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Samia, 40 ans, malentendante. - Le magazine - Témoignages - handimarseille.fr, le portail du handicap à Marseille
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Samia, 40 ans, malentendante.

Samia travaille avec nous à Résurgences. Elle est malentendante de naissance, et heureuse maman de deux enfants, Lonis, 9 ans, et Johanna, 12 ans.
Elle nous raconte son parcours...

HandiMarseille - Samia, tu es malentendante de naissance ?
Samia Laatar - Oui, ma mère et mon père étaient cousins. Ça fait que je suis née malentendante. Les mêmes gènes... C’est pour ça.

H. - C’est ce que leur ont dit les médecins ?
S.L. - Oui. Avant on savait pas d’où ça venait...

H. - Tu es mariée ?
S.L. - Je suis seule avec deux enfants. Le papa travaille, il est en déplacement et vient voir les enfants...

H. - Tu as préféré que le papa de tes enfants soit malentendant comme toi. Pourquoi ?
S.L. - Oui, c’était plus facile...

H. - Plus facile pour communiquer ? Avec nous, par exemple, tu as du mal ?
S.L. - Une personne, deux personnes, mais après c’est trop, je peux pas... Je me débrouille, j’essaie de m’adapter au monde entendant, mais parfois c’est pas facile... J’ai pas trop confiance.

H. - Parce qu’ils disent des choses que tu n’entends pas ?
S.L. - C’est tout "œpar-dessous" ...

H. - Comment fais-tu alors ?
S.L. - Je lis sur les lèvres depuis mon enfance, je lis aussi le comportement de la personne, triste ou faux-semblants, je comprends vite... Même si parfois la personne cache ses sentiments, est hypocrite...

H. - Vous, Johanna et Lonis, vous parlez le langage des sourds et malentendants, la langue des signes ?
Johanna - Oui, un petit peu. C’est plus avec mon père que je parle la langue des signes. Ma mère, elle, me comprend, elle lit sur mes lèvres. Et j’articule.
Lonis - Moi, des fois, quand mon père dit des trucs, je comprends pas... Des fois, je comprends.

H. - Alors tu lui demandes de refaire les gestes ?
L. - Oui, mais après je demande à ma sœur ce qu’il a dit...
J. - ...Mais des fois, je sais pas dire quelque chose en langue des signes, parce que je ne parle pas beaucoup, je ne sais pas tout dire. Donc j’articule bien bien bien...

H. - Votre papa s’exprime différemment de votre maman ?
J. - Oui, il est sourd profond. Il fait le langage des signes et il parle un petit peu... Des sons.

H. - D’accord. Et toi tu comprends les sons ?
J. - Oui.

H. - Et entre vous (avec Lonis), pas de langage des signes ?
J. - Non, pas la peine...

H. - Tu fais beaucoup l’intermédiaire entre ta maman et les autres ?
J. - Pas toujours. Ma famille la comprend mais par exemple si on doit aller à la mairie, je traduis. Parfois, elle fait les choses toute seule et quand elle ne comprend pas quelqu’un, elle lui marque sur une feuille.

H. - Dans quelles autres circonstances l’aides-tu ?
J. - À la maison, pour la télévision... Mais maintenant on a trouvé comment on mettait les sous-titres ! Avant on n’arrivait pas à les mettre...

H. - Comment faisiez-vous alors ?
J. - Elle me demandait ce qu’il se passait, et puis après je lui racontais.

H. - Elle avait un œil sur l’écran, et de l’autre elle te regardait ?
J. - Elle regardait l’écran, comme ça elle comprenait un petit peu, et puis après moi je lui expliquais ce qu’ils avaient dit...

H. - Samia, parle-nous un peu de ton enfance et de ta famille : vous étiez nombreux à avoir des problèmes de surdité ?
S.L. - Mon oncle, le frère de mon père, est sourd et mon frère est malentendant. On a un an d’écart, on allait ensemble à l’école des malentendants. Pour lui, je ne sais pas si c’est de naissance ou un accident... Je sais que les cousins et cousines sont aussi malentendants. Après en Algérie, je connais pas, et j’ai pas envie de connaître... Là -bas, ils ne sont pas tolérants, ils renient les personnes handicapées. Moi je suis fière d’être algérienne, voilà c’est tout ! J’ai fait la connaissance d’un algérien sourd, cela m’a touchée, sa famille a caché son handicap, je suis très en colère car on est humains... Moi je veux connaître le pays de mon père, c’est tout, là où il a grandi durant son enfance... C’est lui qui m’a poussée à me débrouiller dans la vie...

H. - Comment tes parents ont-ils fait au départ ?
S.L. - Ma mère m’a dit que quand j’étais petite, elle avait demandé aux docteurs pourquoi j’avais des problèmes : ils croyaient que j’étais retardée...

