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Une kinect au service du handicap

Une kinect au service du handicap

Handimarseille : Est-ce que vous pouvez vous présenter ?

Frédéric Bonnier : Je m’appelle Frédéric Bonnier, je suis directeur de Génération TV. C’est une maison de production, qui est dans la convergence de la communication, c’est-à-dire qu’en même temps on fait du web, de l’audiovisuel et de l’innovation.

H : En quoi consiste le projet de bornes de reconnaissance gestuelle que vous développez ?

F.B : C’est un projet du dispositif PACA Labs où nous allons proposer une borne interactive qui permettra à des personnes qui ont des handicaps de pouvoir utiliser une connexion internet, ou même dialoguer avec des gens. Par exemple, pour l’utilisation d’une tablette interactive pour les sourds et les malentendants, cette personne pourra effectivement dialoguer avec son entourage, à partir d’une kinect [1], ce qui fait qu’il y aura une reconnaissance des signes. Et la machine sera en capacité de pouvoir parler à la place de la personne qui a du mal à s’exprimer. Et à l’inverse, une personne qui est près de la kinect et qui parle, celle-ci pourra retranscrire en langage des signes ce que la personne vient de dire. Cette machine pourrait aussi avoir des applications pour les non-voyants, étant donné qu’aujourd’hui, la technologie permet de proposer des tablettes tactiles qui sont en relief. Cela pourrait être utile pour les non-voyants.

H : Comment vous est venue cette idée d’utiliser la kinect ?

F.B : En fait, cette idée m’est venue parce que je connais des gens qui sont sourds et muets. On en a discuté et l’arrivée de la kinect a pu permettre la réalisation d’un prototype, à un prix raisonnable.
Malheureusement pour moi, le brevet a été déposé en décembre 2010 par Microsoft, et moi je l’ai déposé au mois de mars 2011. Si je suis obligé de payer leur brevet déposé, qui n’est pas non plus quelque chose d’énorme, pour pouvoir développer ce produit et bien je le ferais.

H : Où en est ce projet à ce jour ?

F.B : Aujourd’hui, ce projet il est dans les mains de PACA Labs, on est actuellement dans la deuxième étape qui sera rendue, à partir du mois d’octobre. Le dossier est en préparation. On doit montrer l’aspect financier, l’aspect de partenaires, qui a fait quoi.

H : Quels sont vos partenaires et vos financeurs ?

F.B : Nous avons la société SunPartner, qui est l’inventeur du WYSIPS [2]. Cela me permet d’amener la couche environnementale sur le projet ; les autres partenaires, ce sont les pépinières d’entreprises innovantes dans le dispositif européen regroupées dans le CEII (Centre Européen d’entreprise et d’innovation - réseau régional de l’innovation) mais également, la pépinière de Meyreuil et la pépinière de Rousset. Ces trois entités auront, à terme, ses trois bornes interactives. J’ai aussi une autre société, dont je vais taire le nom pour l’instant, qui va concevoir le design de la boîte et un autre partenaire confidentiel, qui est constructeur de panneau publicitaire, qui se joint au projet pour pouvoir amener du cash sur ce prototype.

H : Justement quand vous leur avez proposé le prototype, est-ce que leurs portes se sont ouvertes facilement ?

F.B : On a effectivement des portes qui se ferment sur un projet, qui peut être difficilement réalisable, qui n’a pas toutes les notions rêvées ou une idée avec des retombées commerciales. Dans mes projets PACA Labs que j’ai entrepris, je n’ai pas eu de portes qui se sont fermées, puisque ce sont quand même des dispositifs qui sont aidés par l’Europe et par la Région. Ça fait déjà trois ans que je travaille avec pas mal de gens en PACA, donc on est un peu connu au niveau de la technologie ; et il y a le côté militant qui renforce ça puisqu’on travaille beaucoup pour l’environnement et pour l’aide à la personne qu’elle soit handicapée ou pas. Ce sont les utilisateurs finaux qui nous intéressent dans nos travaux.

