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L’école, l’IME... Victor a onze ans, mais à vingt ans ? Est-ce à l’association d’y répondre ?

Entretien avec Christel Devillard, présidente d’Épi Provence

HandiMarseille : Vous êtes présidente de la toute nouvelle association Épi Provence. Pourquoi et comment a-t-elle vu le jour ?

Christel Devillard : Épi Provence a été déclarée en préfecture en juin 2009 ; son nom signifie Épilepsie Provence, elle a pour but d’aider, de soutenir, de conseiller et d’orienter les personnes et les familles qui sont concernées par l’épilepsie. Épi Provence est également très proche de l’association nationale Épilepsie France, dont je suis, par ailleurs, déléguée des Bouches-du-Rhône. Épi Provence a été créée pour une raison très précise : la création d’une structure de foyer d’accueil médicalisé, pour jeunes adultes épileptiques sévères
pharmaco-résistants, sur les Bouches-du-Rhône afin d’apporter une réponse à un problème important : la carence en structure d’accueil spécialisée.
Avoir un enfant handicapé et épileptique est déjà très compliqué mais constater qu’une fois adulte avec des parents vieillissants nos enfants n’ont aucun avenir alors là c’est insupportable.
Pour parler de l’épilepsie, il faut savoir que 70% des personnes souffrant de cette maladie neurologique ont une vie tout à fait normale grâce à des traitements médicaux qui stabilisent les crises. Mais pour les 30% restant, l’épilepsie persiste, s’aggrave, on parle alors de phamarco-résistance. Les crises sont fréquentes, de différentes formes, elles peuvent causer une dégénérescence importante, puisque les crises entraînent les crises et souvent, des troubles du comportement et d’autres affections invalidantes. Les traitements médicamenteux sont lourds, cause (avec les crises) de grande fatigabilité et d’effets secondaires, etc.

H : Quelles sont les raisons de votre engagement associatif ? Êtes-vous directement concernée par cette maladie ?

C.D : Oui, je suis maman d’un enfant, Victor, âgé de 11 ans, qui souffre d’une épilepsie dite sévère, phamarco-résistante, diagnostiquée à l’âge de 6 mois, à ce jour non étiquetée, c’est-à-dire que l’on ne connaît pas son origine. Nous avons eu un parcours compliqué ! Déjà pour son insertion scolaire. Il a fallu se battre pour obtenir des AVS, pour le faire accepter en maternelle. Victor souffre également d’une déficience intellectuelle. À l’âge de 6 ans il a été orienté en institut médico-éducatif, on a donc cru que les barrières seraient moindres, que l’épilepsie pourrait être pris en charge et ne plus être un prétexte d’exclusion mais très vite, nous avons déchanté.
L’épilepsie restait toujours, non seulement une cause de rejet et d’exclusion, mais aussi un problème d’insertion. Le problème majeur est le manque de connaissance de la maladie et le manque de formation des éducateurs ou encadrants. Une chose est évidente : l’épilepsie fait toujours peur même en 2010 ! Donc, après l’école et l’IME... Qu’allons nous proposer à notre fils et à tous les autres dans le même cas ??? Victor a 11 ans, mais à 20 ans ? Nous restons positifs et nous espérons bien sur une amélioration de sa santé, Victor progresse, il est heureux mais nous savons aussi que son épilepsie risque de ne pas s’arranger alors que d’autres parents commencent à penser aux études futures de leurs enfants, nous, nous devons penser à son placement et il faut y penser dès maintenant compte tenu du manque. Nous ne serons pas éternels et il est hors de question de confier cette responsabilité à la fratrie déjà bien assez soucieuse d’un frère ou d’une sœur handicapé.
Avec d’autres parents rencontrés grâce au monde associatif, nous avons entrepris un projet ambitieux mais ô combien nécessaire : la création d’un foyer d’accueil médicalisé (FAM) pour personnes épileptiques dans les Bouches-du-Rhône. Nous avons la chance que Marseille soit une véritable plate-forme médicale pour la neurologie, avec un service pédiatrique à la Timone, celui du professeur Chabrol, le service de neurologie du professeur Chauvet. Nous avons aussi un centre de référence pour l’épilepsie, l’hôpital Henri Gastaud. Et pourtant, à ce jour, aucune structure d’accueil spécifique.

