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Du GEIST à la parole

Rencontre avec une psychomotricienne

Voilà plus de six ans que Séverine, jeune psychomotricienne marseillaise, travaille avec des patients handicapés - ce sont essentiellement des enfants déficients intellectuels mais aussi des jeunes atteints de trisomie - au sein de GEIST 21 [1]. Cette association de parents et de professionnels du secteur médical, éducatif ou social vise à promouvoir l"™intégration des enfants trisomiques 21 dans la société en général et notamment à l"™école.

Q : Travaillez-vous régulièrement avec des personnes handicapées physiques et intellectuelles ?
R : Je travaille avec des personnes déficientes intellectuelles et plus rarement déficientes physiques, avec des adultes et des enfants. À l"™heure actuelle, c"™est essentiellement avec des enfants. Je reçois beaucoup d"™enfants trisomiques puisque je travaille en collaboration avec le GEIST 21, une association parents-professionnels qui s"™occupe des enfants trisomiques. Et puis, dans le cadre de mon fonctionnement libéral, je reçois des enfants qui ont un retard psychomoteur quasiment dès la naissance, soit parce qu"™il y a un accident anténatal, soit parce que, pour x ou y raison, on découvre une pathologie avec des troubles neurologiques associés.

Q : Avez-vous suivi une formation spécifique pour aborder ce type de public ?
R : Dans le cadre de la formation en psychomotricité [2], qui dure trois ans, on est généralement amené à travailler dans le secteur hospitalier ou dans des centres recevant des personnes handicapées, quel que soit leur handicap. Ensuite, c"™est sous forme de stages - soit des stages d"™une semaine, par exemple en massage, soit des conférences d"™un ou deux jours, par rapport à la pathologie mentale et des choses comme ça - répartis sur l"™année. J"™ai travaillé dans un hôpital psychiatrique avec des patients adultes, autistes et psychotiques profondément déficitaires.

Q : Y a-t-il une procédure particulière à suivre lors des séances, des différences par rapport au public "œclassique" ?
R : Oui, effectivement, il y a quelque chose de particulier, c"™est que... Pour le public classique, la relation avec les parents est importante aussi... Mais dans le cadre d"™un handicap bien établi, bien avéré, il est important qu"™il y ait un contact un peu plus important avec l"™entourage pour faire avancer le suivi de l"™enfant au sein de sa famille. Il faut qu"™il y ait une meilleure compréhension de ma part, en tant que professionnelle, de la problématique de l"™enfant, de la manière dont ça se passe dans la famille. Il importe d"™avoir un lien assez privilégié pour que les parents puissent "déverser" un petit peu des choses importantes. Que ce soit des choses positives dans la vie de famille, dans la vie de l"™enfant ou des choses qui sont moins positives, comme une souffrance particulière, d"™un degré plus ou moins important en fonction du moment où je rencontre ces familles et ces enfants...

Q : Les rencontrez-vous séparément ou bien ensemble ?
R : De toutes façons, les premières fois, je les vois ensemble, c"™est important pour qu"™ils prennent confiance, confiance en moi. Les parents qui amènent un enfant aiment bien connaître ce qui va se passer, dans quel lieu, quelle est la personne qui va les recevoir... Pour l"™enfant qui en a besoin, le lien dure plus longtemps. Et puis, il y a des enfants qui n"™ont pas envie que les familles soient très présentes lors des séances de psychomotricité. De toute façon, au bout d"™un moment, la porte est fermée et on reste en lien privilégié avec l"™enfant. Mais après la séance, il y a toujours un contact avec les familles.

Q : Les patients viennent-ils de leur propre initiative ou bien sont-ils orientés par un médecin ou par les institutions de référence ?
R : Il y a différents cas de figure. Dans le cas de la trisomie 21, l"™annonce du handicap se fait à la maternité, donc souvent de manière un peu brutale. De fil en aiguille, ils remontent vers les professionnels, qui sont spécialisés. Et puis, j"™ai des parents qui découvrent le handicap de leur enfant au fur et à mesure car ça peut être un handicap évolutif, qui n"™est pas visible à la naissance. Ou alors, ce sont des médecins traitants, des pédiatres, qui les envoient en consultation afin de voir ce qui se passe. Enfin, j"™ai des parents qui, voyant que ça n"™avance pas suffisamment - il n"™y a pas encore de mots posés sur la difficulté de l"™enfant - viennent de leur propre initiative et ça peut être aussi un point de départ. Il m"™est ainsi arrivé d"™être un peu le point de départ d"™une chaîne.

