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Les portes, je les défonce d'entrée ! - Le magazine - Témoignages - handimarseille.fr, le portail du handicap à Marseille
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Les portes, je les défonce d’entrée !

Vêtu d’un tee-shirt marqué de l’effigie du "CHE", le ton calme et déterminé, Fred est un rebelle, un rebelle en fauteuil, dont les deux tiers du corps sont frappés de paralysie. Par son refus d’être traité d’invalide, Fred rejette en bloc toutes ces idées qui font de l’individu en fauteuil un homme diminué.
Il y a dix ans, la moto que conduisait Fred est entrée en collision avec une voiture. Handicapé par cet accident, Fred, qui a aujourd’hui vingt-six ans, est papa de jumeaux, un garçon et une fille de cinq ans.

Question : Comment as-tu vécu l’annonce de ton handicap ?

J’ai d’abord su que j’étais amputé avant d’apprendre que je ne remarcherais plus. J’étais très enragé. J’en voulais à tout le monde, au médecin et surtout au conducteur de la voiture. Deux mois et demi plus tard, je me suis retrouvé dans un centre de rééducation. J’ai vu des gens qui s’en sortaient et j’ai voulu faire comme eux.

Q : Maintenant comment gères-tu ton handicap ?

Je le gère bien sans pour autant l’accepter. Ce que j’accepte, c’est le fait établi, c’est-à -dire le fait que ce soit irréversible et que je ne puisse pas aller en arrière, quoi qu’il arrive. Cela dit, mon handicap, je ne l’accepte pas, je le refoule complètement. Et c’est ce qui me permet de repousser mes limites et de lutter. Je n’ai aucune barrière par rapport au handicap, je fais tout ce dont j’ai envie. Je vis, c’est tout.

Q : Gardes-tu toujours une rancœur contre ce conducteur ?

Oui, oui bien sà »r ! Puisque c’est lui qui m’a foutu en l’air ! Mais je n’ai pas envie de vivre à moitié sous prétexte que je dois faire attention. Je vis à cent pour cent les instants présents et pour le reste, inch’Allah. J’ai en ce moment une escarre qui nécessite une intervention chirurgicale.

Q : Peux-tu nous dire ce qu’est une escarre ?

L’escarre est une nécrose, une gangrène de la peau, due à une absence d’oxygénation des tissus. Dans la plupart des cas, cette gangrène est causée par de très longues immobilisations. Dans mon cas, les choses ne sont pas trop graves, mais elles nécessitent toutefois une intervention chirurgicale.

Q : À quand remonte ta dernière escarre ?

Cela fait huit ans que je n’en ai pas eue. Il y a comme ça des choses qui te reviennent et qui te remettent bien le handicap dans la tête.

Q : Comment ressens-tu le regard des gens sur toi ?

Le regard des gens dépend selon moi de celui que l’on porte sur soi et sur les autres. C’est à la façon dont on regarde les autres qu’ils nous abordent ou nous évitent.
Je sais, moi, qu’avec les autres je n’ai aucun souci. Ils viennent directement au contact, peut-être parce que je dégage une énergie positive. J’ai même bossé pendant deux ans pour une grande marque de vêtements et c’était vraiment sympa. Pendant deux ans, j’ai bien appris le commerce, mais j’ai très vite compris que je voulais bosser pour moi et non pour un patron. Sinon les choses se sont bien passées et je n’ai jamais ressenti de regard particulier de la part des clients.

Q : Mise à part la colère que tu ressens vis-à -vis du responsable de ton accident, ressens-tu quelquefois une certaine amertume à l’égard des autres personnes du fait, par exemple, que tu sois en fauteuil et pas elles ?

Certainement pas ! Tu es folle ou quoi ? Ils n’y sont pour rien, les gens ! Et puis, je ne me sens pas handicapé. J’ai tout juste un handicap d’apparence, c’est tout. D’ailleurs, au quotidien, je fais tout, tout seul, et puis j’ai un entourage qui me soutient et que je soutiens, ça crée alors une dynamique.

Q : Reçois-tu une aide des institutions ?

Non, je n’ai pas droit à tout ça. Je touche une pension de la Sécu, financée avec l’argent de mon procès . Et le fait d’avoir un certain statut par rapport à cette pension m’empêche d’avoir tous les autres droits.

Q : Ne ressens-tu pas cela comme une injustice ?