H : Pour vous, y a-t-il un déficit en associations s’occupant de ce problème ?

C.D : Ce genre de projet est souvent à l’initiative de parents ou de personnes directement concernées par la maladie. Mais est-ce aux associations de répondre à ce déficit ? Je n’en suis pas certaine. Le problème devrait surtout toucher la conscience de nos dirigeants et de nos institutions.

H : Adhérez-vous à d’autres associations ?

C.D : Oui, comme je vous l’ai dit, je suis déléguée de l’association Épilepsie France, une association nationale, de loi 1901, reconnue d’intérêt général, qui a fait une demande de reconnaissance d’utilité publique, actuellement en cours. Elle a pour ambition de regrouper les personnes directement concernées par l’épilepsie. C’est une association très dynamique et qui fait réellement bouger les choses. Il faudrait cependant que nous soyons plus nombreux à nous investir et à soutenir leurs actions.

H : Votre association a t-elle des relations directes avec Épilepsie France ?

C.D : Épilepsie France soutient activement notre projet, nous partageons le même objectif : une meilleure prise en charge des personnes épileptiques.

H : Épi Provence, via cette relation avec Épilepsie France, se place dans un réseau associatif assez complexe. Pouvez-vous nous en tirer quelques fils ?

C.D : Nous souhaitons qu’Épi Provence soit affiliée à Épilepsie France courant 2010. Épi Provence vient également de rejoindre, depuis très peu de temps, l’Efap [1], un groupement interassociatif, ayant pour objectif la mise en commun de toutes les expériences de création d’établissement médico-social. Enfin, la délégation 13 d’Épilepsie France est également, adhérente d’Inter-parcours 13.

H : Cette multiplication d’associations facilite t-elle votre travail, ou occasionne t-elle une concurrence ?

C.D : Nous œuvrons tous pour une même cause, faire évoluer la prise en charge des personnes épileptiques et je pense que dans ce domaine, il y a beaucoup à faire... Il est grand temps de penser à ces quelques 500 000 personnes en France souffrant d’épilepsie. La tâche est vaste et nous manquons de « bras ». Donc pas de concurrence mais au contraire, un échange d’expériences et de compétences, c’est vraiment ce que nous avons trouvé auprès de l’Efap et d’Épilepsie France.

H : Et pour le fonctionnement de votre association, bénéficiez-vous d’aides, de promesses d’aides, ou êtes-vous contraints à un auto-financement ?

C.D : Pour le moment, nous montons nos propres actions. Épi Provence vit grâce aux adhésions, aux dons et grâce à différentes actions. Très clairement nous avons besoin de moyens. Nous avons commencé à le faire savoir, cependant nous n’avions pas souhaité solliciter les gens avant d’avoir du concret entre les mains. C’est chose faite.

H : Comment mettez-vous les personnes atteintes d’épilepsie au centre de votre projet associatif, ce qui reste un des principes d’Épilepsie France ?

C.D : Oui, tout à fait, Épilepsie France, au sein de son conseil d’administration, compte bon nombre de personnes souffrant elles-mêmes d’épilepsie. Mais il y a également des professionnels, des médecins, et effectivement beaucoup de personnes directement concernées par la maladie.

H : Et ces personnes participent-elles au fonctionnement, aux prises de décision ?

C.D : Oui, la présidente d’Épilepsie France, Mme Ahddar, est elle-même épileptique.

H : Leur état ne leur pose donc aucun problème, et ne les empêche pas de prendre des postes à responsabilité...

C.D : Pas du tout, Napoléon Bonaparte, Gustave Flaubert, le Cardinal Richelieu sont autant d’exemples sans appel sur le sujet.

H : Et n’y sont-elles pas poussées ?

C.D : Non, pas du tout, elles en ont les compétences et leurs motivations sont évidentes.

H : Cette maladie est-elle considérée comme un handicap invisible ?

