouves en fauteuil roulant, c’est l’accès à la baignade. Il n’y a pas de plage accessible et encore il y a 14 ans il y en avait encore moins. Et en fauteuil roulant, tu ne peux pas rouler dans le sable, c’est impossible.
Donc on a eu l’idée de faire un toboggan qui bascule dans l’eau et où tu remontes sur la poitrine grâce à une échelle. Comme font les commandos marines, exactement pareil. Mais bon, il faut avoir une certaine autonomie dans les bras, c’est pas donné à toutes les personnes handicapées. À partir de là , nous l’avons fait sur le bateau, on l’a proposé à la ville de Marseille, ils l’ont mis sur la plage à David, il y a des marches d’escaliers, vous allez voir c’est exactement la même chose sur le bateau, des marches d’escalier qui descendent jusque dans l’eau, donc tu peux descendre les marches une par une sur les fesses. T’as besoin de personne parce que le grand problème quand tu vas te baigner, d’abord il faut arriver jusque dans l’eau et après il faut en sortir. Donc si tu veux pas traîner au sol... voilà ça c’est la solution. Ils l’ont adoptée il y a 10 ans à la ville de Marseille.

H - Donc vous êtes réellement un laboratoire qui développe des idées applicables par d’autres structures ?
M.M. - Oui bien sà »r, parce que nous connaissons notre problème, cela ne peut pas être pensé par un architecte naval ni un architecte en bâtiment.
Nous, oui nous servons de laboratoire bien sà »r. De toute façon, si la personne handicapée y arrive, toutes les autres y arrivent. Donc c’est vraiment ouvert à tout le monde.

H - N’importe quelle personne valide va, en vieillissant avoir besoin d’un aménagement adapté, tôt ou tard nous allons...
M.M. - ...subir un handicap, c’est clair. Mais c’est normal le laboratoire, regarde quand ils ont commencé à faire les portes automatiques, c’était pour les personnes handicapées et ensuite ils les ont installées dans tous les supermarchés. Ce n’est pas pour rien, c’est que les gens vont beaucoup plus vite, ils n’ont pas besoin de tirer etc. Donc oui, cela peut être bien pour tout le monde, pas forcément que pour la personne handicapée.

H - Oui mais il faut mettre deux mondes ou trois mondes ensemble ?
M.M. - Oui et surtout, il ne faut pas les couper, faut pas cloisonner. Alors la France a l’habitude de faire des tiroirs : toi t’es handicapé, tu vas là  ; toi t’es aveugle, tu vas là  ; toi t’es amputé, tu vas là . Et ça c’est stupide. Parce qu’au contraire, l’émulation vient de l’ensemble. C’est l’ensemble qui réfléchit en voyant, tiens lui il boîte comme ça peut être que si je mets pas cette marche comme ça, si je fais juste un plan incliné, ça emmerdera personne et il pourra la monter. Voilà après c’est une question d’intelligence de toute façon.

H - Vous avez des exemples de personnes que votre association aurait aidé à sortir de leur ostracisme ?
M.M. - Oui heureusement. Dès la première année nous avons commencé. Il y a donc plus de 10 ans. Le but du jeu étant que la personne accidentée ne devienne pas handicapée. Parce que le handicap, c’est dans la tête, c’est pas forcément physique. Et le soucis est que l’on veut tellement cocooner la personne handicapée, on veut tellement la mettre dans des tiroirs pour la protéger, que l’on obtient l’effet inverse. Nous, nous allons donc dans les centres depuis plus de 10 ans, en leur disant attention les mecs, ne devenez pas des personnes handicapées, des assistés. Regardez tout ce que vous pouvez faire de façon autonome, faites-le. Ne vous laissez pas porter par les choses. Parce que c’est facile, si je veux monter sur un bateau, c’est beaucoup plus simple que je demande à Mathieu qui est fort et costaud, de me prendre dans les bras et de m’y emmener plutôt que de le faire moi-même. Parce que je vais transpirer et je ne ferais pas d’effort. Si tu ne motives pas la personne, tu sais l’être humain moins il en fait, plus il est content. Donc nous on leur dit, bougez-vous un peu, arrêtez de pleurer sur ce que vous ne pouvez plus faire et regardez ce que vous pouvez encore faire. À partir de là , le message passe, ils se motivent, ils se donnent les moyens pour y arriver et du coup ils portent un regard sur eux-mêmes. Ce ne sont plus des assistés, ils sont autonomes. Ils vont galérer mais au moins ils y sont arrivés tous seuls. C’est essentiel.

