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Le fort, le faible, le handicap

Avoir la force ou ne pas l’avoir ? Le handicap est-il un signe de faiblesse ?

Qu’est-ce que la force ? Qu’est-ce que la faiblesse ? Euh, très bonnes questions auxquelles on ne peut répondre que par : ça dépend...

En effet, être fort signifie un pouvoir mécanique ou hiérarchique sur les choses ou les êtres, un pouvoir de la volonté ou une vertu morale équivalant au courage.

Etre faible est généralement synonyme de manque de vigueur, de force morale ou physique, de puissance, de ressources.

Ben Vautier - Fort

Pourtant, les choses ne sont pas aussi mécaniquement simples. Selon Hegel, par exemple, le fort, le maître, ne dominerait qu’en apparence l’esclave, le faible. Car celui qui dirige n’est pas si maître que ça : il dépend des esclaves pour exécuter ses volontés et n’est rien sans eux. Il ne serait maître que de par la soumission volontaire ou forcée des esclaves, d’où l’inversion de la proposition, l’esclave domine le maître. Nietzsche renverse la dialectique hégélienne : le fort n’est pas celui qu’on croit, pas plus que le faible. Le puissant serait doté d’une belle vitalité et aurait confiance en lui-même, il s’aime tellement que sans être obnubilé par eux, il aime aussi les autres, tandis que le faible est fragile, fatigué, triste, il se déteste. Il a tellement de haine qu’il ne pense qu’à lui et à déverser sa rancœur sur les autres. Donc si l’on suit Nietzsche, la véritable bonté serait une conséquence de l’amour de soi tandis que la méchanceté prendrait la forme de l’altruisme de par l’obsession des autres. Précisons que pour le philosophe, force et faiblesse ne s’expriment pas à travers des déterminations sociales de pouvoir ou de classe mais plutôt par leur profil physique et psychologique.

Leonard de Vinci

La force et la faiblesse, quoiqu’on en pense, s’expriment à travers un corps, un corps que l’on préfère fort, cela va de soi. Un corps que l’on voudrait parfait. Cette perfection commence d’ailleurs à pointer à l’horizon des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication via les nanotechnologies. Selon Jacques Dufresne (XIIe colloque thématique annuel de l"™Institut québécois de la déficience intellectuelle. Déficience intellectuelle, accueil et traitement au sein du système judiciaire. 2 novembre 2001) il semblerait que le passage de l’homme au cyborg soit imminent : "il existe des savants, de plus en plus nombreux, qui considèrent l"™humain comme un stade dépassé de l"™évolution. Dépassé par quoi, par qui ? Par ces cyberorganismes que généticiens et informaticiens, combinant leurs efforts, sont en train de créer sous nos yeux. Dois-je préciser qu"™il n"™y a aucune place pour les personnes handicapées dans l"™univers épuré qu"™ils nous préparent ? Dois-je ajouter que l"™épuration est déjà en voie de réalisation, que l"™eugénisme est universellement admis et pratiqué, grâce à cette science et cette technologie qui, d"™autre part, contribuent si efficacement à améliorer le sort des personnes handicapées ?".

Ce corps handicapé, que généticiens et informaticiens voudraient envoyer dans les poubelles de l’histoire, est d’abord un corps déficient auquel il manque quelque chose. Selon la classification internationale du fonctionnement du handicap élaborée à la demande de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) la déficience est "perte ou altération d’une structure ou d’une fonction" ; l’incapacité : la "réduction partielle ou totale de la capacité d’accomplir une activité" ; le handicap : un "désavantage social qui limite ou interdit pour l’individu l’accomplissement d’un rôle normal."

Ce corps handicapé peut être aussi vécu comme un corps étranger, un corps qui ne répond plus, qui n’est plus sien. Souvent ce traumatisme se double d’une exclusion sociale d’autant plus grande quand la personne handicapée a échoué à la rééducation : "Pour ceux qui échouent à la réadaptation, la souffrance psychique m’apparut comme une des principales causes de leurs blocages et de leurs démissions. Vivre le corps démembré est dur, de toute façon, mais l’entourage qui est proposé à ceux qui stagnent dans la dépendance ne se résume qu’en quelques structures institutionnelles d’assistance, où rien n’est évolutif et qui font trop souvent penser à des mouroirs ou à des "ghettos"." (Jean-Luc Simon, 01/01, Editions de la Chronique Sociale, Vivre après l’accident). Et puis il y a le regard de l’autre dans lequel on lit la pitié. Pourtant certains handicapés renversent la vapeur et parviennent à surmonter leur souffrance, leur faiblesse, pour en faire une force.

La raison du plus faibleCar le corps faible peut être l’hôte d’une forte personnalité comme, par exemple, celle d’Alexandre Jollien, philosophe. Une force qu’il tire, paradoxalement (?) de son handicap : "C"™est une force qui nécessite un combat quotidien. Elle doit être entretenue comme une flamme qui est à la merci du moindre souffle." (Entretiens avec Alexandre Jollien) A la question de l’interviewer qui lui fait remarquer que dire qu’une faiblesse extrême entraîne une mobilisation extrême peut faire croire que la souffrance est positive, Jollien répond "La souffrance en elle-même est stérile. Elle est l"™ennemi absolu et il faut tout faire pour l"™annihiler. Mais si cela n"™est pas possible, il faut lui donner un sens." Pour donner un sens à son existence, Jollien a adopté la profession de philosophe, une profession qu’il justifie de belle manière :
"Paradoxalement, c"™est en visant le savoir-être plutôt que la compétence que l"™on parvient à assumer sa place dans la société. Pour ma part, c"™est en essayant de vivre meilleur que j"™ai « réussi » à exercer un métier, celui de conférencier."

Ces exemples montrent que la force et la faiblesse ne sont pas forcément où on les pense. Un handicapé en chaise roulante peut faire montre d’une force de caractère peu commune là où le bellâtre bodybuildé se révélera être un couard. On pourrait penser alors que c’est Nietzsche qui a raison. Alexandre Jollien, contrairement aux apparences, n’est pas un faible mais un fort puisqu’il n’est pas habité par la rancœur et la haine. Cependant, il ne faut pas généraliser hâtivement car cet exemple n’est pas courant et on peut penser qu’il y a plus d’handicapés démoralisés par leur corps démembré que d’handicapés qui peuvent regarder la mort en face : "La vie mutilée des capacités motrices de son support corporel nous rapproche de l’essentiel, et cet essence est tout autant terrible qu’elle est fantastique. Terrible, car la mort qui est rattachée à tout traumatisme corporel important est une réalité que certains n’osent, ou ne peuvent, regarder en face." (J.L. Simon)

 

Jacques Becker


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