C.D : Oui, c’est ça la grande particularité de cette maladie. Elle ne se voit pas, on ne la devine pas, mais elle peut surprendre n’importe quand n’importe où. Il faut apprendre à vivre avec. Le plus douloureux pour beaucoup de personnes épileptiques c’est d’oser en parler. C’est souvent les mêmes questions qui reviennent : dois je en parler à mes collègues, à mes amis, à ma petite amie ? Et que vont il en penser ? Et si je fais une crise en pleine rue, que va-t-il se passer ? Quelle image les gens auront-ils de moi ?
Cette maladie ne doit plus être un tabou, elle doit être connue et acceptée. Il est loin le temps ou l’épilepsie était synonyme de sorcellerie, c’est une maladie neurologique, la deuxième plus fréquente après les migraines, alors parlons en !

H : Quels sont vos projets et vos ambitions pour cette jeune, comme vous l’avez rappelé, association ?

C.D : Notre projet immédiat est la création de ce FAM. Mais aussi le soutien, l’orientation, le conseil, l’écoute des personnes épileptiques. Le dossier CROSMS [2] a été déposé en octobre, auprès du Conseil général et de la Ddass des Bouches-du-Rhône. Nous sommes donc dans l’attente d’un arrêté favorable. Ainsi, ce sera un premier pas et d’autres structures équivalentes pourront voir le jour. Ce FAM accueillera 48 personnes mais suite à un recensement, ce sont près de 200 personnes, uniquement sur le département, qui sont dans l’attente. Il est urgent de réagir à la pénurie d’établissements spécialisés.

H : Où se trouvera cet établissement ?

C.D : Il se trouvera sur la commune de Roquevaire où nous avons acquis un terrain récemment. Nous avons le soutien actif de la commune de Roquevaire et de son maire, Yves Ménard, que je tiens, d’ailleurs à remercier très chaleureusement, car depuis le début, il a vraiment tout mis en œuvre pour soutenir ce projet. Le choix de Roquevaire est aussi très stratégique, la commune étant située entre Marseille et Aix-en-Provence, à 5 minutes de l’hôpital d’Aubagne et à 20 minutes de la Timone et de l’hôpital Henri Gastaud à Marseille.

H : Sur quelles ressources comptez-vous pour mettre en œuvre ce projet ?

C.D : Un FAM a une double tarification. Donc ce foyer d’accueil médicalisé aura une tarification d’hébergement fixée par le Conseil général, et une tarification de soins fixée par la Ddass. Et au-delà des accords tripartites qui assurent le financement de la construction et du fonctionnement médical de l’établissement, notre association a vocation à prendre en charge certaines dépenses qui amélioreront le volet animation.

H : L’établissement sera géré par votre association ?

C.D : Non, il ne sera pas géré par Épi Provence. Notre association a vu le jour grâce à l’action des familles, des parents de personnes épileptiques, et nous sommes fondateurs de ce projet.
Cependant il faut comprendre que la maladie, quand elle arrive dans votre vie, souvent en atteignant votre enfant comme c’est mon cas, est vécue comme un drame familial. C’est le temps du repli sur soi. Puis, assez rapidement j’ai compris qu’une partie du problème ne trouvera de solution que dans une démarche collective. La question du soutien et de la compétence se pose alors. Le soutien, en premier lieu, vient des personnes atteintes dans leur chair, de leur famille, leurs relations. Puis le cercle s’élargit, la générosité existe. La compétence, il faut savoir aller la chercher, où elle se trouve. À chaque étape il faut être capable de clairement accepter ses limites afin de maximiser les chances de voir aboutir et parfaitement fonctionner son projet. Ainsi à chaque étape, les membres de l’association se posent la question de faire ou de faire faire.
Évidemment la délégation lorsqu’elle est choisie est tout sauf une démission. Nous faisons le choix du partenaire et l’encadrons par une convention si l’objet le nécessite. C’est exactement la démarche qui a prévalu pour le choix du gestionnaire, la FCDE [3] pour la solidarité, après consultation, est apparue comme le meilleur partenaire. Il en va de même pour le bailleur social « Famille et Provence », en charge de porter le foncier et les murs, que nous avons choisi pour son expérience et ses compétences. La même logique a été appliquée pour créer un environnement médical de premier plan.
Et je peux vous dire qu’aujourd’hui l’environnement médical créé autour du projet est de premier plan. C’est également une démarche bien comprise par les tutelles qui se projètent ainsi plus facilement dans un projet pérenne, stable et de qualité. Pour ce qui est du supplément d’âme rien ne vaut les parents bien entendu.

Propos recueillis par P.V.

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