Q : Vos patients se prêtent-ils aux séances en toute liberté ou se dérobent-ils parfois ?
R : La psychomotricité est un domaine très ludique. Ainsi, au niveau de la participation des enfants eux-mêmes, il y a peu de dérobades. Ils accrochent bien, il y a une relation très intéressante qui se noue, un lien très fort qui se crée. Donc, c"™est rare qu"™il y ait des dérobades. En fonction de l"™âge, du moment, du vécu, il peut y avoir des instants un peu plus difficiles, effectivement. S"™il y a des ruptures à certains moments, c"™est davantage parce que le contexte plus global (famille, école...) fait qu"™il y a "œnécessité" d"™une rupture à un moment donné.

Q : Quels sujets sont-ils abordés spontanément ? Et vers quoi les orientez-vous, de votre côté ?
R : Spontanément, ça peut être de tout. Il y a deux cas. Il y a la parole spontanée, qui porte sur ce qu"™ils vivent à l"™école, à la maison, sur ce qu"™on a fait comme jeux ensemble et qui leur a plu, sur les choses qu"™ils ont envie de faire. Et puis, il y a certains enfants qui ont une parole un peu moins spontanée. Donc, effectivement, moi, j"™essaye de savoir comment ils vont, ce qu"™ils ont fait, comment s"™est passée la semaine, comment se sont passées leurs vacances, pour essayer de recréer un lien qui à certains moments se dénoue, car on n"™a pas toujours envie de parler. Après, en psychomotricité, la parole est là , mais ce n"™est pas le lien privilégié. Donc, la parole n"™est pas le lien direct, on a un support qui permet de créer ce lien. C"™est le corps, c"™est l"™expression, c"™est la construction, la manipulation, le "jeu avec", le jeu pour quelque chose.

"Dans ma façon de travailler, c"™est le support qui crée le lien"

Q : La parole passe donc par le geste...
R : Oui. Souvent, la parole vient accompagner le geste, de manière prédominante. Après, il y a des paroles qui sont déversées, qui n"™ont pas forcément de rapport. En tant que professionnelle, je prends cette parole. Je la reçois mais en fonction de ce dont il s"™agit, je ne suis pas toujours la mieux placée pour tout saisir. Pour ça, il y a des psychologues ou encore des orthophonistes, si c"™est un défaut de langage. Mais, effectivement, le travail en équipe est indispensable.

Q : Les questions liées au handicap sont-elles prépondérantes ou occupent-elles une place secondaire lors des séances ?
R : Ça ne revient pas forcément sur le tapis. On en parle lors de la prise de contact, de rendez-vous etc. Et puis, quand le lien est créé, on se focalise sur ce qu"™on a fait, les choses positives, mais aussi ce qui a un petit peu moins bien marché. On essaie d"™avancer au fur et à mesure. On ne gomme pas le handicap, puisque le handicap est là . C"™est la raison pour laquelle les personnes viennent. Mais quand je reçois un enfant, je vois où sont ses plus grandes difficultés dans son handicap et puis j"™essaie de le faire avancer par rapport à ces difficultés. Puis, il y a des parents qui arrivent en me disant : "œVoilà , on aimerait que ça avance un petit peu à ce niveau." À ce moment-là , j"™essaye d"™adapter mes propositions par rapport à l"™enfant, pour qu"™il avance dans certains domaines. C"™est vraiment un travail de collaboration entre la famille et les professionnels.

Q : Est-ce-que ce sont plutôt les familles ou plutôt les enfants qui parlent du handicap ?
R : Il est rare que ce soit les enfants. Il y a des enfants qui me disent : "œMoi, je suis trisomique !" Après, c"™est difficile. Je prends donc cette parole-là , mais c"™est difficile de savoir ce qu"™ils mettent derrière cette histoire de trisomie, ce qu"™ils en comprennent. Ils perçoivent une différence, c"™est sà »r. Mais de quelle ordre ? Ce que j"™essaye de faire, c"™est de placer les paroles, de dire les choses telles qu"™elles sont, de façon un petit peu posée pour éviter de blesser, de choquer, que ce soit l"™enfant ou ses parents. Mais l"™enfant prend ce qu"™il peut en prendre.

Q : Le handicap est-il abordé surtout sous l"™angle du rapport à soi-même (l"™intimité), à autrui (le relationnel) ou à la société en général ?
R : Je crois qu"™on aborde un petit peu tout...