H. - Parce que tu ne parlais pas du tout ?
S.L. - Rien... Je criais beaucoup pour m’exprimer. Mais je faisais beaucoup de choses intelligentes. Ma mère savait que je n’étais pas retardée, elle ne savait pas par contre que j’étais malentendante. Elle était fière de moi. Je me débrouillais toute seule, j’étais organisée. Petite, je faisais le ménage et ma mère m’admirait... Cela a beaucoup aidé ma mère, c’était mes points positifs...

H - Jusqu’à quel âge tu n’as pas parlé ?
S.L. - Tard, trois ou quatre ans. Après ma mère m’a amenée à l’hôpital de la Timone et c’est là qu’un docteur a dit que j’étais malentendante.

H. - Et alors, à partir de là  ?
S.L. - J’ai vu une orthophoniste dans un centre, les Hirondelles. Grâce à elle, je portais des appareils. J’étais différente des autres personnes car je ne savais pas pour mon handicap, et je ne comprenais pas... Je refusais mon handicap. Après avec le temps, mon orthophoniste m’a expliqué que l’appareil me servirait à vivre et c’est la vérité ! Je ne voulais pas travailler à l’école, j’étais perdue, je ne comprenais pas tout cela... Mon orthophoniste a "œstabilisé" ma vie, elle m’a toujours dit que j’étais une fille intelligente, sensible et généreuse... Tout cela, je ne l’oublierai jamais, j’ai eu mon brevet grâce à elle... Elle m’a beaucoup aidée à faire des exercices, des devoirs et à parler en mettant la langue dans la bouche avec l’élastique.

H. - Combien de temps de rééducation as-tu fait aux Hirondelles ?
S.L. - Petite, jusqu’à dix ans. Après, à partir de onze ans, avec les entendants, j’ai pas pu suivre.

H. - Tu veux dire dans une école "normale" ?
S.L. - Oui, c’était impossible de suivre. Après, je suis allée à Toulouse, j’ai réussi l’examen du BEP, et j’ai pas pu suivre... Je suis partie au collège des Caillols, à Marseille, mais maintenant il existe plus, c’est l’école des sourds.

H. - Il n’y avait que des sourds avec toi ?
S.L. - Il y avait des classes pour sourds, des classes pour entendants et des classes pour malvoyants. Et dans la cour, c’était tout mélangé.

H. - D’accord. Et les malvoyants, tu en penses quoi ?
S.L. - Ils aiment pas le bruit. Ils supportent pas... On faisait beaucoup de bruit, avant. Y a beaucoup de malvoyants qui le supportent pas. Mais ils sont très intelligents... Ils sont forts.

H. - À quel moment t’es-tu vraiment rendue compte de ton handicap ? Quelle a été la réaction de tes parents par rapport à cette découverte ?
S.L. - À l’âge de 12 ans... Maintenant je suis fière de ce que je suis, j’ai pas honte. Mais avant, oui. Dans mon enfance j’étais perturbée. Je ne comprenais pas que le car de ramassage venait me chercher pour aller à l’école, pour moi c’était comme si j’allais à l’hôpital, j’avais peur de ne plus revenir à la maison ! Je faisais beaucoup de cauchemars... Ma mère était malade, j’avais toujours peur de la perdre. Elle est toujours en train de s’inquiéter pour moi, ça m’énerve, mon père aussi... Mais mes parents ne parlent pas de mon handicap, jamais. C’est moi qui en parle. J’ai jamais communiqué avec mes parents pour mon handicap, ils racontent rien, ils sont comme ça mes parents... Mais ils m’ont beaucoup aidée. Je pense que ma mère a été touchée pour moi, mon père non, mon père a un très fort caractère. Il m’a donné ma confiance, la réussite... Depuis que mon père n’est plus là , je me suis attachée au papa de mes enfants. J’ai pas eu de chance, c’est la vie...

H. - Tu portes donc un appareil, tu m’as dit que tu entendais des sons, mais entends-tu aussi distinctement les syllabes ?
S.L. - Oui, j’entends bien avec l’appareil, mais ça dépend, il y a des bruits pas adaptés à l’appareil. Je n’entends pas les voitures arriver, je n’entends pas l’aigu aussi... J’ai appris à écouter ma première chanson de Gilbert Montagné, "œOn va s’aimer" : j’avais 20 ans, c’est ma meilleure amie, malentendante aussi, qui m’a guidée pour connaître les paroles avec les gestes et le rythme de la musique. Ça, je ne le savais pas avant !

H. - Qu’est-ce que c’est pour toi, le handicap ?
S.L. - Mon handicap ne me gêne pas pas du tout. Mais j’ai de la colère : j’ai du mal en français, j’ai beaucoup d’émotions et beaucoup d’idées que je n’arrive pas à rédiger... J’ai beaucoup de blocages. J’ai l’impression d’être retardée, ça m’énerve ! Je ne suis pas retardée... Mon défaut, c’est que je suis agressive. J’ai de la chance d’être malentendante : j’ai un très bon odorat et j’observe vite, cela m’aide à vivre. Je suis très contente et fière de moi, ça je l’ai en moi...

Propos recueillis par L.L. et M.F.


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