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Dix-neuf ans...

Suite à un accident de moto, Patrice reste paralysé. Aujourd’hui âgé de 28 ans, il préconise le respect, le civisme et la tolérance. Depuis deux ans, il intervient en milieu scolaire, afin de sensibiliser les jeunes aux dangers de la route.

Chaque fois qu’on veut aller d’un étage à l’autre, il faut redescendre au parking pour changer d’ascenseur, c’est terrible !

Au centre-ville, c’est très dur de stationner. Pour se déplacer, les trottoirs sont très petits, les gens manquent de civisme, ne s’écartent pas sur le passage, ils ne vous tiennent pas les portes. Tous les magasins de la rue St Fé, la rue de Rome, la rue Paradis ont au moins une marche, c’est le minimum ; lorsqu’on est accompagné, ça va mais dès qu’il y a deux marches, c’est impossible d’accéder au magasin et qui dit impossibilité d’entrer dans un magasin, dit impossibilité d’acheter dans un magasin, donc on est pas les mêmes clients. Quand on pense que le centre Bourse, qui a été construit début 80, je crois, n’est pas adapté... Chaque fois qu’on veut aller d’un étage à un autre, il faut redescendre au parking pour changer d’ascenseur, c’est terrible. Cet été, je crois qu’ils ont mis une plage accessible. Personnellement, je n’y suis pas allé, j’ai des amis qui ont été, l’accessibilité est relative. Chaque personne est différente et ce qui peut-être accessible pour certains types de handicap ne l’est pas pour un autre. Au niveau des monuments, le Palais Longchamp, par exemple, les musées, il y a beaucoup de choses qui nous sont interdites. Nous sommes exclus en quelque sorte des lieux. Cet été, je voulais aller en boîte, il y en a qui sont accessibles, d’autres non. L’accessibilité, c’est en premier pour les personnes qui se déplacent en fauteuil roulant, après, c’est pour les personnes qui ont des difficultés à se déplacer, qui se déplacent en canne ou avec un déambulateur. Le métro aussi n’est pas accessible...

Si on ne peut pas aller dans la plupart des lieux publics, on reste chez soi...

On va rallonger les rames mais si la rame qui va arriver dans mon quartier est accessible et que à Castellane, je ne peux pas sortir, ça ne sert à rien ! Je vais faire l’aller-retour dans mon quartier ?! J’ai fait des démarches auprès du président de la République ou du ministre de la Santé pour expliquer les difficultés que j’avais à ce niveau. Il faudrait que ce soit les différentes associations qui se manifestent. En ce qui concerne les logements sociaux, c’est terrible, de trouver un appartement. Ça fait quatre ans que j’attends et je n’ai reçu encore aucune réponse à ce jour. On manque vraiment de logements accessibles aux personnes qui sont handicapées. Heureusement que j’ai pu acheter un appartement avec l’aide de mes parents qui se portent garants. Je sais que quand il y a un lieu public qui se construit, ça passe par la mairie. Il y a une réunion où l’APF intervient. Ils voient il y a deux marches, mais il y a des détails comme par exemple la fac de St Charles qui est assez récente, les toilettes pour handicapés, très bien, la porte très large mais quand on l’ouvre à l’intérieur, qu’on rentre avec le fauteuil, on ne peut plus la fermer. Peut-être qu’une personne en fauteuil aurait vu ça, ce sont des détails. Si on ne peut pas aller dans la plupart des lieux publics, on reste chez soi... Par contre au stade, c’est accessible parce que vous avez le parking réservé aux personnes handicapées et qu’il est surveillé.

C’est très dur pour les personnes handicapées, de trouver du travail...

Pour les études, moi, j’aurais dà » aller à Grenoble pour continuer. J’étais inscrit à l’ANPE et on m’avait trouvé trois boulots, deux dans le domaine que je cherchais, le phoning. Le premier, c’était au premier étage sans l’ascenseur, donc impossible pour moi d’y accéder. Deuxième boulot qu’ils m’ont trouvé, c’était accessible, par contre, quand le patron il a vu que j’étais en fauteuil, il a refusé de me prendre. Le troisième boulot, c’était gardien de la Paix. Donc là aussi... Pour ne pas discriminer les gens, ils n’osent pas mettre si on est handicapé ou non.

Il y a des emplois qu’on ne pourra pas faire parce qu’on est handicapé

Il faut le dire parce que ce n’est pas discriminatoire de dire qu’on est tétraplégique, c’est un fait. Je ne vois pas ce qu’il y a de discriminatoire en précisant ça sur le dossier. Quand j’ai vu l’employeur qui m’a dit : "Non, je ne peux pas vous prendre parce que vous êtes en fauteuil roulant", c’est parce qu’il avait peur que je sois plus malade qu’un autre, que je manque plus mon travail. Je pense que c’est de la méconnaissance, qu’on a peur de ce qu’on ne connaît pas parce qu’on en parle très peu. Les gens autour d’eux n’en connaissent pas beaucoup et c’est de là que viennent toutes les discriminations.