Non, pas du tout. Je ne suis pas du genre à accepter l’injustice, je ne la considère pas comme une fatalité. Moi, je l’ai déjà dit, je suis une personne autonome et les portes, je n’attends pas qu’on me les ouvre, je les défonce d’entrée.

Q : Optimiste, positif, c’est ton handicap qui t’a rendu ainsi ?

J’ai toujours été comme ça, j’ai toujours aimé la vie, je suis un écorché vif de nature. J’ai toujours aimé la musique, par exemple, et c’est sà »r qu’assis, débout ou couché, je la ferai. Je trouve, à travers la musique, un sac de frappe pour bien me dégonfler et m’extérioriser. J’en ai toujours eu besoin, avec ou sans handicap.

Q : Le handicap n’a donc rien changé à ta vie ?

Franchement non. J’ai toujours été comme je suis. J’ai, bien entendu, des coups de blues comme tout le monde, mais jamais de déprime, de dépression. Ce n’est pas pour moi, je laisse ça aux autres.

Q : Penses-tu que c’est cette rage de vivre qui t’a permis d’accepter ton handicap ?

Accepter le handicap, c’est accepter la facilité qui va avec. Moi je déteste tout ce qui va avec le handicap. Il n’y a pas de handicap puisque ma vie, au quotidien, est strictement normale. Quand je monte sur scène, je ne me prends pas la tête, je ne me pose aucune barrière du fait que je sois en fauteuil, je vais sur scène tout simplement. Si je vais au cinéma et qu’il y a des marches à monter, je ne me fais aucun souci, mes potes, ils me prennent et ils me montent immédiatement. D’ailleurs, je côtoie très peu de gens en fauteuil, j’ai surtout besoin de rencontrer les gens debout. Ma rage de vivre, je l’ai toujours eue. Je ne suis pas du genre à dire que j’y vois vachement plus clair depuis que je suis en fauteuil. Je pense que ce sont des conneries, tout ça.

Q : Es-tu marié ?

Non.

Q : Comptes-tu le faire ?

En fait, je pourrais envisager cela, mais il faudrait d’abord que je trouve la femme de ma vie. J’ai pendant un moment vécu une histoire qui était vachement bien. Je cherche quelque chose de plus personnel... par rapport à la liberté. Il y a Renaud qui disait quelque chose d’assez marrant : "On est des loups, on est faits pour vivre en bande, surtout pas en couple, ou alors pas pour longtemps". Et puis la liberté, c’est aussi de savoir vivre seul.

Q : Quel regard portent tes enfants sur toi ?

Les enfants sont différents. Ils ne se posent pas autant de questions que les valides, euh... les adultes. Ce sont eux qui me permettent de repousser mes limites, d’aller plus loin. Pour eux, je reste leur père et c’est tout.

Q : Parles-tu souvent de ton handicap à tes enfants, par exemple le fait que tu ne puisses pas faire certaines choses ?

Non ! Le handicap, je n’en parle même pas, et je ne ressens même pas le besoin d’en parler. Maintenant, il m’arrive d’en parler quand je rencontre des gens qui sont un peu intrigués, qui posent des questions et qui veulent avoir des réponses. C’est normal ! Mes enfants ont eu quelques questions au début, mais ils ont été plus choqués par le fait que je sois amputé et non par mon handicap. À six mois, alors qu’ils ne savaient pas encore marcher, mes enfants savaient déjà faire du fauteuil. Mais en vérité, je fais tellement de choses hallucinantes qu’il ne leur vient pas à l’idée de me poser des questions.

Q : Comment vivent-ils ton handicap par rapport à leurs amis ?

Par rapport à leurs amis, j’ai fait quelque chose de très intéressant. La maîtresse a accepté que je vienne à l’école, une matinée, faire cours. Les enfants ont donc pu me poser toutes les questions qu’ils voulaient. Le premier quart d’heure, j’étais un peu comme une bête d’attraction, puis après, je suis devenu leur pote. Ils voulaient tous jouer avec moi, ils voulaient tous que je leur fasse cours. Pour mes gosses, je reste leur papa, un papa "in".

Q : Crois-tu au destin ?

Oui, mais pour moi, le destin n’est pas ce qui est écrit. Je ne crois pas en ça. Pour moi, le destin c’est qu’une fois que c’est arrivé, c’est écrit. Ce qui implique qu’il y a des choses que l’on peut changer, et d’autres non.

Propos recueillis par Ines Konan, janvier 2005


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