Q : Plutôt avec les parents ou plutôt avec les enfants ?
R : Que ce soit avec les parents ou avec les enfants. C"™est vrai que ça peut venir de façon plus importante avec les parents au niveau de la société. Mais, même à ce niveau, les enfants ont un rapport avec la société, parce que l"™école est une société dans la société. On en parle par rapport à l"™école, comment ça va avec les copains, comment ça va à l"™extérieur, s"™ils font une activité sportive... Donc, ça se passe avec les parents et les enfants. Peut-être un peu plus prédominant avec les parents sur la société. Avec les enfants, c"™est un petit peu plus ouvert même si c"™est un peu moins approfondi et plus personnel.

Q : Comment vos patients réagissent-ils généralement à leur handicap ? Y a-t-il des tendances qui s"™observent ?
R : La souffrance... À partir du moment où il y a acceptation de rencontrer des professionnels par rapport à un handicap particulier, il y a un premier pas qui est franchi dans l"™acceptation du handicap. Après, la souffrance reste souvent très forte, mais il y a une première acceptation qui est faite. C"™est un petit peu délicat : on est obligé de tempérer ce qu"™on nous dit et d"™essayer d"™accompagner au mieux les parents, surtout. Les enfants sont très protégés. Tout l"™entourage (la famille, l"™école, etc.) a un peu tendance à essayer de protéger l"™enfant des attaques autour de lui.

Q : Les enfants manifestent-ils une réaction particulière à ce type d"™attitude de leur entourage ? Eux-mêmes, ont-ils plutôt tendance à rechercher la protection ou au contraire à se sentir étouffés ?
R : Il peut y avoir les deux types de cas. Parce que la protection peut être à outrance et empêcher l"™enfant de vivre et d"™expérimenter. Ce n"™est pas ce qu"™on cherche, évidemment. Et puis, il y a certains enfants qui arrivent à ... Qu"™on soit handicapé ou non, quand il y a surprotection, on peut se sentir étouffé, effectivement... On peut aussi se complaire là -dedans, mais ça n"™entraîne pas une vie intérieure telle qu"™elle devrait être. Je crois que là , on peut faire un parallèle entre le handicap et le non-handicap. Après, effectivement, dans le handicap, on a peut-être plus cette tendance à la surprotection que dans le non-handicap, mais on peut faire ce parallèle-là . Ça modifie de toute façon la vie intérieure.

Q : Concrètement, que leur apportent ces séances ? Autrement dit, quelles évolutions relevez-vous dans leur parcours individuel ?
R : Il y a plusieurs évolutions. Il y a l"™évolution dans la famille et dans l"™acceptation par rapport à la douleur de l"™annonce du handicap. Et puis, il y a l"™évolution de l"™enfant d"™un point de vue psychomotrique. Je prends un point de départ, je regarde ce que l"™enfant est capable de faire, là où il en est. Mon but est de l"™ouvrir sur toutes ses capacités et qu"™il puisse utiliser ce qu"™il est capable de faire. On a tendance parfois à ne rien proposer, en disant : "œCet enfant a tel handicap, on ne peut pas lui proposer ça..." Je m"™efforce donc de lui ouvrir toutes ces choses qu"™on ne lui propose pas, pour qu"™il puisse les expérimenter. Après, ça lui plaît ou ça ne lui plaît pas. Si ça ne lui plaît pas, on lui propose autre chose... En fait, j"™ouvre ses potentialités.

Q : En général, sur combien d"™années les séances s"™étendent-elles ?
R : Tout dépend des enfants. En tout cas, c"™est un suivi à long terme. Par rapport aux enfants trisomiques ou aux enfants que je reçois pour des troubles neurologiques, c"™est dépisté très tôt, à la naissance ou parfois en anténatal. C"™est donc sur plusieurs années. Quitte à faire une interruption, changer de thérapeute, parce que c"™est important aussi. Il ne faut pas qu"™il y ait de lassitude de la part de l"™un ou de l"™autre. Le lien est très important à créer. Mais d"™un autre côté, il ne doit pas empêcher le thérapeute de dire des choses qui, à un moment donné, sont nécessaires. Quand un lien est très fort - notamment avec la famille - s"™il faut bousculer un petit peu les choses, il faut avoir le recul suffisant en tant que professionnel pour pouvoir toujours le faire... Si on sent qu"™on s"™embrigade, qu"™on se barricade, il faut inciter nos patients à changer de professionnel.

Propos recueillis par Laurent Marcellin, février 2005

P-S :

Pour en savoir plus sur la psychomotricité :

- http://www.psychomotricite.com/ffp/

Et sur les GEIST 21 :

- http://www.fait21.org/


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