Non, je pense que je ne suis pas à plaindre

Je travaille en milieu scolaire. Les jeunes n’ont pas le regard qu’ont certains adultes. Ils acceptent plus les différences des gens, ils sont plus tolérants. Je trouve que certaines personnes nous regardent avec un œil de pitié, alors que je ne suis pas à plaindre. Non, je pense que je ne suis pas à plaindre. Pas plus que des personnes valides qui psychologiquement ne vont pas bien dans leur tête. Moralement ça va. Je suis entouré par ma famille, mes amis, donc ça va. Après, on voit qu’on est différent dans les lieux où on ne peut pas accéder ou par certaines personnes parce que c’est une méconnaissance du handicap. Comme ils ne connaissent pas, ils ont peur ou ils nous regardent : "Ah, il ne peut pas faire ça, le pauvre !" Une fois, une personne handicapée a dit à une personne valide que les valides sont tous des handicapés en sursis parce qu’avec le nombre d’accidents qu’il y a chaque année, accidents de la circulation, accidents domestiques, on ne sait pas demain ce qu’on sera. Aujourd’hui on peut marcher, demain, on peut être sur un fauteuil roulant, avoir une AVC, une maladie et être handicapé. Pas obligé d’être en fauteuil électrique, ni grabataire pour dire on est handicapé. Du moment où il y a quelque chose que tu n’arrives pas à faire, tu es handicapé. Il faudrait qu’il y ait un peu plus de respect, pas uniquement pour la personne handicapée, mais envers toutes les personnes.

Il faut du respect de la part des autres personnes.

Qu’il y ait beaucoup plus de civisme, qu’on arrive à se respecter les uns, les autres avec nos différences. Même si nous on ne se sent pas différent des gens, ce sont les gens qui font la différence. Il faut du respect de la part des autres personnes. Respect, civisme, intégration, pfff ! Ce n’est pas un mot que j’aime trop, intégration. S’intégrer, ça veut dire rentrer dans un moule pour que tout le monde soit pareil. Chaque personne est différente. On est 61 millions d’habitants en France et on est tous différents les uns des autres. On a peur de faire le premier pas ou de se mélanger. Ce serait si simple si tout le monde s’acceptait. C’est sà »r que le regard des filles est terrible. J’avais, comme tous les jeunes, une vie amoureuse, une vie sentimentale, une vie sexuelle, maintenant les filles regardent plus le fauteuil que la personne, ça fait mal, ça fait mal... Quand j’allais dans des endroits avec mes copains, les yeux étaient braqués sur moi : "Oh ! Qu’est-ce qu’il fait là , lui, avec son fauteuil ? Qu’est-ce qu’il vient faire en boîte ? Qu’est-ce qu’il vient faire à la plage ?" C’est vrai que c’est des regards lourds à porter, à supporter.

Une personne handicapée est une personne à part entière.

Aujourd’hui, ça fait huit ans que j’ai eu mon accident, je m’en amuse, de ce regard-là . Quand je vais à la plage en été, je veux leur montrer que oui, les handicapés vont à la mer, vont en boîte, font tout ça. On peut avoir les mêmes activités que les personnes valides. C’est sà »r qu’il faut avoir un entourage autour de soi parce que seul, c’est très dur d’aller à la mer. J’ai des amis que j’ai gardé qui m’emmènent avec eux. Il y a des personnes qui, suite à leur accident, sont délaissées par leur entourage. J’en connais beaucoup qui se retrouvent seuls avec leurs parents. Mes parents ont 55 ans, je les vois mal m’emmener à la mer. Il faut quand même avoir une force physique pour me pousser, me porter, des fois, quand il le faut. On n’est pas si différents des autres. Moi je ne m’estime pas inférieur ni supérieur des autres. Je suis différent. En milieu scolaire, je me présente comme une personne handicapée, je reste deux heures par classe, je pense qu’au bout de ces deux heures, ils ont compris qu’une personne handicapée n’est pas si différente d’eux. Le message que j’essaie de faire passer, c’est qu’une personne handicapée est une personne à part entière.

Je ne sais pas ce qu’une valide peut s’imaginer.