H : Que pensent les personnes sourdes et malentendantes de votre projet ?

F.B : L’idée quand je monte ce type de projet, c’est d’aller vers les personnes handicapées et leur poser des questions afin d’essayer d’améliorer leur vie de tous les jours. Donc si vous voulez ce n’est pas moi qui vais les voir en leur disant : « est-ce que ce projet-là vous intéresse ? », ce sont eux qui me disent : « ça serait bien qu’on développe ça ». Donc quelque part, ils sont forcément intéressés par ce que je fais et ils participent eux aussi au projet, c’est ça qui est très intéressant .

H : Qu’est-ce que l’apport de l’informatique et du multimédia a changé pour vous, et pour les personnes en situation de handicap ?

F.B : Les modifications de l’informatique aujourd’hui sont énormes. Moi j’ai appris mon métier il y a 25 ans, je tournais avec des caméras 16 mm et 35 mm et on n’avait pas encore le web et aujourd’hui, l’informatique a fait que tous les métiers de la communication convergent en un seul, ce sont les outils du web. Il nous aide à moderniser un tas de choses, et notamment l’assistance à la personne, parce que ces derniers temps, on est arrivé à faire des choses assez incroyables au niveau de la domotique [3]. Vis-à-vis, aujourd’hui, des personnes en situation de handicap qui sont avec moi, je vois que 60% à 70% des démarches, ils les font par Internet, comme commander leurs courses, remplir des papiers, prendre l’agenda des rendez-vous. Tout est informatisé. Pour moi, ça a changé beaucoup de choses depuis longtemps, mais pour les personnes handicapées, c’est seulement le début.

H : Avez-vous d’autres projets ?

F.B : Oui, l’idée, ce serait effectivement de trouver un terrain public où on ferait un prototype. Il y aurait une maison centrale qui serait tenue par un régisseur, censé faire le jardinage, s’occuper de la piscine, de l’intendance ; et les petites maisons individuelles, de deux, trois ou quatre personnes, où se mélangeraient des valides et des non valides. Les valides seraient des étudiants en médecine, en assistance sociale, des kinés, des infirmières ; et ils viendraient pendant le temps de leurs études, habiter avec ces personnes pour leur prodiguer des soins en fonction de leur formation. Cette infrastructure existe déjà vis-à-vis des retraités, donc le projet c’est de faire exactement la même chose pour les personnes en situation de handicap mais également de faire des logements sociaux pour les étudiants. La particularité de cette petite résidence, c’est qu’elle serait entièrement verte, par exemple, des maisons en bois ou des maisons qui utiliseront très peu d’énergies non recyclables. Il y aura aussi tout un traitement de l’environnement par rapport au solaire, comme la géothermie, et imaginer aussi tout un complexe où la maison sera entièrement guidée par la domotique.

H : Quel message aimeriez-vous faire passer aux lecteurs d’Handimarseille ?

F.B : Ce qui serait bien, ce serait de se rapprocher de plus en plus des gens qui ont des soucis. C’est vrai que dans le handicap, il y a deux types de comportement. Il y a des personnes qui auraient envie d’avoir une certaine autonomie, une certaine liberté, qui savent très bien qu’ils ont un handicap et qu’ils ne pourront pas être aussi libres que quelqu’un qui est valide ; et par contre, il y a des personnes qui ont un handicap et qui pourraient être un peu plus autonome, qui pourraient faire plus des choses et c’est ça le pire, c’est une personne handicapée qui n’a plus la volonté de pouvoir se dépasser. La plus grosse difficulté, c’est de rendre espoir à une personne qui n’a plus de volonté. C’est la patience et l’accompagnement qui fait qu’on arrive à ces dépassements. Moi, ce qui me gêne le plus quand je me balade avec mes copains qui sont handicapés, c’est le regard des gens sur eux, ce regard insistant de pitié qui fait le plus mal aux handicapés. On ne peut pas imaginer que c’est ce regard qui les blesse le plus.

H : Je vous remercie.

Propos recueillis par Yoann Mattei

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