H - Cet apprentissage ils le mettront en pratique sur d’autres aspects de leur vie ?
M.M. - Oui parce que je te donne un exemple concret : suite aux deux traversées de l’Atlantique, quand on va avec Philou et Papa Yves dans un hôtel ou un endroit qui n’est pas trop accessible et bien on se débrouille, on fait avec. On ne demande pas des aménagements spéciaux, cela devrait exister mais tu arrives à acquérir une certaine autonomie comme ça, tu arrives à être un peu imaginatif pour à chaque fois essayer de voir si toi-même tu arrives à dépasser l’obstacle. Bien entendu, s’il y a une marche de 20 centimètres... on peut traverser l’Atlantique sur un bateau aménagé mais on ne peut pas monter une marche de 20 centimètres tout seul. C’est con mais c’est comme ça. C’est à chaque fois le même dilemme. Parce qu’à chaque fois, il y a des gens qui me regardent bizarrement en me disant tu butes devant un petit truc comme ça. Ben oui, 20 centimètres tout seul en fauteuil, c’est absolument impossible à faire. Sauf si t’es un peu kamikaze.

H - Sinon quelles sont les activités principales de votre association ?
M.M. - On a plusieurs supports : on a 2 bateaux habitables pour la croisière dont l’Angiolina avec lequel on a traversé l’Atlantique. Ensuite on a des bateaux qui font 5 mètres où on monte en double, cela s’appelle des Neo 495, on les a acheté il y a peu. Et là c’est génial car ce sont des bateaux qui n’ont pas été faits pour la personne handicapée mais où il n’y a rien à adapter car cela a été bien pensé au départ : tu montes en double, côte à côte, le bateau est inchavirable, à la fois sportif et à la fois convivial. C’est à dire que tu enlèves le côté stressant de certains voileux, qui cherchent la performance. Là soit tu peux faire de la promenade, soit tu peux faire de la régate : il est parfaitement adapté aux deux. Donc cela plaît aux deux publics.
Sinon il y a les mini J qui ne peuvent pas sortir en dehors du bassin. Alors que les Neo, tu les peux sortir, aller au Frioul avec. Ce sont les bateaux faits pour Marseille !

H - Y’a-t-il beaucoup de jeunes, d’enfants ?
M.M. - Il y a toute sorte d’âges. On sort les enfants de Helio Marin : un centre de rééducation sur Hyères où il y a essentiellement des enfants. Une fois par an, au mois de Juin. Eux aussi, c’est toujours le même message et un regard positif. Mais avec eux c’est facile, parce que la plupart sont nés avec un handicap, ils ne pleurent pas sur eux-mêmes. C’est plus difficile pour le mec qui vient d’avoir un accident et qui tombe dans le monde du handicap.

H - C’est d’ailleurs votre cas ?
M.M. - Oui c’est le cas de nous tous, Philippe, Yves et moi. On a tous eu des accidents de circulation. Et dans les centres de rééducation, il faut savoir, enfin c’est ce que j’ai constaté, que 80% ont moins de 25 ans : ce ne sont que des jeunes. Plus la société évolue vers la technologie, plus ils sont jeunes.

H - Revenons à l’association : aujourd’hui vous avez organisé des portes ouvertes, y-a-t-il d’autres événements que vous mettez en place tout au long de l’année ?
M.M. - Oui on mène une activité régulière : on propose des sorties régulières le vendredi, samedi et dimanche. Sinon on propose des portes ouvertes au grand public, le trophée Vol au large pour qu’il ne soit pas effrayé par le handicap. On mène également des portes ouvertes réservées aux centres de rééducation, pendant un mois, pour faire passer toujours le même message sur le handicap et la vision positive qu’il faut avoir sur soi. Ensuite on organise des stages Neo tout l’été et une régate en septembre. Voilà on est assez complet.