Au niveau des filles, je n’ai plus la même cote qu’avant. Peut-être qu’elles ont peur de sortir avec une personne handicapée parce qu’elles appréhendent comment ça va être au lit. Elles se posent beaucoup de questions parce qu’elles ne savent pas. Mais je ne sais pas comment on pourrait leur faire connaître. Après, il y a d’autres personnes handicapées qui ont des problèmes, je parle des hommes, problèmes d’érection, problèmes d’éjaculation... Il y a beaucoup de problèmes qui interviennent par rapport au handicap. Maintenant beaucoup de cachets existent et font en sorte qu’on peut avoir une érection normale. Après c’est la personne qu’on a en face, valide : comment elle va être quand il y aura l’acte. Est-ce qu’elle va avoir peur ? Quand je vais au lit, je me retrouve dessous. Peut-être qu’elles ont peur que pendant l’acte, il ait des spasmes, des tremblements, je ne sais pas ce qu’une valide peut s’imaginer. C’est sà »r que, quand j’ai couché avec ma copine la première fois, elle m’a posé la question : "Sexuellement, comment ça marche ?" Je lui ai dit que ça marchait comme avant mais c’est sà »r qu’elle s’est posé la question. La sexualité, c’est très important chez une personne handicapée. C’est un des besoins fondamentaux qu’on a, comme boire ou manger. Ouais, on a besoin de ça, d’avoir ce rapport. Dans l’acte sexuel, on ne partage pas que l’acte. Je veux dire, c’est des caresses, de la tendresse qu’on partage avec une autre personne, donc on a besoin de ça. Je sais qu’après mon accident, je suis resté plusieurs mois sans petite amie, j’étais vraiment pas bien moralement. Bien que mes copains étaient autour de moi, moralement, je n’étais pas aussi bien qu’aujourd’hui. Il manquait quelque chose, il manquait la tendresse, une présence, tout ce que l’acte sexuel emmène, plus chez les hommes que chez les femmes, je ne sais pas.

C’est un des besoins fondamentaux.

C’est sà »r que la sexualité, c’est important, même pour des personnes qui ont des atteintes cérébrales, des traumas crâniens. Eux aussi ont besoin de faire l’amour. Donc je le répète, c’est un des besoins fondamentaux. Ça fait quatre ans que je suis avec une fille et ça va. Ma sexualité n’a pas été atteinte. Heureusement qu’elle n’est pas handicapée parce que j’aurais été un peu dans... Ça aurait été difficile. Moi j’ai besoin qu’on m’aide pour faire mes transferts, pour passer de mon fauteuil au lit, pareil pour monter dans la voiture. J’aurais été avec une personne handicapée, on aurait toujours eu besoin d’une troisième personne. Ça aurait été... (rires), ça aurait été dur... Après on organise notre vie par rapport au handicap, c’est sà »r, chaque fois qu’on sort, il faut réserver, voir si c’est accessible. Après, il faut aménager sa vie avec le handicap puisque le handicap est au centre de notre vie. Mais on y arrive.

Avec 587 €...

Je perçois 587 € à taux plein. En plus, lorsqu’une personne handicapée vit seule, elle a droit à l’aide à l’autonomie qui représente 90 €. Cette aide-là va être supprimée en janvier. Alors au lieu que l’AAH soit revalorisée, on nous enlève une autre aide. Donc ça fait 90 € en moins. Avec 587 €, quand vous avez un loyer à payer, l’électricité, vous vous habillez, vous mangez... Heureusement qu’actuellement je vis chez mes parents. Ma mère, qui est à la retraite, m’aide, fait office d’auxiliaire de vie, c’est elle qui m’aide dans mes déplacements, qui va faire le ménage, à manger et si demain je vis seul, il faudra que je paye une personne. Pour cela, on a une aide qui s’appelle l’ACTP, l’Aide Compensatrice pour la Tierce Personne, qui représente 600 et quelques euros, ce qui vaut à payer une personne trois heures par jour pour faire le ménage, pour faire à manger, trois heures, c’est peu. Les autres vingt et une heures de la journée, on est seul. Tout ça n’est pas pris en compte.

L’AAH est soumis au revenu du conjoint.

Et pour en revenir aux revenus existentiels, l’AAH est soumis au revenu du conjoint. Si demain je me mets en concubinage ou si je me marie avec ma copine, je perds mes aides. C’est-à -dire que je ne vivrais qu’avec les revenus de ma compagne et si ils dépassent, je crois que c’est un peu moins que le SMIC mais dès que le conjoint touche le SMIC, on perd nos aides. Vivre à deux sur un salaire... On dirait qu’on fait tout pour nous laisser dans la précarité, l’assistanat. On aimerait avoir un enfant ensemble mais on va voir ce que va donner la loi, mais si à ce niveau-là , ça ne change pas, ça va être dur. Mon amie touche donc 7000 francs par mois, si on se déclare ensemble, 7000 francs à deux, c’est peu. C’est aberrant, que l’AAH ne soit pas revalorisée comme le SMIC, chaque année avec le coà »t de la vie. Je crois que ça n’a pas été revalorisé depuis 81, ça fait plus de 20 ans. Que ça soit soumis au revenu du conjoint, c’est une aberration. Ma copine travaille mais si on se marie, je serai toujours handicapé. On nous oblige presque à rester dans l’illégalité. J’espère que ce projet de loi va être modifié. Il y a des députés qui ont accepté de voir des personnes handicapées pour voir dans quel situation nous vivons et j’espère que ça va faire changer les mentalités, parce qu’ils vont vraiment voir ce qu’est une personne handicapée...

Propos recueillis le 29/09/04 par Salima Tallas


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