La jeunesse retrouvée
Née avec une malformation de la moelle épinière, Carine, vingt-huit ans, trouve assez de force pour gommer le handicap de son mental et pour s’organiser une vie quasiment semblable aux gens de sa génération. Professeur d’anglais dans un lycée professionnel, elle vit en appartement avec son compagnon, lui-même handicapé moteur (Infirme Moteur Cérébral).
Question : Depuis quand êtes-vous handicapée ?
Depuis la naissance. Je suis spina bifida, c’est une malformation de naissance de la moelle épinière. Je suis en appartement avec mon ami qui est lui aussi handicapé. Il est IMC, mais nous vivons de façon plus ou moins autonome tous les deux.
Q : A propos de l’accessibilité, quelles sont les difficultés rencontrées ?
Pour se déplacer en ville, c’est vrai que c’est très difficile, il y a très peu de magasins ou administrations qui sont accessibles pour les personnes handicapées à Marseille. Ceci dit, dans mon travail, tout a été fait pour rendre mon lieu de travail accessible. Donc de ce point de vue là , je n’ai pas de difficultés particulières. Nous habitons des appartements prévus pour les personnes handicapées qui ont été conçus justement pour les personnes handicapées : les interrupteurs, par exemple, sont rabaissés, les portes sont plus larges, les pièces sont plus grandes, donc tout a été conçu pour les personnes handicapées. Il y a des gardiens vingt-quatre heures sur vingt-quatre qui sont là pour veiller à notre bien-être et à nous aider éventuellement si nous rencontrons des difficultés dans la vie quotidienne.
Q : Sur le regard des valides, avez-vous des remarques ?
Je trouve que le regard des personnes valides a beaucoup changé vis-à -vis des personnes handicapées et je le trouve "normal" entre guillemets. Je trouve que ce regard n’est pas différent d’une autre personne, en tout cas dans mon travail et dans ma vie courante. Je ne ressens pas le fait d’être différente des autres. Je ne vois rien d’autre.
Q : Et votre regard sur les valides ?
Je ne le sens ni léger ni privilégié par rapport à une personne valide. Je considère que nous sommes égaux, et je ne sens pas vraiment une différence entre nous. Je me sens totalement intégrée dans le monde d’aujourd’hui.
Q : Donc pas de sentiment d’exclusion ?
Non. Pas vraiment. En fait, j’ai le sentiment de vivre comme une personne ordinaire, je travaille, j’ai une voiture, j’ai un appartement, j’ai une vie amoureuse, donc j’estime vivre comme tout le monde, en fait.
Q : Justement, pouvez-vous nous parler de votre vie amoureuse ?
Oui, bien sà »r, je vis avec une personne qui est aussi handicapée. En fait, nous nous sommes rencontrés au lycée, et depuis on ne s’est plus quittés. Donc, il est handicapé lui-même, nous vivons ensemble depuis cinq ans, même un peu plus de cinq ans, et nous ne rencontrons pas de difficultés particulières liées à notre handicap. Nous ne rencontrons pas aussi de problèmes d’accessibilité en particulier dans notre vie courante, si ce n’est dans nos déplacements qui sont parfois difficiles dans la ville.
Q : Sur quel soutien, quelles aides pouvez-vous vous reposer ?
Donc, nous avons une famille qui nous soutient beaucoup, et qui est là pour nous aider chaque fois que nous avons besoin. Nous ne faisons partie d’aucune association pour personnes handicapées. Nous vivons surtout avec des valides, en fait. Nous avons beaucoup d’amis qui sont valides, essentiellement, d’ailleurs nous avons très peu d’amis handicapés comme nous, donc nous vivons la vie de jeunes de nos jours, de jeunes trentenaires d’aujourd’hui. J’ai vingt-huit ans et mon ami a trente ans.
Q : Auriez-vous un message à faire passer ?
Oui, bien sà »r. Aujourd’hui en fait, ce que je souhaite le plus possible, c’est que notre ville devienne accessible à toutes les personnes handicapées. Je crois que c’est quelque chose de primordial, en ce qui concerne la culture, tout, en fait, les milieux administratifs, les loisirs, absolument tout. Ce qu’il y a à Marseille, je pense qu’il y a de gros efforts à faire en matière de transports, il y a beaucoup, beaucoup d’efforts à faire pour l’accessibilité aux personnes handicapées dans cette ville.
Propos recueillis le 26/11/04 par Joseph Ouazana au parc Chanot lors du salon Autonomic Mediterranée
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