H - D’ailleurs les personnes valides, qui sont-elles ? Comment sont-elles arrivées dans cette association ?
M.M. - Les personnes valides, soit elles font parties de l’entourage familial - mais ce n’est pas du tout la majorité - soit ce sont des gens qui ont adopté notre discours politique, qui adhèrent à ce discours d’ouverture.
Ils font du voilier ailleurs, ils sont tentés de venir faire de la voile avec des personnes handicapées, qui sont totalement autonomes et, qui plus est, se sentent utiles. Parce que quelques fois tu as besoin juste d’un truc qui n’est pas très loin et quand tu es en fauteuil, c’est quand même chaud sur le bateau parce qu’il faut faire des déplacements, etc.
Donc ils font les deux en même temps : ils se font plaisir et font plaisir aux autres, c’est donnant donnant, c’est génial !

H - Un bel échange...
M.M. - Et à tout âge, parce qu’à Vol au large il y a aussi bien des gamins que des messieurs de 80 balais.

H - Actuellement, cela semble idyllique tel que vous le racontez, rencontrez-vous cependant des difficultés, des problèmes à surmonter ?
M.M. - Oui parce qu’on mène un travail de fond en fait, qui est essentiellement axé sur l’émancipation de la personne handicapée : il y en a marre d’être assisté. C’est un peu ce que les femmes ont réussi à avoir après-guerre, nous, on l’a toujours pas ! On nous infantilise toujours. Vous allez faire des courses dans les supermarchés, je ne peux pas les faire tout seul parce que les trucs sont trop hauts et que ça n’a jamais été étudié pour moi, jamais. Alors qu’ils pourraient mettre déjà tous les produits basiques à portée de main, c’est à dire à moins de 1,40 m. Ils ne le font pas. Les produits sont toujours là -haut. En bas, tu as tous les produits basiques que tu n’as pas forcément envie d’acheter. Ils pourraient y réfléchir, mais ils ne le font pas. Donc ils te rendent tout le temps dépendant de l’autre. Et ça, nous on le refuse. Enfin moi je le refuse catégoriquement en tout cas. J’estime que si le mec a un potentiel physique, si minime soit-il, et bien il faut qu’il l’exploite, il faut qu’il transpire et que personne ne l’assiste. Tant qu’il peut l’exploiter, c’est très bien pour lui.

H - Je parlais des difficultés liées à votre association...
M.M. - Non les difficultés que l’on rencontre actuellement sont juste financières parce que les pouvoirs publics, les collectivités font un peu de persillage, je ne devrais pas le dire. Il y a un vrai déficit vis-à -vis du handicap, vis-à -vis des aménagements tout azimut et c’est là qu’il faut mettre le paquet ! On a tellement de retard. J’estime que les politiques devraient être plus porteurs de notre message car ce sont eux qui s’adressent au grand public. Et là le bât blesse car ils veulent faire plaisir à tout le monde mais malheureusement tu ne peux pas faire plaisir à tout le monde ! Là on a pris un tel retard dans le domaine du handicap que je crois qu’il faut que ce soit une priorité, une priorité nationale et qu’ils arrêtent les beaux discours de non-suivi de budgets derrière. Parce que les politiques vous diront toujours que ce n’est pas une question d’argent. Moi je vous dis que c’est une question d’argent. Le nerf de la guerre il est là  : c’est l’argent. Tu entends des aberrations de certains hommes politiques qui disent : mais non ! on a la volonté. Mais bon si derrière il n’y a pas les budgets, cela ne marche pas.
Mais pour certaines choses, ce n’est pas une question d’argent. Il y a des choses que l’on construit et qu’il faut penser en amont. Comme l’objet de la loi 2005, il faut commencer à respecter ces conventions, ça ne coà »te pas plus cher !
Je suis allé à l’hôpital Bouchard il y a quinze jours pour faire des examens, il fallait que je rentre et que je dorme sur place une nuit. L’hôpital a moins de cinq ans et pourtant il n’y avait aucune toilette accessible pour moi dans le service où j’étais. C’est une aberration ! Donc ils ont bien détourné la loi, ils n’ont jamais eu l’autorisation de le faire comme ça et pourtant... Après il faut être pragmatique parce que la loi peut être un peu trop rigide : tu ne peux pas demander à un vieil immeuble d’avoir un accès extraordinaire, etc. Donc après si les portes sont un peu plus petites mais que tu passes quand même, c’est pas grave. Le plus important c’est qu’on y aille. Il ne faut être non plus une espèce de despote parce qu’il y a une loi.

Propos recueillis par Dagmara Marciano et Emmanuel Ducassou
Photographies : Joumana Ducassou et Candide Lartisien

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